Cette
caméra d'or décernée cette année à Divines
a été le moment fort en émotion / rire / télévision du dernier
Festival de Cannes. Houda Benyamina en invitant ses actrices sur
scène, en déclamant son discours pseudo-féministe et en sortant la
réplique, désormais fameuse « t'as du clito » à
Edouard Waintrop, sélectionneur de la Quinzaine des Réalisateurs, a
électrisé la soirée. Restait donc à découvrir Divines.
Cette réplique, on la doit à Rebecca (Jisca Kalvand) quand elle
rencontre pour la première fois Dounia (Oulaya Amamra) et Maïmounia
(Déborah Lukumuena). Le dialogue exact est « t'as du clitoris
toi, je t'aime bien ».
Avant
cette scène, Divines
prend bien soin de longuement et largement présenter ces deux amies,
filles de quartier populaire, et leur sinistre cadre de vie.
Maïmounia est la fille de l'imam de la Mosquée, lieu où démarre
le film. Elle est en pleine prière recevant des SMS de Dounia qui
l'observe de dehors, de la rue. Ce premier signe de religion sera
suivi d'autres, une évocation des djinns, une visite dans une
église, la musique sacrée utilisée comme illustration sonore. Mais
une fois la prière finie, le voile est rangé et Maïmounia court
rejoindre Dounia, adolescente menue en survet et capuche.
Dounia
est appelée la bâtarde par certains, parce qu'elle ne connaît pas
son père et que sa mère alcoolo a mauvaise réputation. Elles
habitent dans un camp Rom avec le grand frère travesti. On pourrait
croire que Houda Benyamina charge le paquet social pour décrire la
pauvreté, la marginalité, l'explosion du schéma familial, mais
dans ce portrait sinistre, il s'immisce toujours une part bienvenue
de comédie (Dounia prépare la « douche » pour sa mère).
Les ruptures de ton sont à l'image du personnage de Rebecca « tu
frappes et tu caresses », un duo à la Laurel & Hardy qui
passe du réalisme à l'onirisme, du drame à la comédie.
Pas
question pour Dounia d'assister plus longtemps aux cours du BEP
Accueil (oui, ça existe) et de sourire bêtement. Elle préfère
aller piquer, avec Maïmounia, des briquets et des sodas en les
cachant sous un hijab pour tout revendre aux gamins du quartier. Et
c'est donc pour se faire un peu de pognon que Dounia approche
Rebecca, la caïd de la cité qu'elle espionne, qu'elle observe et
qu'elle jauge. Grâce à un subterfuge et un chantage, elle prouve
ses qualités (si on peut s'exprimer ainsi) et se fait engager par la
boss du quartier et lui rend quelques services.
Avec
le personnage de Rebecca, véritable pivot du film, le plus
construit, la cinéaste montre ses hautes ambitions, soit se placer
sous la patronage tout autant d'Abel Ferrara, de Martin Scorsese, de
Brian DePalma ou de Il était
une fois en Amérique. Rebecca
est un conglomérat de tous les personnages de ces caïds, une Tony
Montana en herbe qui renvoie son toy boy dans la chambre quand les
deux adolescentes arrivent pour causer business, une femme d'affaires
qui se déplace en Mini décapotable, couleur rouge bien-sûr, et qui
traite Samir (Yasin Houicha) comme une bonniche, une potiche, un
larbin.
Divines
s'amuse à inverser les codes du genre. Sur un mode comique,
Maïmounia fait penser au loup de Tex Avery quand elle découvre les
abdos du toy boy de Rebecca. Sur un mode plus dramatique et plus
stéréotypé, Dounia matte Djigui (Kevin Mischel), danseur de
hip-hop promis à la gloire. Personnage un peu ingrat (ah l'art c'est
tellement mieux que l'argent), Djigui est vu comme un strict objet de
fantasme, à moitié nu à chaque apparition, son érotisation est
outrancière et parfois ridicule, et elle n'a rien à envier à
l'érotisation des bimbos dans les films hollywoodiens.
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