Pendant
les sept ans où j'ai tenu mon blog AsieVision, je n'ai pas écrit
une seule ligne sur Hou Hsiao-hsien. Faut dire qu'il n'a tourné
aucun film pendant cette période. Et je dois avouer que j'ai mis 18
ans avant d'aller voir un de ses films, traumatisé après mon
expérience devant Les Fleurs de Shanghai. Avec la sortie de
ses premiers films, je me suis réconcilié avec Hou Hsiao-hsien. En
revanche, j'ai beaucoup écrit sur mon ancien blog sur Shu Qi. C'est
elle qui accueille le spectateur en ouverture de Millennium mambo.
Extérieur nuit, plan séquence, un tunnel, elle avance les cheveux
au vent, elle se retourne au ralenti, sourit, cigarette à la main.
Pourtant
quelque chose ne colle pas avec ce regard caméra, promesse d'une
complicité. Une voix off, une voix de femme, parle de cette Vicky
que l'on voit et qu'elle semble bien connaître. Elle parle de
Hao-hao, son petit ami jaloux et colérique, sans emploi, comme
Vicky. Hou Hsiao-hsien ne dira jamais qui est cette narratrice
omnisciente ni pourquoi on l'entend, on l'écoute. Elle intervient
régulièrement, et ce qu'elle dit est souvent en avance sur les
images, comme si elle savait déjà ce qui se trame. Il arrive
qu'elle ne dise rien pendant de longues minutes. Quoi qu'il en soit,
Shu Qi sera de toutes les scènes de Millennium mambo.
Vicky
vit la nuit. En plans séquence, Hou Hsiao-hsien suit ses soirées.
Un anniversaire avec des amies où un gars annonce qu'il a reçu un
diplôme de magicien. Il fait un petit tour avec des pièces de
monnaie. Une longue scène de rave toute bleutée où les corps sont
en abondance sur la piste de danse, on remarque que Jack Kao est là.
Une dispute aussi violente que soudaine éclate entre Doze Niu, l'ami
de Jack Kao, et Hao-hao (Tuan Chun-hao, chaque acteur porte son
propre nom, sauf Shu Qi). Hou Hsiao-hsien n'a jamais filmé les
corps, les peaux d'aussi près, des gros plans sur les visages dans
ces espaces pourtant très vastes.
Le
jour, Vicky et Hao-hao glandent dans leur petit appartement. Là, le
cinéaste recule sa caméra, la fait pivoter pour filmer l'entièreté
du lieu et suivre ses deux personnages qui se parlent à peine. Quand
Vicky rentre chez elle, elle enlève son manteau, jette ses vêtements
tout enfumés sur le lit, passe par la cuisine s'allumer une
cigarette, se sert un verre de whisky. Hao-hao s'approche, il la
palpe comme s'il la fouillait. Ce genre de scène se reproduira
plusieurs fois pendant le film avec quelques variantes, le couple
s'était englué dans une routine qui tourne, au fur et à mesure, au
malsain.
La
voix off apprend qu'ils ne travaillent pas. Il passe son temps
derrière ses platines, dans l'espoir de devenir DJ. Il invite ses
amis qui vident le frigo et jouent aux jeux vidéo. Il vit de petits
larcins, il vole la belle montre de son père pour la revendre. La
police vient perquisitionner. Vicky trouve enfin un boulot au bar que
tient Jack. Hao-hao lui pique ses pourboires quand elle revient.
Plusieurs fois, elle s'en va. Chaque fois, il la retrouve. Elle se
met à picoler. Jack l’héberge chez lui. Mais la vie de Jack n'est
pas non plus tranquille, avec Doze, il traîne dans des histoires
louches. Il partira se mettre au frais au Japon.
Le
Japon (où Hou Hsio-hsien tournera Café Lumière) est la
porte de sortie de Vicky. Elle se fait inviter (ou plutôt elle
s'incruste) chez les frères Takeuchi. Le calme de la neige de
Hokkaido est en violent contraste avec l'agitation de Taïwan. Des
moments de répit et de sourire. L'une des plus belles scènes est
justement au Japon, en toute fin de film, totalement déconnecté du
récit de toute façon très lâche, Hou Hsiao-hsien filme des
affiches de cinéma peinte, Mélodie en sous-sol, La Cité
de la violence ou Tora San, le même genre d'affiches
grand format vues dans Poussières dans le vent. Shu Qi fera
deux autres films avec Hou Hsiao-hsien, Three times et The
Assassin.
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