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samedi 12 mars 2016

Cabaret (Bob Fosse, 1972)

Liza Minnelli, ça s'écrit avec un Z, deux N et deux L. Elle a même une chanson, Liza with a Z, qui parle de ce douloureux problème de voir son nom écorché. Cette chanson, qui existe en version française interprétée au Palais des Congrès en 1991, a été écrite par son duo attitré, Fred Ebb et John Kander. Ils ont composé et arrangé tous les morceaux de Cabaret, l'un des deux sommets cinématographiques de Liza Minnelli, qui fête aujourd'hui ses 70 ans. L'autre sommet étant New York New York. Les chansons de Cabaret, contrairement à certaines du film de Martin Scorsese (sauf le thème principal), ont été écrites pour Bob Fosse.

Le metteur en scène cherchait à renouveler la comédie musicale. Le genre était en perdition, était moribond et sombrait dans des figures grotesques et sans rapport rapport avec les soubresauts de l'histoire. L'exemple le plus accablant de la ringardise était sans doute Hello Dolly de Gene Kelly en 1969, un pudding de 2h30 sans grâce mais célébré aux Oscars. Pour Bob Fosse, il ne s'agit plus d'intégrer les numéros musicaux en tant que prolongation des dialogues, en forme de chœur antique. Cabaret est l'histoire des coulisses de ses artistes et les chansons sont celles qu'ils interprètent sur la scène du cabaret.

La fonction dramatique des chansons se déplace. Elles ne sont plus simplement des commentaires joyeux (Money Money) ou tristes (Maybe This Time), dansés seul (Cabaret) ou à plusieurs (Mein Herr), des relais des émotions et comportements des personnages. Bob Fosse inclut dans les chorégraphies, les lyrics, les rythmes et les instrumentations de quoi évoquer l'époque, l'Histoire et ses affres, soit la montée du nazisme, la crise économique en Allemagne et la tentation bolchévique.

C'est avec un grand sourire et en regard caméra que le meneur de revue (Joel Grey) accueille de sa voix nasillarde le public, celui du cabaret berlinois et celui de Cabaret dans la salle de cinéma. Willkommen, Bienvenue, Welcome dans la décadence qui se moque de l'ordre nazi, dans l'esprit dégénéré des danseuses à moitié nues et des chanteurs androgynes qui n'a aucun goût pour la discipline germanique. Bob Fosse fait de cette boite de nuit le lieu où l'on peut tout voir, tout faire, baiser tout le monde, un refuge au milieu de l'horreur où les nazis tabassent impunément.

Seul le kitsch peut combattre le bon goût officiel des talons qui claquent et des bras levés. Ce kitsch est sublimement incarné par Sally Bowles, le personnage de Liza Minnelli. Dans l’entrebâillement de la porte, Bob Fosse ne filme que ses yeux au maquillage outrancier, qui sera l'image marque de fabrique de l'artiste jusqu'à aujourd'hui. Ce vert à paupières, ces cils grossis au mascara, ce blush sur les joues. Et ces robes courtes qui s'affolent dans son appartement rempli de bibelots. Sally est la reine du cabaret, régissant son monde avec son bagout, ses coups de téléphones et son grand sourire.

Mais quand Sally est sur scène, sur une simple chaise, portant une coiffure à la Louise Brooks, la star libérée du cinéma de l'époque, avec comme unique tenue un juste-au-corps noir, elle chante le désespoir amoureux, « Bye bye mein lieber Herr, it was a fine affair, but it's over ». Sally tombe amoureuse de chaque homme, mais personne ne l'aime comme elle le chante, les bras ouverts dans « Maybe This Time ». Ce morceau s'adresse à son nouveau colocataire dont elle s'est éprise dès le premier regard.

Cet homme est un étudiant anglais, Brian Roberts (Michael York) qui débarque chez elle. Michael York apporte un physique fluet, un regard oblique, il est un acteur loin de canons de beauté de l'époque. Sally l'invite au cabaret et il fait la connaissance d'un étudiant allemand avec qui il se lie, Fritz Wendel (Fritz Wepper) n'a pas le sou, mais espère pouvoir rencontrer des gens qui vont l'aider, notamment la fortunée Natalia (Marisa Berenson), à qui Brian doit apprendre l'anglais. Brian fricote avec Sally, toute heureuse d'avoir un amant.

Les regards de Brian, son dégoût de toucher la poitrine de Sally ne trompent personne. Bob Fosse lui réserve un tout autre destin, en l'occurrence Maximilian Von Heune (Helmut Griem), noble allemand marié. Avec deux chansons, le cinéaste déploie l'amour naissant et complexe entre Maximilian et Brian. « Two Ladies » exprime ce ménage à trois formé avec également Sally, l'alcool aide Brian à surmonter ses préjugés. « Tomorrow Belongs to Me » montre la montée des nazis et la destruction de tout ce qu'ils haïssent, dont la liaison entre les deux hommes.

Sally a beau pleurer toutes les larmes de son corps quand elle comprend que Brian est homosexuel, elle a beau chanter que « la vie est un cabaret » avec un sourire qu'elle a du mal à conserver, elle a beau aller au mariage de Fritz, elle sait que tout est fini, que le cabaret Kit Kat Klub n'en a plus pour longtemps. Quand Joel Grey disparaît après avoir dit auf wiedersehen aux spectateurs et que la caméra panote sur la droite pour découvrir le nouveau public du cabaret derrière les vitres, j'ai du mal à ne pas saisi d'effroi et avoir le ventre serré.















jeudi 15 octobre 2015

New York New York (Martin Scorsese, 1977)

 
Cette semaine, tout le monde fête Martin Scorsese, rétrospective et exposition à la Cinémathèque Française, Prix Lumière au Festival Lumière de Lyon. Moi aussi, je fête Scorsese en regardant New York New York, l'un de mes trois films préférés du cinéaste new-yorkais. Chacun a ses films favoris, en général le Top 3 tourne autour des même œuvres : Taxi driver, Les Affranchis et After hours, qui fait un grand retour dans le cœur des spectateurs en ce moment. J'aime plutôt New York New York, Raging Bull et Casino, trois films avec un couple formé par un mari autoritaire et une épouse frustrée.

Soit Jimmy Doyle (Robert De Niro) qui rencontre Francine Evans (Liza Minnelli) le 17 août 1945, jour de la victoire sur le Japon (V-J Day). Jimmy troque son uniforme de soldat pour une chemise hawaïenne et file, avec son bagout, draguer les jeunes femmes au bal. Francine porte encore son uniforme, elle est attablée seule tandis que son amie danse dans la salle. Elle résiste à son baratin en ne répondant que « Non » à ses questions. La longue séquence d'ouverture, que je trouve superbe, sur un air de swing (Opus Number One de Sy Oliver) est une superbe entrée en matière comique.

Assez vite, Jimmy et Francine tombent amoureux. Il faut dire qu'il ne la lâche pas d'une semelle. D'ailleurs, j'ai rarement vu un film où les deux acteurs principaux occupent autant le cadre que New York New York, Liza Minnelli et Robert De Niro sont de tous les plans, le scénario se refuse à toute intrigue secondaire. Martin Scorsese se concentre, sur deux heures et trente six minutes de film (dans la version intégrale) sur la romance qui se transforme en mélo poignant et souvent violent, au moins dans les émotions.

Immédiatement, Martin Scorsese montre ce qui sépare Jimmy de Francine, cette chemise hawaïenne face aux belles robes amidonnées, la baratin de l'homme qui veut toujours avoir raison face aux phrases laconiques de sa femme, le saxophoniste de jazz face à la chanteuse de musical, l'improvisation face à la planification des contrats. C'est aussi dans les tenues professionnelles que le couple se distingue, pantalon et veste marrons pour Jimmy, robe noire ou rouge pour Francine. Ce qui le sépare, c'est surtout la tournée qu'entame Francine et qui laisse seul Jimmy.

Il ne supporte pas de laisser la femme qu'il aime (et qu'il n'a pas encore épousée) chanter dans un big band composé uniquement d'hommes. Il va la poursuivre pendant toute la tournée, arrivant chaque fois trop tard dans la ville où elle se produit. Quand il intègre l'orchestre, il est jaloux du succès qu'elle acquière, puis il est furieux qu'elle tombe enceinte. Chaque fois, c'est un chantage émotionnel qu'il lui fait subir suivi d'une réconciliation temporaire. Impossibles d'être en accord, incapables de se séparer.

Tourné entièrement en studio, New York New York ne cherche pas à reproduire le New York des années 1940. Le procédé de Martin Scorsese et de son décorateur sont simples et efficaces. En dehors des scènes de foule dans les salles de spectacle en début et fin de film, les deux acteurs sont filmés en plan américain quand ils ont des scènes de complicité et en plan large lors des scènes de travail. Les décors sont simplifiés au maximum (des rideaux unis, des murs peints aux couleurs vives) et sont vidés de tout meubles et accessoires.

Certains extérieurs forcent l'artificialité, une forêt grossièrement peinte, un coucher de soleil à la torche, un train de carton, une ombre du métro suffisent pour créer le décor. Dans les intérieurs, Martin Scorsese pastiche les toiles d'Edward Hopper, demandant à ses acteurs de ne pas bouger dans le cadre pour accentuer l'effet peinture. Les clubs de jazz sont composés de néons rouges ou de peintures naïves pour évoquer les films que le cinéaste regardait enfant puis adolescent à qui il rend hommage.

New York New York n'est pas une comédie musicale. On y entend de nombreuses chansons, évidemment le célèbre New York New York interprété anachroniquement par Liza Minnelli, qui chante aussi un sublime The Man I Love des frères Gerschwin, Honeysuckle Rose interprété par Dihanne Abbott, l'épouse de Robert De Niro à l'époque). La longue séquence Happy Endings (longtemps absente du montage original) est le morceau de bravoure du film, véritable hommage aux comédies musicales des années 1950. Un film dans le film absolument brillant.

PS : les captures d'écran sont produites à partir du DVD édité par MGM en 2005. Elles sont malheureusement très pixelisées malgré mes efforts. J'espère de tout cœur que le film saura rapidement trouver un DVD à la mesure de sa qualité et du bonheur qu'il procure.