vendredi 31 janvier 2020

J'ai aussi regardé ces films en janvier


1917 (Sam Mendes, 2019)
L'immersion. C'est le concept actuel du film de guerre. Le spectateur doit être en immersion, il doit suivre pendant deux heures les soldats. Pour Christopher Nolan, c'était le son uni (comme une couleur unie) qui encerclait le spectateur de Dunkirk, pour Sam Mendes, c'est le plan-séquence. On ne coupe plus, on ne peut pas quitter nos deux petits jeunes partis en mission. 15 kilomètres en 100 minutes de film et en 24 heures d'action. Pour l'instant, ça ne révolutionne pas le film de guerre, on en reste à la meilleure formule : action, calme, action, calme etc. Mais à la différence d'un film qui fonctionne ainsi, par exemple The Big Red One de Samuel Fuller, c'est que tout se déroulait sur des semaines, pas un temps court comme dans Dunkirk ou 1917. Les personnages avaient le temps d'évoluer, d'apprendre de leurs erreurs, de se lier, de se fâcher. 1917 reste un peu théorique. Pour gâcher le tout, il faut se farder le cabotinage des « vedettes » de la télé britannique qui viennent jouer les supérieurs hiérarchiques (dialogues péremptoires obligatoires), palme de l'histrion à Andrew Scott.

Jojo Rabbit (Taika Waititi, 2019)
Autre film de guerre et autre guerre. Sans l'assassinat d'Hitler dans un cinéma parisien dans Inglourious Basterds de Quentin Tarantino, un tel film n'aurait pas été possible. Dans Jojo Rabbit, on jour à l'inverse de 1917, on en rajoute des tonnes, les acteurs en font des caisses pour arriver à une parodie de film de guerre où tout est bon pour se moquer des nazis. De ce point de vue, ça marche franchement bien. Le cinéaste joue lui-même (il est polynésien), Hitler, ami imaginaire de Jojo, le petit nazi en culotte courte, Rebel Wilson est une dégénérée de la Gestapo et Sam Rockwell une folle hurlante instructeur d'armes de guerre. Le film doit autant à Tarantino, qu'à Wes Anderson, qu'à Hans Jürgen Syberberg dans cette pantomime d'Hitler sans jamais vraiment choisir, comme si le film n' savait pas quel ton choisir. La partie « Anne Franck » est plus problématique parce qu'elle déploie des efforts de délicatesse pour parler de cette jeune fille cachée dans le placard tout en restant ironique. Cette partie montre comment l'enfant retombe enfin dans la réalité. Disons que ça aurait pu être bien pire mais que ça s'oublie très vite.

Les Filles du Docteur March (Greta Gerwing, 2019)
Quatre filles dans le Masschussets pendant la guerre de sécession, toutes élevées par leur mère pendant que le père est sur le front. La mère les laisse devenir artistes : comédienne, écrivaine, pianiste, peintre. Chacune son domaine mais seule Jo, l'écrivaine réussit dans son art. C'est elle qui tient le récit, elle est la narratrice et le moins qu'on puisse dire c'est que ça virevolte dans tous les sens. Le film semble vite une suite ininterrompue de dialogues, des répliques données très fort avec les actrices qui traversent à toute vitesse le cadre. C'est d'autant plus épuisant qu'on passe d'un flash-back à un autre pour pimenter la narration. Comme dans 1917 (action, calme, action, calme), là c'est dispute, réconciliation, dispute, réconciliation. Les filles tombent amoureuses des deux mêmes garçons Thimothée Chalamet et Louis Garrel, deux grandes asperges qui passent leur temps à sourire bêtement. Cependant, le film reste d'une pudeur toute protestante. Je demande pas de l'érotisme mais jamais un bout de peau n'est montrée, les filles tombent amoureuses de l'amour pas des deux gars. Ça doit être ça le romantisme.

Le Lion (Ludovic Colbeau-Justin, 2019)
J'aimerais comprendre comment se voit Dany Boon dans le cinéma français. Depuis quelques films, il se rêve comme un acteur de film d'action (déjà dans l'atroce RAID dingue il jouait les gros bras), il se prend pour le nouveau Jean Réno ou Gérard Lanvin. Sans doute que la place est à prendre. Conséquence, le personnage de doux dingue qu'il jouait avant est pris par Philippe Katerine qui se débrouille pas mal (ça on le savait depuis longtemps). Conséquence, le film ne marche jamais, d'autant que le scénario semble avoir été écrit au fur et à mesure du tournage. Le film est un remake sans imagination mais bourré de fric des Fugitifs (ah les placements de marque). Il faudra un jour rappeler que le cinéma de Francis Veber est tout de même d'une indigence crasse.

mercredi 29 janvier 2020

Panique (Julien Duvivier, 1946)

Ce soir-là, tout le quartier se précipite vers le terrain vague où les éboueurs viennent de découvrir le corps d'une jeune femme, elle a été étranglée dira le médecin légiste. Tout le monde sauf Monsieur Hire (Michel Simon) qui continue sa routine. Il sort du bus qui l'a amené de Paris à Villejuif où l'action de Panique se déroule, il prend en photo en clochard qui se dispute des détritus avec un chien, il va acheter des victuailles, des pommes, un steak et rentre enfin chez lui.

Monsieur Hire observe de loin cette assemblée qui se scandalise de cet assassinat. A juste titre. Il le fait cependant avec un petit sourire narquois, de celui qui sait ce qui s'est passé. Cela veut dire tout simplement que soit il est l'assassin, soit il a vu l'assassin. Seulement voilà, son manque d'empathie, le fait qu'il n'aille pas comme les autres sur les lieux montre à tous ceux qui se sont déplacés qu'il a probablement quelque chose à se reprocher.

S'il est bien quelqu'un qui a foncé dans le terrain vague, c'est Alfred (Paul Bernard). C'est à se demander même s'il ne dirige pas immédiatement l'enquête sur cette mort atroce. On le sent, nous spectateurs, qu'il en fait trop, que cet excès est vaguement suspect. C'est une manière simple de se mettre du côté de Monsieur Hire. Car même si Hire est bien moins sympathique de prime abord que cet bon Alfred, on se range vite de son côté.

On apprendra rapidement qu'Alfred est bien l'homme qui a étranglé la demoiselle du terrain vague. Il a l'air de même s'en vanter à sa petite amie Alice (Viviane Romance). Il lui raconte les détails du meurtre, tout ce qui s'est passé ce soir-là. Et il le fait assez vite dans le film, au bout d'à peine une demi-heure, c'est dire que Julien Duvivier ne cherche pas à jouer sur l'enquête, sur l'aspect « film policier » dans Panique.

Le cinéaste va vers autre chose, vers la personnalité tout d'abord de Monsieur Hire. Il est forcément interrogé par la police, comme tout le monde (comme par exemple les forains qui viennent de s'installer dans le quartier) et annonce son nom complet Désiré Hirovitch, qui pour la flicaille est à consonance étrange (comprendre juif), ce qui en fait le suspect idéal. D'autant qu'il demeure secret à pratiquement tous ses voisins.

Il part vers le complot, vers la condamnation du bouc-émissaire idéal que crée de toutes pièces Alfred avec la complicité d'Alice. Alfred est la parasite incarné. Le genre d'homme qui ne sait rien faire mais qui veut l'apprendre à tout le monde. Superbe scène où l'inspecteur Michelet (Charles Dorat) le réveille à midi comprenant qu'il lui raconte des bobards. Michelet le soupçonne assez vite mais se rend vite compte qu'il n'a aucune preuve.

La preuve, Hire affirme l'avoir (c'est assez facile de deviner comment il a la preuve qu'Alfred a tué la jeune femme) mais bizarrement il préfère ne rien dire et laisser le meurtrier libre. Bizarrement, finalement pas tant que ça. On comprend vite que Monsieur Hire est amoureux d'Alice. Et on comprend qu'en tant que suspect idéal, au moins aux yeux des commerçants et des voisins, il a du mal à accuser un gars aussi apprécié qu'Alfred.

Le film va alors prendre de bataille entre Alfred et Hire, c'est une guerre totale que se livrent les deux hommes. Mais une guerre inégale puisque Alfred a toutes les troupes derrière lui (le boucher qui se plaint que Hire ne trouve pas la viande assez saignante, le voisine qui accuse Hire d'être trop gentil avec sa fille) et il va lancer une chasse à l'homme qui n'est pas sans rappeler celle du monstre de Frankenstein (la cavale sur les toits).

Hire a réussi, dans son aveuglement, qu'il a pour alliée Alice. Il espère en faire sa femme. Il l'amène dans son jardin secret (une maison abandonnée sur la Marne), à son travail (il est astrologue à Paris). Mais Alice ment, elle déteste Hire, elle en a peur (il l'observe de sa fenêtre la nuit), elle se moque de lui devant Alfred quand Hire n'est plus là. Elle est également aveugle dans son amour pour Alfred malgré son crime.


Dans ce terrifiant filme noir qui marque son retour en France après quelques années à Hollywood, Julien Duvivier imprime l'atmosphère délétère de l'après-guerre. Tout le monde soupçonnait tout le monde. Le film décrit avec une précision (bien supérieure au Corbeau de Clouzot) la transmission de la rumeur publique, du poison de la rumeur (l'incroyable scène des autos-tamponneuses) et de son résultat sur les victimes.





























mardi 28 janvier 2020

Le Poulet (Claude Berri, 1963)

En presque cinq ans de blog, je n'ai jamais écrit une ligne sur un film de Claude Berri. J'ai des bons souvenirs devant ses films, Jean de Florette est l'un des rares films que j'ai vu au cinéma quand j'étais adolescent (oui, j'allais rarement voir des films), j'ai toujours aimé Le Maître d'école (ah, le « ces tam-tams de Balasko) et Je vous aime m'a marqué tout autant que certains films de Bertrand Blier. Et puis j'aime parler des films et des cinéastes dont personne ne parle plus, alors me voilà lancer dans une longue rétrospective Claude Berri.

Je commence bien naturellement par Le Poulet tourné en 1963 et qui reçut un Oscar en 1965 (finalement son unique récompense – ou presque). Court-métrage de 16 minutes sur une charmante famille, le père (Jacques Marin), la mère (Viviane Bourbonneux) à l'embompoint qui témoigne de leur sympathie tout autant que de leur condition modeste et le gosse (Martin Serre). Tout commence comme un film modeste, la petite famille se réveille. La mère prépare le café, le gosse va vite faire du tricycle dans la cour et le père traîne au lit.

C'est dimanche, au lieu d'aller à l'église, ils grimpent dans la 2 CV (maman est derrière) pour aller visiter une ferme (des connaissances de la famille). Le gosse va choisir un poulet, il le prend dans ses bras, il veut en faire son animal de compagnie. Quel sourire au milieu du visage de l'enfant. Le sourire est d'ailleurs l'une des marques de fabrique de ce film. La mère avec sa dentition défaillante, le père avec sa moustache, il y a de la tendresse dans ces portraits que Claude Berri fait de cette femme, de cet homme et de cet enfant.

Le gamin demande ce qu'on va bien faire du poulet. Le manger répond le père. Les poulets ça se mange parce que ça ne pond pas, les poules ça se mange pas parce que ça fait des œufs (justement, ils mangent des mouillettes ce matin-là). Le père et la mère se lèchent déjà les babines du poulet du dimanche. Ça cogite dans le cerveau du gosse. Il faut qu'il trouve une solution pour garder ce poulet qu'il chérit. Il lui faut agir vite, le poulet est prévu pour très vite. Tout va venir des œufs que le gosse va venir mettre sous le cul du volatile.


Puisque le film prend la forme d'une gentille fable, le gosse parvient à convaincre que le poulet est une poule, jusqu'au moment où le matin le père est réveillé par les chants du coq qui commence à émerger du poulet. La fable c'est la perte de l'innocence du gosse, c'est la découverte de la cruauté de la vie. Le ton de la comédie traverse tout le film, je ne le connaissais pas ce plaisant court-métrage qui mêle habilement un certain réalisme, celui de la France sous Charles de Gaulle, avec une bonne dose de fantaisie.
















lundi 27 janvier 2020

Super Inframan (Hua Shan, 1975)

« Humains, écoutez-moi, je suis la Reine des Glaces, J'ai conquis votre planète, Je suis le nouveau maître du monde. J'exige votre soumission ou j'extermine la race humaine. » La femme dragonne (Terry Lau) n'y va pas avec le dos de la cuiller pour affirmer sa puissance. Elle a causé de terribles tremblements de terre, elle a allumé des incendies dans les villes et elle a établi son quartier général sur une île éloignée dont l'entrée est une tête de dragon.

Elle apparaît sur les écrans de contrôle d'un savant, le Professeur Liu (Wang Hsieh), cheveux gris (une belle perruque), barbe de savant (forcément) et lunettes (a-t-on jamais vu un savant sans lunettes). Dans son laboratoire où il est arrivé en Mercedes avec ses scientifiques à la tenue argentée, il cherche la parade pour éliminer tous ces démons qui ont surgit d'un temps ancien en venant d'une autre planète. Pas question de se soumettre à ces monstres.

Il faut faire vite et dans ce laboratoire où tout clignote, aux machines gigantesques actionnées par des boutons, aux écrans qui font office d'ordinateurs surpuissant (une bonne vieille recette du clinquant de carton-pattes), le Professeur va créer à partir de son meilleur élément, Rayma (Danny Lee, futur acteur de The Killer pour John Woo), un héros qui a sauvé des enfants dans l'incendie vu plus tôt dans le film, un robot indestructible, Super Inframan.

Le générique d'ouverture donnait le ton et montrait la métamorphose de l'homme ordinaire en super héros sur une musique très entraînante, presque du disco. Sa combinaison bleue se change en rouge. Il fait quelques bons d'un côté, puis de l'autre, il vole et il est enfin prêt à sa battre. Par souci d'économie, cette même scène de transformation sera reprise chaque fois que Rayma se transforme en Super Inframan, quelque soit l'endroit, rien ne change.

La Reine des Glaces est coiffée d'une longue chevelure blonde peroxydée, vêtue d'une combinaison de cuir que surmonte une cape de tulle rose et tenant un fouet dans la main droite. Dans sa funeste œuvre, elle est aidée par une Démone-Vision dont les paumes des mains ont un œil, va riposter pour que son funeste dessein soit poursuivi., la Reine des Glaces a, pour combattre, une armée de monstres préhistoriques patibulaires. Elle décide d'attaquer la laboratoire.

Ces monstres, les voici. Découpe-Montagne, monstre de pierre à qui aucun mur ne résiste. Monstre-Araignée, rouge et qui prend une taille monumentale. Monstre-Plante qui envahit la base du Professeur. Ou encore un monstre tout poilu qui crache des rayons laser. Et aussi deux créatures d'acier. Tous grognent, ricanent, gesticulent dans tous les sens et laissent presque apparaître leur fermeture éclair. Ils affrontent Super Inframan et évidemment, il les détruit les uns après les autres.

A côté des créatures diaboliques, la Reine possède une armée de soldats, les Squelettors. Ils ont des casques de moto surmontés de cornes blanches et une tenue en forme de squelette. Ça fait peur ! Ils restent aussi anonymes que les scientifiques qui travaillent autour du Professeur Liu. Justement dans l'équipe de ce dernier, un scientifique est capturé par les squelettors et la Reine des Glaces lui lave le cerveau pour en faire un espion à sa solde.


Il y a peu de film de monstres de Hong Kong, c'est l'apanage du cinéma japonais. On pense beaucoup à Godzilla et ses innombrables suites. Les effets spéciaux sont tous primitifs et ne manquent pas de charme. Il ne s'agit pas de réévaluer un film somme toute assez médiocre, réalisé par un habitué des films de grande consommation de la Shaw Brothers. Mais après tout, qui n'a jamais aimé un nanar pour des raisons inavouables et de pur divertissement.