dimanche 30 septembre 2018

J'ai aussi regardé ces films en septembre


Un peuple et son roi (Pierre Schoeller, 2018)
Il y a quelque chose de Sacha Guitry, un côté Si Versailles métait conté, avec ce défilé d'acteurs (plus ou moins) connus pour incarner tout à la fois le « peuple », les membres de la Convention les plus connus et la famille royale. Le film suit cette mode actuelle du film historique, qui consiste donner le contrepoint, c'est-à-dire que chaque parti donne son point de vue. Cela rappelle la moquerie célèbre de Billy Wilder après avoir vu l'édifiant film sur Anne Frank « j'ai eu l'opinion d'Anne Frank, j'aimerais avoir l'opinion des nazis maintenant. » Le film tente ainsi de montrer comment la terreur s'installa en France en 1793, c'est plus historique que dans Les Visiteurs 3 mais à peine. Quelques belles scènes surnagent, les chansons d'abord que le peuple chantent contre les tenants du pouvoir et aussi ce joli moment où le soleil arrive enfin dans la rue quand la Bastille est détruite.

Les Frères Sisters (Jacques Audiard, 2018)
Il traîne en ce moment sur les réseaux sociaux une vidéo où Jacques Audiard visite un vidéo-club et donne ses goûts. Son tout premier coup de cœur est pour les films d'Arnaud Desplechin, je le comprends. On remarque que les deux cinéastes ont le même producteur Why Not. On remarque aussi leur goût commun pour les vieux effets cinématographiques, chez Desplechin les ouvertures à l'iris, chez Audiard le flou au bord du cadre comme dans un film muet. Ceci étant dit, Les Frères Sisters est largement supérieur à Jimmy P. Jacques Audiard suit une mise en scène basique suivant à tout de rôle deux duos qui se pourchassent jusqu'à ce qu'ils s'allient. Ça manque de rythme mais ce qui est plus marqué dans le film est la multitude de détails qui parsèment ce parcours dans une Amérique de 1851 sur la côte ouest. Des détails souvent détachés du récit mais qui font mouche chaque fois, telle cette araignée qui s'engouffre dans la bouche de John C. Reilly et dont il vomira plus tard ses rejetons. Sinon, Joaquin Phoenix fait toujours du Joaquin Phoenix (un fuck dans les 5 premières minutes). Le duo formé par Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed est d'une souveraine ambiguïté qui déplace le film vers un mystère relationnel qui a fait le motif principal du cinéaste depuis ses débuts.

I feel good (Benoît Delépine & Gustave Kervern, 2018)
Faire la peau du libéralisme est le projet, depuis toujours de Delépine & Kervern, cette fois avec l'aide de Jean Dujardin parfait en fils de communistes et frère d'une directrice d'un centre Emmaüs. Son discours donné sans phare est la grande attraction du film, il agit comme un gourou crétin qui embobine son monde, surtout les pauvres. Ça dure un peu trop longtemps pour la démonstration.

Le Poulain (Mathieu Sapin, 2018)
L'affiche est affreuse, le titre pas affriolant, mais le film réserve plein de surprises (bonnes). Evidemment les acteurs, Alexandra Lamy en tête mais aussi Finnegan Oldfield bien meilleur que dans ses derniers films. Le Poulain est plus mordant et franc que Quai d'Orsay de Bertrand Tavernier ou Chez nous de Lucas Belvaux pour des sujets à peu près similaires, l'ascension politique et la folie mensongère qui l'entoure. Ce que filme Mathieu Sapin à merveille, comme dans ses bédés, ce sont les coulisses et la candeur dans de délicieux dialogues, deux éléments de la politique française où les changements d'opinion, l'aspect girouette des personnages rappellent par certains moments la géniale série Veep, la réelle inspiration (voulue ou pas) du film.

vendredi 28 septembre 2018

It follows (David Robert Mitchell, 2014)

La banlieue de It follows est aussi calme que celle de The Myth of the American sleepover, aussi calme mais bien plus inquiétante avec ce plan séquence d'ouverture sur ces rues bercées par les feuilles jaunes de l'automne et cette jeune fille qui sort de chez elle, suit un trajet erratique dans la rue, va et vient de gauche à droite, affirme à sa voisine puis à son père que tout va bien, avant de s'enfuir en voiture pour terminer au bord de la mer. La nuit finie, elle se retrouve gisante, morte, une jambe brisée au dessus de son corps.

Comment en est-elle arrivée à cette position et pourquoi dans son agitation a-t-elle gardé son calme avant de mourir ? Le calme est ainsi le grand motif des films de David Robert Mitchell. Le cinéaste cherche à s'éloigner le plus possible de son époque ce qui mène à supprimer ce qui en est le signe le plus visible : le téléphone portable. Autre rejet, celui des parents à peine visibles, rarement évoqués, dans ces deux premiers films, ils sont absents, comme si les jeunes adultes de It follows étaient laissés seuls.

« Ça marche lentement, mais c'est pas stupide » dit Hugh (Jake Weary) à Jay (Maika Monroe). Ça est le it du titre, une chose que seuls Hugh et Jay peuvent voir désormais, une personne qui change d'apparence selon les circonstances. Hugh est le petit ami de Jay, un garçon bien sympathique. Sa sœur Kelly (Lili Pepe), leurs amis Paul (Keir Gilchrit) et Yara (Olivia Luccardi (on lui doit l'unique gag du film : « J'ai une idée » dit-elle « Quoi ? » demande Paul, elle pète avec un petit sourire narquois).

Hugh et Jay ont rendez-vous, ils vont au cinéma, une pause romantique entre deux baignades dans la petite piscine et l'ennui de banlieue. Hugh sort précipitamment de la salle quand il aperçoit une femme que Jay ne voit pas. Et Hugh et Jay couchent ensemble dans la voiture. Et enfin, Jay se retrouve attachée à une chaise dans une usine en ruine (David Robert Mitchell est le cinéaste des lieux dévastés). Il lui explique quand une femme arrive lentement vers eux, elle aussi verra quelqu'un arriver lentement vers elle.

Ce qui suit les personnages est un virus qui se transmet en couchant avec quelqu'un. Plus qu'une maladie, it est une métaphore de l'esprit puritain qui règne, de la sexualité, du passage vers l'âge adulte. Justement, Paul, amoureux des deux sœurs veut bien coucher avec Jay pour lui débarrasser de cet truc qui la suit. Elle refuse, elle doit penser qu'il a peu de chance de transmettre à son tour la chose, préfère aller vers un beau gosse qui trouvera facilement avec qui coucher. Le virus de la chose, de ce it, continue malgré tout à les suivre.


La marche de it donne son rythme au film avec des sursauts d'épouvante remarquables (en mode on sursaute). C'est cette balance de rythme, la lenteur où s'immisce une violence rapide qui donna sa force au film. Mais c'est la musique qui étonne. Elle est classique dans le genre de l'épouvante, toute en stridence, en instruments en corde. Composée par Rich Vreeland, elle enveloppe la nuit comme la jour (car it attaque quelque soit le moment de la journée) d'une aura énigmatique prolongeant l'angoisse sourde.























jeudi 27 septembre 2018

Dog shy (Leo McCarey, 1926)

Une autre histoire de chien pour Charley Chase. Son personnage en a peur de puis la plus tendre enfance (montré dans une vignette où un gamin se fait poursuivre par un chiot enchaînant avec Charley Chase courant devant un mâtin) et adulte, il les craint toujours. C'est parce qu'il est poursuivi par un cabot qu'il se réfugie dans une cabine téléphonique où une conversation avait lieu. L'homme au téléphone, un Duc, n'avait qu'un billet pour payer sa conversation et il est sorti chercher des pièces.

Au bout du fil, une jeune fille dont la mère et le père (mais surtout la mère), montrés tous les trois dans des plans de présentation qui désignent en deux secondes quel sera leur caractère, une maman envahissante, autoritaire et snob et un père tout l'inverse. Dès que la jeune femme a Charley au téléphone, elle voit en lui son sauveur, celui qui empêchera ce mariage dont elle ne veut pas et qu'on lui impose. Seulement voilà, Charley ne sait pas qui elle est et où elle vit, mais le hasard fait bien les choses.

Il se retrouve pile devant la maison de la jeune femme parce qu'encore une fois il s'est fait pourchassé par un chien. Et en croisant la route d'un majordome, le père croit que Charley est ce majordome. C'est alors qu'arrive le Duc. Belle opportunité, Charley voulait dire au père qu'il y avait confusion de personne. Et le voilà engagé au service de la famille, mais il faut tenter de découvrir où est la jeune fille parmi toutes ces demoiselles à qui le Duc fait la conversation. Il raconte ses exploits de chasse.

Plus que la recherche de la jeune femme, Charley va devoir accomplir ses tâches. La mère (qu'il a failli prendre pour la fille) lui demande de donner son bain au Duc. Le spectateur a compris qu'il s'agit du chien de la maisonnée (nommé ainsi par la mère), mais Charley l'ignore et convie l'invité principal à se préparer pour le bain. Ce que le Duc, mais ici pas le clébard, ne comprend pas, pensant que Charley, avec ses drôles de regards et ses gestes ambiguës lui propose une bien autre activité dans la chambre. Ce quiproquo est le summum du court-métrage.


Leo McCarey va plus loin dans la confusion des personnages en donnant rendez-vous à trois trios dans la maison au même moment avec le même signal (un hurlement de chien). C'est toujours étrange pour un film muet de jouer sur le son que les personnages doivent émettre. Le cinéaste joue du montage alterné entre ces trois trios où personne ne semble reconnaître la voix de son binôme. C'est rapide, c'est en montage alterné, c'est hilarant. C'est dans cette confusion, ces quiproquos que le duo Charley Chase et Leo McCarey est au sommet du comique.



















The Way of all pants (Leo McCarey, 1927)

Ce court-métrage très bref de Leo McCarey avec Charley Chase est une pantalonnade dans le sens le plus strict du terme. Charley doit livrer un pantalon neuf à une épouse qui veut l'offrir à son époux franchement jaloux. Arrivé chez sa cliente, elle exige qu'il l'essaie dans leur chambre. Là, le mari arrive et de la rue il voit Charley retirer son pantalon, et il pense bien entendu qu'il est l'amant de sa femme. Tout tombe bien, il engage un détective qui traînait par là pour qu'il enquête.

Le ressort comique qui lance tous les gags est la pudeur, la peur de se montrer en caleçon, sans pantalon long, devant des inconnus et ici en l'occurrence devant les invités, des gens riches et influents, comme le dit l'un des intertitres. Or, Charley se retrouve en caleçon long et va tout faire pour récupérer un pantalon. Tous les éléments vont l'empêcher et en premier lieu un chien taquin qui arrache l'une des jambes du vêtement et refuse de rendre ce qui appartient à Charley.

Charley demande l'aide d'un des employés, il lui propose d'aller chercher une autre paire dans la chambre mais c'est sans compter sur ce détective qui entre dans la danse. Ce détective est montré comme un homme franchement crétin, sortant sa loupe pour inspecter la jambe de pantalon que le chien traîne dans toute la demeure. Charley va piquer son pantalon à ce détective à deux reprises, ici c'est l'agilité des acteurs qui amuse avec les mains qui tirent ou attrapent le pantalon.


L'un des domestiques perd le sien alors que le dîner mondain est déjà en cours (le maître des lieux devient fou). Puis Charley se retrouve sous la table, il a beau piquer un steack à un invité pour le jeter au chien, rien n'y fait. Le meilleur gag est celui où Charley enfile la nappe de la table, pensant que c'est sa chemise qu'il glisse dans son pantalon. Toute la vaisselle et les victuailles se retrouvent sur les genoux d'une mondaine en robe de soirée. Le pauvre finira en caleçon au milieu de la rue.