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dimanche 15 mars 2020

J'ai aussi regardé ces films en mars


Kongo (Hadrien La Vapeur & Corto Vaclav, 2019)
Le personnage central de Kongo s'appelle Médard, on le surnomme Apôtre Médard, il dirige son église en portant un maillot de footballeur. Il en a plusieurs de ces maillots et sur l'un d'eux on voit la marque de bière Corona (comme un choc avec l'actualité brûlante). L'apôtre est mage ou guérisseur et enferme des « présences » dans des petites bouteilles. Il est le seul à les voir ces présences, ces sirènes, ces démons, comme l'un de ses patients lui dit après l'avoir soigné. J'ai passé un bon moment à observer l’œil droit de Médard qui vrille d'un côté. Voir ou ne pas voir et surtout que voir ? Il faut trouver les tombes égarées de deux enfants tués par la foudre apparue sans orage. Cela c'est le début du film. En écho, Médard cherchera une sirène dans une cascade qu'il aura du mal à trouver. Tout est dans le double et le trouble avec des images étranges d'eau. La mer qui traverse horizontalement le cadre, cette cascade disparue après l'arrivée d'industriels chinois venus exploiter les matières premières, l'eau des bouteilles de bric et de broc qui enferment ces démons invisibles. Voilà pour la partie documentée sur les rites de Médard. S'ensuit une histoire, un récit sur qui se greffe qui les scènes de guérison, un procès qui déploie ses propres rites. Kongo est une bizarrerie tournée au fil du temps (six ans disent les deux cinéastes) sans que je sache vraiment si c'est un documentaire ou une pure fiction.

La Bonne épouse (Martin Provost, 2020)
La comédie va bien à Juliette Binoche. Avec Noémie Lvovsky en religieuse vulgaire et excitée et Yolande Moreau en cuisinière enthousiaste, le trio de La Bonne épouse est irrésistible. Elles s'en donnent à cœur joie dans leurs rôles de femmes soumises qui apprennent à une vingtaine de jeunes femmes alsaciennes la soumission. Chacune a son registre comique, la voix haute pour Binoche (elle ressemble presque à Julia Roberts dans certaines scènes), la vulgarité pour Lvovsky (elle gueule, elle fume, elle dit ce qu'elle pense) et l'abattage habituel pour Yolande, tout en douceur. Pour les jeunes femmes, c'est un peu plus fâcheux. Les rares personnages qui ressortent sont de strictes caricatures (la lesbienne issue de grande famille, la paysanne timide, la délurée). L'académisme souffle dans chaque scène reconstituée. Alors, on attend avec impatience quand tout va se retourner et que chacune va refuser la soumission. Evidemment, ça arrive d'autant qu'on est en mai 1968. Bref, du bon, parfois très drôle, du moins bon quand le conformisme des situations s'enlise.

Alors comme tout le monde le sait, je ne vais plus pouvoir aller voir des films dans les salles de cinéma puisque les salles de cinéma sont désormais fermées jusqu'à nouvel ordre. Je vais pour l'instant me contenter de regarder mes DVD. Bon courage à tout le monde.

jeudi 28 février 2019

J'ai aussi regardé ces films en février


Le Chant du loup (Antonin Baudry, 2018)
Celle que vous croyez (Safy Nebbou, 2019)
Chaque décennie apporte son lot de jeunes acteurs qui ressemblent au fils du voisin, un peu insipides, passe-partout, sympathiques au demeurant. Récemment ces acteurs ont été Raphaël Personnaz et Pierre Niney et aussi François Civil. Ceux qui ont une bonne mémoire (et qui allaient voir des bons films français) se rappellent que François Civil jouait un ado troublé dans Soit je meurs soit je vais mieux de Laurence Ferreira-Barbosa. Depuis, il a grandi, s'est un peu emplumé (il a aussi gagné une drôle de tignasse) et s'est fait un peu connaître. Deux films en 15 jours, c'est pas mal. Le Chant du loup a une grande ambition : faire du cinéma d'action. Mieux que cela, coincer 4 acteurs connus dans un sous-marin, les mettre sous pression et voir ce que ça donne. Résultat : un film catastrophe dès que ça touche à la psychologie de pacotille. Mathieu Kassovitz se croit dans une série télé et va sans doute découvrir qu'il est au cinéma un jour. Reda Kateb est bon et François Civil se voit doter d'une romance qui ne sert qu'à apporter quelques retournements de situation, comme si la tension, créée avec du son – là le film est fort – n'était pas suffisante. Autre film, même tentative de suspense psychologique avec plein de twists également dans Celle que vous croyez. François Civil n’apparaît à l'image qu'au bout de 45 minutes, seule sa voix est présente, comme une variation de Her (il serait donc le Scarlett Johanson français). Etonnant pour un acteur totalement physique, il faut seulement lui souhaiter lui donner autre chose qu'une histoire de stalker sur Facebook. On croirait le scénario écrit il y a 10 ans, c'est-à-dire une éternité à l'échelle des réseaux sociaux, la mise à jour n'a pas été faite. Certaines critiques se moquaient de la ringardise de Doubles vies d'Olivier Assayas, Celle que vous croyez est bien plus calamiteux, tout en facilités narratives. Donnez-lui au petit François Civil d'autres films.

Euforia (Valeria Golino, 2018)
Le premier long-métrage de l'actrice, Miele, était dans mon souvenir un douloureux film doux-amer. Elle poursuit sur le même sujet, la fin de vie avec cette fois deux frères que tout sépare et que tout oppose. La construction narrative répond à une structure typiquement hollywoodienne avec une rupture entre les deux frangins et une réconciliation finale (on s'en doute) et avant cela une mise en place fastidieuse des oppositions. Mais quel manque d'ambition !

jeudi 31 janvier 2019

J'ai aussi regardé ces films en janvier


Glass (M. Night Shyamalan, 2018)
J'avais aimé The Visit, j'avais aimé Split, j'aurais dû aimer Glass mais je n'ai rien compris à ce film interminable. Comme quoi. Je suis bien sûr content de revoir Bruce Willis dans un grand rôle où il peut enfin jouer, montrer l'étendue de son art dramatique (contrairement à Death wish), c'est-à-dire jouer de toutes les expressions de son visage. C'est pour moi toujours un réel plaisir de le voir tourner les yeux en douceur pour exprimer largement plus que s'il avait donné quelques répliques et quelques coups de poing. C'est d'autant plus frappant que Samuel L. Jackson procède de l’apathie et James McAvoy de l'explosion de son corps (il ne s'agit pas ici de cabotinage, c'est plus subtil), un corps qu'il se plaît à montrer à moitié nu au fil de ses transformations – encore plus fort que dans Split, comme une performance artistique extrême. Trois hommes, trois acteurs dans des postures différentes, c'est engageant mais au bout d'un moment, dès qu'ils sont réunis dans cet asile de fous digne de celui de la série Teen Wolf, tout se complique pour moi : les explications pleuvent. C'est encore plus pénible que de voir Mark Wahlberg se battre contre le souffle des arbres dans Phénomènes (non j'exagère, rien n'était plus pénible que ça, à part le fils de Will Smith dans After Earth). Trop de psychologie comme dans ses films d'avant, très peu pour moi. Les hitcocko-hitcockiens vont adorer.

Doubles vies (Olivier Assayas, 2018)
L'une des choses les plus intrigantes du film réside dans les repas que prennent régulièrement les personnages. Ils ne mangent jamais sur des tables mais posent leurs assiettes sur leurs genoux. Etonnant, non ? J'imagine qu'il y a un sens là-dessous, je ne l'ai pas décerné. Sinon, c'est un film bizarre avec des dialogues totalement éloignés du tout venant du cinéma français, on va dire, intello. Olivier Assayas place dans la bouche de ses acteurs et actrices (tous très bons) ce qui semblent sortir d'une conférence sur le livre numérique. Le décalage fictionnel est troublant, parfois bancal quand ça enfonce des portes ouvertes mais il tente de créer quelque chose d'un peu inédit. Ouais, c'est pas mal, ça change.

Comme l'an dernier, je ferai un point sur les comédies français (en vérité ce sont des films comiques) qui sortent toujours en ces temps froids d'hiver : je compte bien voir le fleuron des films soutenus par le CNC avec de la bonne star franchouillarde dedans, Mais qu'est-ce qu'on a encore fait au bon dieu ?, Nicky Larson le parfum de Cupidon, All inclusive et parait-il une suite à Tanguy.

mercredi 7 novembre 2018

High life (Claire Denis, 2018)


Matt Damon dans Seul sur Mars, Ryan Gosling dans First man et aujourd'hui Robert Pattinson dans High life, la vie dans l'espace s'accompagne de l'effet Koulechov (c'est amusant d'observer combien les affiches de ces trois films sont similaires). Il faudra un jour se poser la question au sujet de ces acteurs blonds envoyés dans une navette spatiale et dans la voie lactée, sur Mars, la Lune ou au fin fonds de notre système solaire, non pas que ces trois acteurs ne soient incapables de donner la moindre émotion, mais les cinéastes et surtout Claire Denis jouent sur l'aspect lisse de ces interprètes.

Depuis qu'il a tourné pour David Cronenberg dans Cosmopolis, déjà une histoire où l'effet Koulechov était majeur, enfermé dans cette limousine comme dans cette boîte à sardines parallélépipédique qu'est le vaisseau spatial créé dans High life et déjà avec Juliette Binoche, Robert Pattinson ne cesse de se détourner de ce cinéma qui l'a fait naître et connaître (la saga Twilight). Life, Lost city of Z et Good time en attendant d'autres films. Personne n'aurait parié un caillou que le si insipide Edward Cullen deviendrait la coqueluche du cinéma art & essai.

Ça cause anglais dans ce vaisseau spatial mais ça rappelle l'Union soviétique et évidemment Solaris (celui de Tarkovski pas celui de Soderbergh). Pour bien faire comprendre qu'on est dans l'espace, notre héros apparaît en combinaison spatiale. Claire Denis et ses décorateurs et accessoiristes n'ont pas fait dans la surenchère, disons que ce serait un simple couloir de bureau où les portes et les rambardes seraient habilement déguisées et capitonnées pour faire légèrement futuristes. L'idée est qu'on sache immédiatement qu'on est dans l'espace.

Plus tard dans le film, tandis que la navette se déplace, Claire Denis filme le vide de l'espace, c'est-à-dire qu'elle sort dans l'intersidéral pour imaginer un trou noir dans lequel Robert Pattinson irait se perdre, s'engloutir, se fondre, comme un châtiment ultime de son parcours. Car il est un condamné à mort qu'un état, forcément futuriste, aurait balancé, sans gardiens ni témoins, dans l'espace au lieu de le faire croupir dans une prison du Texas ou du Kazakhstan. Il n'est pas seul dans sa boîte volante, attention histoire minimaliste et parfois baclée.

Le film ne se déplace pas seulement dans l'espace mais aussi dans le temps. Le présent, Robert Pattinson, souvent à moitié nu, couvert de tatouages, filmé comme un objet érotique, le vit avec un bébé, un nourrisson à qui il parle comme à une adulte. Claire Denis souvent avare d'explications toutes faites, d'autant plus qu'ici l'acteur passe du temps seul, parle peu (ou d'autres choses que le spectateur de SF chercherait à savoir), ne donnant pas à ses dialogues une force de narrations, laisse le spectateur deviner comment ce nourrisson est arrivé dans cette prison flottante.

Le passé de notre prisonnier est plus peuplé, des condamnés à mort comme lui. Là, ça parle beaucoup plus, de sexe essentiellement (Juliette Binoche et sa love machine), de désirs aussi, d'envie de meurtre un peu (le jeu pénible de Mia Goth). C'est un suspense formel minuscule qu'entend tenir High life, comment toutes ces personnes ont disparu de la prison spatiale, en adéquation avec le jeu de Robert Pattinson, somme toute fascinant dans ses postures de regards, sa bouche ouverte, ses gestes anachroniques, c'est lui le plus grand mystère de High life.

lundi 2 octobre 2017

Cosmopolis (David Cronenberg, 2012)

La première scène des Promesses de l’ombre se passait chez un coiffeur (Azim's Barber), avec son sens du raccord entre ses films, David Cronenberg offre un objectif à Eric (Robert Pattinson), il veut aller se faire coiffer à l’autre bout de la ville, de Wall Street à cet endroit à l'opposé de New-York où il va se rendre en limousine. Son garde du corps (Kevin Durand) lui déconseille ce trajet, le président est en ville et tout est quadrillé. Cosmopolis suit ce parcours, la plupart du temps à l'intérieur de ce véhicule où la rumeur, les bruits et les manifestations de la ville sont inaudibles.

Après trois films avec Viggo Mortensen, Robert Pattinson endosse le costume du héros cronenbergien, mâchoire carrée, yeux et cheveux clairs, grande forme physique, à ne différence près, c'est la première fois que ce héros est aussi jeune, un jeune loup de la finance, fondateur d'une start-up, son associé Shiner (Jay Baruchel) est tout autant juvénile et son trader (Philip Nozuka) encore plus gamin, habillé en étudiant geek. Ils sont les deux premiers personnages à faire un bout de chemin avec Eric et à annoncer la banqueroute de leur boîte (le yuan a chuté).

Cosmopolis est le film le plus linéaire de David Cronenberg, d'un point A à un point B, inexorablement, sans bifurcation ni détour, mais comme le plus grand cinéaste canadien de tous les temps n'aime pas la simplicité, ses personnages qui grimpent dans la limousine ou ceux qu'Eric va voir hors du véhicule arrivent sans aucune explication. Et surtout aucune psychologie, uniquement des dialogues phatiques qu'Eric écoute sans jamais lever un sourcil, sans jamais exprimer le moindre sentiment, Robert Pattinson est admirablement dirigé, tout en froideur.

L'épouse d'Eric, Elise (Sarah Gadon), est une beauté blonde aussi glaciale que lui. Ils se rencontreront trois fois, dans un café, une librairie et enfin devant un théâtre. Comment parvient-il à savoir où elle se trouve, là est l'un des mystères du film. Tout ce qu'il trouve à lui dire est qu'il a envie de lui faire l'amour (have sex). Elle remarque qu'à chaque rencontre, son beau costume bien repassé perd un accessoire, d'abord ses lunettes noires, puis sa cravate, enfin sa veste. Elle lui dit qu'il pue les sécrétions sexuelles, droit dans les yeux, il dément avoir couché avec d'autres femmes. Evidemment il ment.

Dans sa limousine, il baise avec Didi (Juliette Binoche, une scène très courte), puis invite son médecin, le Dr. Ingram à faire son check-up quotidien, il subit une coloscopie qui semble lui prodiguer un orgasme (j'ai pensé à la scène de l'implant du pod entre Willem Dafoe et Jude Law dans eXistenZ), observé par Jane (Emily Hampshire) qui place sa bouteille d'eau entre ses cuisses, enfin, dans un appartement, il couche avec Kendra (Patricia McKenzie), sa deuxième garde du corps. Il demande à recevoir un coup de son taser, car Eric veut vibrer à nouveau.

Une émeute a lieu dans New-York, la limousine est entièrement taguée, défoncée par les manifestants. Leur symbole est le rat, leur slogan est « un spectre hante le monde ». Deux d'entre eux débarquent dans le restaurant où il s'apprête à manger avec un rat dans chaque main. Sur le trottoir, un homme s'immole. Devant le garage des limousines, Eric se fait entarté par André (Mathieu Amalric), devant des caméras et photographes. « Ces limousines, où passent-elles la nuit ? » demande Eric, en écho avec Holy motors sorti en même temps.

Après trois titres programmatiques (A history of violence, Les Promesses de l'ombre, A dangerous method, tous composés d'un terme annonçant la noirceur), il revient à un titre composé d'un seul mot, comme Videodrome, Scanners, eXistenZ, où une entité chapeaute le récit, ici le Complex (le centre dans les sous-titres), une entité dont on ne saura jamais rien, mais le garde du corps ne cesse de s'y référer. L'énigme atteint son paroxysme avec la rencontre entre Eric et Benno Levin (Paul Giammati). Ce dernier loge dans un taudis situé juste en face du garage pour limousine.

Benno, à moins qu'il ne s'appelle Richard Sheets, accueille Eric avec la ferme intention de le tuer. Eric veut d'abord connaître son vrai nom, pas son pseudonyme. Benno ne vit pas seulement dans un taudis rempli d'un bric-à-brac (quand Eric veut pisser, il se rend dans des chiottes où les excréments tombent à l'étage du dessous). Qui est vraiment Benno, je ne le saurais vraiment le dire, car au fil du long dialogue (20 minutes) qui se termine par un plan noir cut, je n'en arrive qu'à une seule conclusion, Benno est Eric après sa chute, sa faillite, comme un retour vers le futur.























vendredi 29 septembre 2017

Un beau soleil intérieur (Claire Denis, 2017)

Une fois n’est pas coutume commençons par la fin, avec ce long et lent générique où le nom de chaque interprète apparaît en grosses lettres. Mâtin, quelle belle distribution, Juliette Binoche en tête, artiste parisienne qui va consulter un voyant en toute fin de film (une séquence d’un bon quart d'heure avec ce générique qui commence à défiler au milieu de la consultation). Et ce voyant est incarné par Gérard Depardieu, nouveau venu dans l’univers de Claire Denis, un unique séquence où il évoque tous les personnages vus depuis le début, il faut dire que le personnage de Juliette Binoche ne cesse de passer d'un homme à un autre. Son travail artistique, on le voit dans un seul plan en plongée, où elle peint à grand coup de pinceau du noir sur une toile blanche et ce qu’on découvre ressemble à un visage d’homme.

Avant de parler des hommes de la vie d’Isabelle (le prénom du personnage de Juliette Binoche n’est donné que tardivement dans le film, enfin des vrais et bons dialogues), évoquons rapidement ceux qui sont dans ce milieu de l'art contemporain. Son agent jouée par Josiane Balasko, blonde et les ongles vernis noirs, elle n’a que deux ou trois scènes, elle est formidable. Isabelle hésite à lui poser une question, elle tourne autour du pot pour lui demander si elle n’a pas eu une aventure avec François son ex et le père de sa fille. Présent aussi, Alex Descas, acteur fétiche de la cinéaste, est un galeriste avec qui elle va, en compagnie de Bruno Podalydés aux rencontres d’art contemporain de La Souterraine. La scène est fort drôle, une critique légère mais précise du milieu, la discussion a lieu au milieu d’une forêt, c'est à ce moment qu’Isabelle craque et laisse en plan tous ces beaux parleurs.

Les hommes, ce douloureux problème. Le premier plan de Un beau soleil intérieur cadre les seins de Juliette Binoche, nue sur un lit, elle attend son amant qui se couche sur elle et commence à lui faire l'amour. Lui, c'est Xavier Beauvois, un banquier un peu prétentieux, un peu lâche, un peu amoureux. Il s’invite chez elle, dans son appartement modeste mais rempli d'objets, le banquier vit dans un immense et luxueux appartement, tout blanc avec juste un tableau dans le salon et un immense canapé où elle sait pas où s’asseoir. Comme dans la scène avec Josiane Balasko, Isabelle est toujours dans l'hésitation puis le renoncement. Et dans l'improvisation de sa vie amoureuse, sans doute la raison pour laquelle on entend du jazz (ce qui change des Tindersticks).

Et là litanie des amants se poursuit avec Nicolas Duvauchelle en comédien de théâtre (à la Colline) alcoolique, lui aussi marié comme Xavier Beauvois mais contrairement à ce dernier, il aime le silence (bien qu'il ne cesse de parler, mais pour rien dire) et n’arrive pas à coucher avec Isabelle. Ou ne le veut pas. Quatrième homme, Laurent Grévill, l'ancien mari qui traîne parfois dans ses draps, quel bonheur de revoir cet acteur un peu oublié comme j'avais eu du plaisir à revoir Valérie Dréville dans Suite armoricaine. Dernier amant, l'étrange Sylvain que joue Paul Blain (le fils de Gérard Blain), une sorte de géant solitaire et silencieux sorti de nulle part (rencontré à La Souterraine et sorti de sa grotte). Les uns après les autres, elle les teste, les goutte, les jette ou les garde.

C'est cela que j’aime dans cet étrange film de Claire Denis, bien plus surprenant et étonnant que Trouble every day ou Beau travail, l’absence de dramaturgie n’est pas une nouveauté mais elle me gène moins que d’habitude. C'était déjà largement le cas dans White material, mais aujourd'hui la distribution hétéroclite me rappelle celle de J'ai pas sommeil en 1994 (Line Renaud en mémé karatéka quand même) ou Nénette et Boni (si Grégoire Colin est hélas absent, Valéria Bruni Tedeschi vient faire un coucou larmoyant). Les deux scènes de Philippe Katerine, déguisé en bon dandy au langage châtié, chez le poissonnier, sont des moments exquis. C'est cette veine que j’aime chez Claire Denis, un peu foutraque mais décontractée. Elle filme toujours autant les visages en gros plan comme cet immense tableau que peint chez elle Isabelle.