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mercredi 8 avril 2020

Close up (Abbas Kiarostami, 1990)

Parmi les étapes de ma vie de cinéphile se trouve Close up. J'étais alors tout jeune animateur de ciné-club à Grenoble, c'était la deuxième fois que j'animais une séance tout seul, en mai 1997 quelques jours avant que la Plame d'or ne soit attribuée à Abbas Kiarostami pour Le Goût de le cerise (ma première séance c'était Zabriskie point d'Antonioni, j'aimais les risques). Jusqu'alors je n'avais vu qu'un seul film du cinéaste iranien, Au-travers des oliviers.

A l'origine de Close up, un fait divers, un chômeur de Téhéran se fait passer pour le cinéaste Mohsen Makhmalbaf, qui eût son heure de gloire à la même époque qu'Abbas Kiarostami. Ce jeune homme s'incruste dans une famille bourgeoise en faisant croire aux deux fils qu'ils pourraient devenir acteurs dans son nouveau projet. Petit à petit, les membres de la famille commencent à comprendre que quelque chose cloche. Ils décident d'appeler la police pour arrêter l'imposteur.

C'est par l'arrestation que commence Close up. Du poste de police, deux policiers et un journaliste s'engouffrent dans un taxi, le chauffeur s'étonne que la police n'ait pas sa propre voiture, mais il accepte d'aller en banlieue chic pour cette course particulière. Le journaliste est ravi parce qu'il tient un scoop, il est tout excité, il est très volubile mais pas très organisé, il doit demander son chemin à des passants et surtout il a oublié son magnétophone.

L'arrestation se fait dans le plus grand calme. Abbas Kiarostami ne la montre pas, il reste avec le chauffeur de taxi qui attend ses clients. Il sort de son véhicule, fait le tour, ramasse quelques fleurs fanées jetées sur un détritus, donne un coup de pied dans une bonbonne de spray (gros suspense, laque pour cheveux ou déodorant), le spray va finir sa course au bas de la rue quand le journaliste donne un autre coup de pied, fou de joie de son scoop.

Inspiré de faits réels dit le générique d'ouverture qui arrive après cette séquence d'une durée d'un bon quart d'heure. Abbas Kiarostami a demandé à tous les protagonistes de cette usurpation d'identité de jouer devant sa caméra leur propre rôle, de vivre une deuxième fois ces événements. Le faux Makhmalbaf est Hossein Sabzian et les quatre membres de la famille Ahankhah, le père, la mère et les deux fils jouent le jeu.

Le plus gonflé dans tout ça est que Kiarostami va voir le juge chargé de l'affaire et qu'il lui demande d'avancer le procès. Pourquoi ? Tout simplement pour des questions de planning de tournage. Abbas Kiarostami veut filmer le procès. Ce seront des images moins belles que les reconstitutions, du 16mm probablement. On voit Sabzian assis devant la famille Ahankhah, il répond aux questions du juge et tente de se justifier.

Les scènes de procès sont coupées par les reconstitutions en 35 mm, telle celle de la rencontre initiale entre Madame Ahankhah et Sabzian dans un bus. Il tient un livre sur le cycliste de Makhmalbaf. C'est tout proprement hallucinant ce culot de Kiarostami d'avoir fait ça, je crois que c'est inédit d'avoir demandé de revivre ces événements. Il accepte de se placer dans ce rôle à la fois d'acteur et de metteur en scène.

La fascination décuple quand le vrai Mohsen Makhmalbaf vient chercher Sabzian à sa sortie de prison. Il retourne chez les Ahankhah s'excuser et leur apporte un pied de chrysanthème rouge (un rappel des fleurs fanées du début) dans une séquence, filmée de loin, d'une puissante intensité, sans qu'on sache si elle a pris sur le vif (comme le procès) ou reconstituée (comme le reste du film) et c'est dans cette inconnue que réside la beauté du film.


PS : Le film a été l'un des premiers du cinéaste iranien à sortir en France et en Europe. Nanni Moretti avait tourné un court-métrage sur la sortie de Close up dans sa salle de cinéma. C'était en 1994, ce film s'appelle Le Jour de la première de Close up.

































vendredi 15 juin 2018

Trois visages (Jafar Panahi, 2018)


Trois visages commence comme Happy end de Michael Haneke avec un cadre horizontal et une image de smartphone. Mais pour le reste, Jafar Panahi fait, heureusement, un film totalement différent. Une grosse bagnole, un chauffeur, Jafar Panahi lui-même, plus jovial que jamais, une passagère à la chevelure rouge écarlate Behnaz Jafari, une actrice de soap opera iranien, ultra connue à qui la vidéo a été adressée. Ils se rendent dans le nord de l'Iran dans une région où l'on parle turc et où les routes sont fort étroites.

On croise comme dans les films véhiculés d'Abbas Kiarostami, des géraniums sur les balcons, des maison brinquebalantes, des discussions avec les villageois. Chaque villageois est porteur d'un sketch, celui avec les klaxons, celui avec le prépuce, celle dans la tombe, celui qui éructe, tous sont dans le domaine de la comédie. Depuis Taxi Téhéran, on sait que Jafar Panahi est un cinéaste à l'humour délicat. Le tout pour composer une enquête qui traîne parfois en longueur sur Marzyieh, la jeune fille dont on découvrait la parole en début de film.

On l'écoutait attentivement mais paradoxalement Jafar et Behnaz eux ne voit que la mise en scène de l'image : est-elle truquée, est-elle montée ou au contraire peut-on en déterminer la vérité bazinienne dans l'absence de montage ? Là est la plus grande réflexion sur l'image de Trois visages. Une habitude chez le cinéaste dès Le Ballon blanc superbe film sur le un tournage de film. Le dernier plan séquence fixe, le seul avec de la musique, voit Behnaz longuement marcher et rejointe par Marzyieh, rappelle le dernier et magnifique plan dans Au travers des oliviers.

Il était logique que Jafar Panahi s'approprie la plus belle séquence du cinéma d'Abbas Kiarostami mais avec une plus grande sécheresse, chez Abbas Kiarostami, Tahereh et Hossein se rejoignaient dans une paysage verdoyant qui aurait pu annoncer un avenir meilleur, chez Jafar Panahi le chemin rocailleux est la parabole de la difficulté actuelle du cinéma iranien à se renouveler, à briser dans l’œuf le rêve de Marzyieh de devenir actrice, le plus audacieux pied-de-nez de Jafar Panahi aux mollahs, Trois visages est la meilleure comédie du cinéma iranien.

mardi 15 mai 2018

J'ai aussi regardé ces films en mai


Miracle (Egle Vertelyte, 2017)
Une éleveuse de porcs, son mari ivrogne et un Américain en Cadillac. Voilà les personnages principaux de ce premier film d'une réalisatrice lituanienne (une chose fort rare). Le format est carré, le cadre est très travaillé, le récit est une fable sur l'après URSS en Lituanie et l'arrivée sur les chapeaux de roue (en Cadillac donc) de l'ultra-libéralisme qui se nourrit sur les cendres du collectivisme. Pour quelques dollars de plus, les anciens employés achètent des biens de consommation. L'Américain, un exilé lituanien en vérité, cherche un trésor enterré sous la porcherie. Le film est souvent amusant (c'est de l'ordre du cocasse, de l'exotisme de voir ces personnages rustres) qui évoque plus les films d'Aki Kaurismaki que Le Trésor de Corneliu Porumboiu.

Death wish (Eli Roth, 2018)
La dernière fois que j'ai vu Bruce Willis au cinéma, c'était dans Sin City 2, autant dire pas grand chose (oui, il faisait un coucou dans Split). Mais depuis 4 ans, il n'a pas arrêté de faire des films, des choses tout juste dignes de sortir en VOD. Ceci dit, la carrière d'Eli Roth n'est guère plus flamboyante. Dans Death wish, il lui prend la drôle d'idée de faire jouer à Bruce Willis un chirurgien, bon père de famille et amoureux de son épouse. Non, on n'y croit pas. Le film met des plombes à démarrer et Eli Roth fait alors ce qu'il sait le mieux faire, un polar crade et violent avec quelques scènes sanguinolentes. Bruce Willis est déjà plus à son aise en vengeur à sweat à capuchePour que j'aime à nouveau mon cher Bruce Willis, il va falloir que Glass de M. Night Shyamalan soit réussi .

Action ou vérité (Jeff Wadlow, 2018)
Comme le dit bien l'affiche de ce minuscule film de série B « par les créateurs de Get out ». Le studio Blumhouse produit un film d'horreur à l'opposé de Get out, sur tous les points. Action ou vérité est un simple slasher sur quelques étudiants américains un peu crétins partis au Mexique picoler et baiser. Pris au piège par un maléfice, chacun doit choisir entre dire la vérité ou avoir un gage. Comme je l'écrivais sur un autre film couillon (Nerve), tous les gages se contentent de faire des bisous ou de se frapper le poignet au marteau quant à la vérité de dire qu'on s'est trompé. Eternelle pudibonderie de Hollywood. C'est ce film là qu'Eli Roth aurait du réaliser.

Everybody knows (Ashgar Farhadi, 2018)
Les paysages de la région de la Mancha ainsi que ce village typique ont beau ressembler souvent à ceux de l'Iran, rien n'y fait, Everybody knows est un film Canada Dry des œuvres précédentes d'Ashgar Farhadi. L'interminable mariage où tout la famille est heureux de se revoir pour faire la fête sonne faux : le cinéaste appuie à grands coups de stabilo sur la complicité des personnages. Et là, c'est le drame, la fille de Penelope Cruz est kidnappée. Penelope Cruz pleure, renifle, souffle, se met les mains sur le visage. Javier Bardem vend sa vigne pour l'aider. Il reste combien de temps au film ? Une heure et quart ? Allez, on fait se disputer tous les invités, on sort les vieilles rancœurs. Il reste combien de temps ? 45 minutes ? On peut demander à Penelope Cruz de pleurer, renifler et soupirer à nouveau ? Et à Javier Bardem de vendre sa vigne. Déjà fait, pas grave, personne s'en apercevra.

mardi 5 juillet 2016

Abbas Kiarostami (1940 - 2016)

« Ecrit et réalisé par Abbas Kiarostami », générique en farsi de Close up (1990)

Au travers des oliviers est le premier film d'Abbas Kiarostami que j'ai vu au cinéma. J'avais 23 ans, je trouvais le titre très beau, et je suivais rigoureusement les conseils proférés par les Cahiers du cinéma. La revue s'en était donné à cœur joie, pas moins de six pages, presque sans illustration. Je me rappelle encore mon impression hébétée à la sortie du film, pas certain d'avoir aimé ça, pas certain d'avoir tout compris. C'était mon tout premier film iranien, mon premier Kiarostami qui vient de mourir à 76 ans. Comme Jean-Pierre Melville, Jean-Luc Godard et Wong Kar-wai, le cinéaste iranien arborait une paire de lunettes noires, moins sombres que ses illustres pairs, ce qui ajoutait au mystère du bonhomme. Il avançait toujours avec un petit sourire énigmatique.

De ce film, Au travers des oliviers, que je n'ai pas revu depuis 21 ans, je me souviens de plans épars, cette maison garnie de pots de géranium et de ce long plan final, filmé de très loin, où l'homme suit la femme, elle en voile blanc blouse noire et lui en chemise blanche pantalon noir. Ils traversent tout le cadre, descendent une colline. Le genre de séquence qui imprime durablement. L'arrivée d'Abbas Kiarostami dans le paysage français s'est fait tardivement, au début des années 1990, Où est la maison de mon ami (1987, sorti début 1990), Close up (1990, sorti fin 1991), Et la vie continue (1991, sorti fin 1992) ont été diffusé dans les cinémas Art et essai. Et puis, en 1997, Isabelle Adjani décide d'offrir, ex-aequo avec L'Anguille de Shohei Imamura, la Palme d'or du Festival de Cannes 1997.

Cette reconnaissance tardive mais certaine, au moins auprès de la critique (l'un des cinéaste adulé à la fois par les Cahiers du cinéma et Positif), et pour un public restreint mais fidèle masque qu'Abbas Kiarostami avait alors plus de 25 ans de cinéma dans le viseur. Il avait commencé à la fin des années 1960, alors que l'Iran était encore une monarchie, à la KANUN (l’Institut pour le Développement Intellectuel des Enfants et des Jeunes Adultes) avec toute une série de courts-métrages ayant pour cadre l'école, la famille et pour sujets des enfants. Certains de ces films sont disponibles en DVD. Ni tout à fait des documentaires, pas vraiment des fictions, ces courts-métrages permettent au cinéaste d'expérimenter la narration à double sens et la direction d'acteurs non professionnels. L'art du simulacre porté au paroxysme.

L'œuvre kiarostamienne couvre de nombreux sujets. L'enfance tout d'abord (sommets Le Passager sur un enfant qui veut assister à un match de foot, Où est la maison de mon ami ? sur un gamin qui traverse la campagne semée d'obstacles). La femme également que le cinéaste filme à la recherche de son identité (sommet Ten, entièrement filmé dans une voiture, en 10 plans séquence). La voiture, présente dans beaucoup de ses films symbolisent le travelling (le voyage) qui, comme on le sait tous, est une affaire de morale. Abbas Kiarostami a aussi été le scénariste de certains films de Jafar Panahi. En 2009, il quitte l'Iran pour tourner en occident, Copie conforme sorte d'hommage à Voyage en Italie de Rossellini, Like someone in love tourné au Japon, films moins passionnants.

Le cinéma est le sujet majeur de son œuvre. Et la vie continue met en scène un cinéaste qui visite les ruines du nord de l'Iran suite à un tremblement de terre, Au travers des oliviers se concentrera sur Hossein rencontré dans le film précédent. Dans Le Vent nous emportera, le cinéaste voyageur ressemble comme deux gouttes d'eau à Kiarostami. Le sommet du genre est Close up, incroyable et fascinante mise en abyme sur un homme se fait passer pour Mohsen Makhmalbaf où tout est reconstitué avec les vrais protagonistes. Et Abbas Kiarostami a photographié de nombreux paysages, aussi beaux que ceux de ses films. Et la vie continue...
 Le Pain et la rue (1970)
 Le Pain et la rue (1970)
 Le Pain et la rue (1970)
 Le Passager (1974)
 Le Passager (1974)
 Le Passager (1974)
 Le Passager (1974)
 Où est la maison de mon ami (1987)
 Où est la maison de mon ami (1987)
 Où est la maison de mon ami (1987)
 Devoirs du soir (1990)
 Devoirs du soir (1990)
 Close up (1990)
 Close up (1990)
 Close up (1990)
 Close up (1990)
 Close up (1990)
 Et la vie continue (1991)
 Au travers des oliviers (1994)
  Au travers des oliviers (1994)
  Au travers des oliviers (1994)
  Au travers des oliviers (1994)
 Le Goût de la cerise (1997)
 Le Goût de la cerise (1997)
 Le Goût de la cerise (1997)
 Le Goût de la cerise (1997)
 Le Vent nous emportera (1999)
  Le Vent nous emportera (1999)
  Le Vent nous emportera (1999)
  Le Vent nous emportera (1999)
  Le Vent nous emportera (1999)
  Le Vent nous emportera (1999)
 ABC Africa (2001)
 Ten (2002)
 Ten (2002)
 Ten (2002)
Five (2004)