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jeudi 5 mars 2020

The Invisible man (Leigh Whannell, 2020)


Dans les premières minutes de The Invisible man, aucun mot n'est prononcé. C'est suffisamment rare dans le cinéma américain pour que ce soit remarquable et remarqué. Et pour cause, pour appliquer son plan d'évasion, Cecilia (Elisabeth Moss) ne doit réveiller son mari Adrian qui dort à côté d'elle. Elle bouge avec lenteur, elle fait des gestes discrets, elle fait des pas de loup. Seule sa faible respiration se fait entendre.

The Invisible man commence là où se terminait Upgrade, dans une maison isolée du monde, au bord d'un océan et entourée d'un mur infranchissable à moins d'avoir une autorisation. Cette maison est la prison de Cecilia. Une prison où les caméras placées partout surveillent chaque pièce et que Cecilia débranche avec minutie. La maison est un ensemble de pièces de béton et de verres, un labyrinthe qu'elle traverse avec précaution.

Le premier mot prononcé est Zeus. C'est le nom de son chien qui la suit, mais il s'arrête prudemment. Lui aussi est en prison et dès qu'elle parvient à lui retirer ce collier, un mouchard, un instrument de torture qui limite les déplacements de l'animal, le chien recule par mégarde et touche la voiture. La sirène s'enclenche et Adrian se réveille en sursaut. Il poursuit Cecilia qui réussit tout de même à franchir le mur et rejoindre sa sœur qui l'attend plus loin.

Ce qui continue de frapper, là aussi d'être remarquable, est le choix de la lumière du film. On est dans cette première scène d'évasion dans la nuit, la lumière est sombre, dans une semi-obscurité. Mais pendant tout le film, cette impression cotonneuse continue, la brume ne se dissipera jamais vraiment. A la limite, on pourrait presque croire que tout cela est un cauchemar que vit Cecilia encore après son évasion.

La liberté est un exil. Cecilia se cache, grâce à l'aide de sa sœur Emily (Harriet Dyer), chez James (Aldis Hodge), un flic qui vit avec sa fille adolescente Sydney (Storm Reid). Le film se calme, il flirte avec les apparences d'une vie normale où les deux femmes plaisantent, où elles jouent aux gamines devant le papa responsable. Cecilia a encore du mal à mettre un pied dehors, malgré les encouragements de son hôte. Elle est convaincue d'être surveillée.

Cette vie calme est vite déréglée par des événements improbables (un gifle à Sydney, un téléphone qui vibre, une boite de médicaments), des petits accrocs qui se multiplient. On a bien lu le titre du film, on comprend qu'un homme invisible vient perturber la nouvelle vie de Cecilia. Personne ne la croit mais le spectateur sait ce qui se passe. Pour l'instant, elle doit encore comprendre ce qui se passe. Elle doit faire face à cette inconnue qui s'apparente à du paranormal.

Pour une fois, c'est le regard de la victime qui écrit le récit. Voilà la différence la plus flagrante avec d'autres films sur l'homme invisible (celui auquel je pense est Hollow man où le point de vue est celui du personnage de Kevin Bacon). Pour corser encore plus le tout, on ne connaît pas le visage d'Adrian qui est probablement l'homme invisible – tout le laisse supposer – ce visage de l'homme n'était pas visible dans la séquence d'évasion.

Comme dans Upgrade, The Invisible man parle de l'homme amélioré. La technologie ouvre la porte à un monde tyrannique. Une tyrannie qui plonge notre héroïne dans la folie, dans un chaos dont elle a toutes les peines du monde à sortir. Personne, à part le spectateur, n'accepte d'adopter le regard de Cecilia, de la croire et les retournements de situation, tous plus spectaculaires les uns que les autres dans la deuxième heure, en font l'un des films les plus excitant du moment.

mardi 29 octobre 2019

Upgrade (Leigh Whannell, 2018)

Les films produits par Blumhouse se suivent et ne se ressemblent pas, entre les très bons films (Get out, Blackkklansman) et les gros ratages (Action ou vérité, Ma), on trouve de tout dans la maison de Jason Blum. Le producteur n'arrête pas, forcément on passe à côté de films. Ce Upgrade vient d'Australie, il est sorti en octobre 2018, je n'en avais jamais entendu parler. C'est réalisé par Leigh Whannell que les habitués de Blumhouse connaissent bien, dans les malicieux Insidious (pour les amateurs de films où on sursautent), il est l'un des deux experts du surnaturel qui débarquent en costume. Voilà pour les présentations.

Les premières séquences de Upgrade ne sont pas vraiment engageantes, il faut bien le dire. À part ce générique parlé (ce qui n'est pas commun) avec une voix électronique qui cependant donne le ton, l'ouverture est banale. Un gars, un peu macho, brut de décoffrage, Grey Trace (Logan Marshall-Green, que certains appellent le sous Tom Hardy) répare une vieille voiture dans son garage. On est dans n'importe quel film mais tout est troublé quand la petite amie du monsieur arrive (Melanie Vallejo), elle débarque en véhicule futuriste. Ça contraste avec cette voiture tout ce qu'il y a de plus classique.

Premières scènes banales donc mais vite balayées par cet environnement de technologie avancée. Grey doit justement livrer l'auto à un petit génie de l'informatique qui habite, isolé au bord de l'océan, dans un demeure à la fois ancestrale (on y pénètre par un escalier situé sous un dôme formé de menhirs gigantesques) et ultra moderne (tout est connecté). Le geek Eron Keen (Harrison Gilbertson), réplique fictive d'Elon Musk, sorte de robot vivant commence à lui parler d'un cerveau intelligent qu'il vient de créer. Il lui montre un processeur de la taille d'un pouce qui serait la forme la plus aboutie d'intelligence artificielle.

L'intelligence de Grey Trace n'est pas son point fort mais c'est dans son corps que va être implanté ce petit bout de logiciel. Les circonstances de cette greffe de la technologie sur un corps de héros des années 1980 sont l'une des meilleures idées du film. Il s'agit d'une enquête sur un accident qui cause la mort de sa petite amie et rend Grey handicapé. Les images sont mises en question, Grey cherche à comprendre ce qui s'est passé, en parallèle à l'enquête de la police menée par l'inspectrice Cortez (Betty Gabriel) à qui il ment constamment. On parle de manipulation des images, de simulacre, on est à la fois en plein dans notre époque et dans une tradition de cinéma paranoïaque.

Jusque là rien que du déjà-vu, certes Upgrade est agréable mais le film prend une ampleur avec l'existence de ce logiciel qui prend vie dans le corps malade de Grey. Le logiciel a un prénom Stem et une voix intérieur (celle de Simon Maiden), une voix bien entendu aussi proche que possible de celle de HAL dans 2001 l'odyssée de l'espace. C'est ce duo intérieur, Grey physiquement là mais absent pour les autres (puisqu'il est sur un fauteuil roulant) et Stem intellectuellement là mais absent pour tous sauf Grey. Cette matière donne des possibilités infinies au récit, celle choisies s'axent sur deux pôles qui font de Upgrade une très agréable surprise.


Stem contrôle le corps et rend Grey très fort. Il devient une machine de guerre (filmée comme dans un jeu vidéo) et dans cette enquête qu'il mène en solitaire, il détruit tout sur son passage, c'est-à-dire les décors comme les personnages, des hommes « améliorés » mais aux cerveaux dégénérés. Là où le film est plaisant c'est dans les rapports que Grey a avec cette machine, c'est un comique facile mais efficace, souvent très drôle où tout repose sur des répliques hilarantes et des situations de quiproquos. Plus le film avance, plus les ressorts de science-fiction s'estompent pour aboutir à un thriller politique. On verra ce que le réalisateur, toujours pour Blumhouse, fera avec son Homme invisible, prévu pour 2020.