mercredi 30 novembre 2016

J'ai aussi regardé ces films en novembre 2

Une vie (Stéphane Brizé, 2016)
Il paraît que Une vie a été filmé à la Barry Lyndon, lumière à la bougie, vêtements d'époque où les acteurs se les gelaient car le chauffage correspondait également à celui du temps de Maupassant. Finalement, cette immersion grandeur nature dans le 19ème siècle est strictement comparable à celle de Vincent Lindon au milieu des vrais ouvriers et des acteurs non professionnels dans La Loi du marché. Stéphane Brizé filme ici en format 1:37 mais toujours caméra à l'épaule, encore une fois dans une vaine recherche de vérisme. Mais ce qu'il filme, que ce soit dans La Loi du marché ou dans ses films précédents comme dans Une vie, c'est une petite bourgeoisie française accrochée à ses titres de propriété, la cabane au bord de mer pour Lindon, la grande masure pour Judith Chemla. Une vie est à la fois trop long (ça m'a semblé interminable et montone) et trop court, l'actrice porte 30 ans d'une vie mais l'impression de faire du sur-place est de plus en plus grande.

Inferno (Ron Howard, 2016)
Je me demande ce que serait devenu Tom Hanks sans Ron Howard. Ils travaillent ensemble depuis plus de 30 ans, depuis Splash à ces adaptations de Dan Brown en passant par Apollo 13. Le film est évidemment pachydermique, du cinéma de pépé, comme si on regardait une aventure d'Indiana Jones sans rythme, sans comédie, sans charme. Il aura fallu 3 Oscar (2 pour Tom, un pour Ron) et 2 César (pour Omar Sy et Sidse Babett Knudsen) pour un scénario bourré de flash-backs tremblotants où Tom Hanks est amnésique, d'images mentales kitsch et de twists invraisemblables. Tout est raté et improbable mais c'est tellement bon de voir un film qui ne ment pas sur ses intentions que j'ai pris un petit plaisir coupable à regarder Inferno.

Sausage party (Conrad Vernon & Greg Tiernan, 2016)
Attention, il faut bien lire l'affiche française, Cyril Hanouna fait la voix française (oui, c'est un film d'animation). Il est indispensable de voir le film en VO parce que Seth Rogen a le rôle principal. Il est une saucisse de hot-dog qui attend sagement dans un supermarché qu'on l'achète, sauf qu'il est amoureux du pain de hot-dog (Kristen Wiig fait la voix du personnage féminin). C'est d'abord un film de Seth Rogen bien classique, fait de blagues crasses et vulgaires, à ne pas mettre entre toutes les oreilles, ce qui est plutôt amusant si on aime le bonhomme. Le film ne s'adresse absolument pas au jeune public. C'est ensuite une petite critique de la société de consommation montrée comme une religion, ce qu'elle est, après tout, sur les billets et pièces de monnaie américains, il est écrit In God We Trust. Religion et libéralisme, du pareil au même. Contre cette société, Seth Rogen et ses potes (James Franco, Michael Sera, Paul Rudd) ont deux solutions : la drogue et la partouze. Deux séquences hallucinantes et démentes même en animation, les plus drôles du film, gentiment politiquement incorrect.

mardi 29 novembre 2016

Passion (Jean-Luc Godard, 1982)

« Qu'est-ce que c'est que cette histoire Monsieur Coutard ? », demande une voix dans Passion. Raoul Coutard, le chef opérateur de Jean-Luc Godard, répond, également hors champ. « Ya pas d'histoire. Tout est correctement éclairé, de gauche à droite, un peu de haut en bas, un peu d'avant en arrière. Ce n'est pas une ronde de nuit mais une ronde de jour éclairée par un soleil déjà bas sur l'horizon. » Raoul Coutard est décédé le 8 novembre, si j'ai tant tardé pour lui rendre un hommage, c'est parce que j'étais absent un certain temps, loin de mes DVD et aussi parce que je ne savais pas quel film choisir parmi les 14 films faits avec Godard.

En 1982, avec Passion il revenait travailler en Suisse dans un film qui est (nouvelle) vaguement le double inversé du Mépris, l'autre chef d’œuvre entre Coutard et Godard (ça rime). 20 ans plus tard, Michel Piccoli revient, Capri c'est fini pour lui, l'été c'était l'Italie, dans le canton de Vaud, c'est l'hiver et il est patron d'une usine. Pas loin de là, Jerzy Radziwilowicz tourne un film. Ce n'est pas Fritz Lang qui avait fui l'Allemagne nazie et qui tournait une adaptation de l'Odyssée, c'est un cinéaste polonais qui fuit Jaruzelski et qui tourne un film sur les peintures de Rembrandt. Passion c'est un film sur la lumière et sur le clair obscur.

La classe ouvrière bégaye et le patronat tousse, avais-je lu dans les Cahiers du cinéma au sujet du film. Isabelle Huppert ne fait pas que bégayer, elle joue aussi de l'harmonica, elle s'accroche à la vitre de la voiture de Jerzy pour discuter, elle veut voir le tournage de ce film, elle veut se battre contre son patron. Derrière sa parole saccadée, les voitures klaxonnent, le son, comme toujours chez Jean-Luc Godard, est polymorphe, assourdissant, bruyant, rebelle, soudain absent, la musique classique prend elle dessus puis elle est remplacée par des sons. Comme l'image, ça va de gauche à droite, de haut en bas et d'avant en arrière, c'est toujours surprenant et étonnant.

Le sujet de Passion n'est pas vraiment le son, mais la lumière, normal que Godard rappelle Coutard 17 ans après. D'abord le ciel nuageux transpercé par la fumée d'un avion, puis la Suisse rurale où les plans larges extérieurs succèdent abruptement aux gros plans des visages. Isabelle est sous une lampe d'intérieur (« mange ta soupe pépé ») qu'elle soulève pour mieux éclairer la pièce. Mais ce sont les reconstitutions des tableaux et des peintures qui fascinent le plus, filmées en studio, dans un décor volontairement faux, les acteurs traversent le cadre et aident les figurantes à enlever leur vêtements pour prendre la pose.

Michel Piccoli, Isabelle Huppert, Jerzy Radziwilowicz sont au centre du récit, encore à peu près élaboré et narratif, de ce tournage de film (ou plutôt de téléfilm, on est déjà dans les années 1980). Autour tournent une galaxie de personnages, Laszlo Szabo en producteur un peu fou, exigeant et impatient (l'équivalent de Jack Palance dans Le Mépris), Hanna Schygulla en actrice qui ne supporte pas de ce voir à l'écran, en l'occurrence sur une petite télé, Jean-François Stévenin en assistant de Jerzy, et aussi une contorsionniste très souple, des ouvrières et Raoul Coutard qui règle ses lumières le temps d'un plan.






























lundi 28 novembre 2016

Le Mystère de Tarzan (William Thiele, 1943)

Sorti 10 mois après Le Triomphe de Tarzan et toujours mis en scène par l'Allemand William Thiele, Le Mystère de Tarzan commence par une requête de Jane toujours en Angleterre pour aider les troupes alliées. Elle a fait expédier une lettre qui demande à Tarzan (Johnny Weissmuller) de trouver le remède miracle qui avait guéri Boy (Johnny Sheffeild). Dans son courrier, que lit le fiston puisque le roi de la jungle ne sait pas lire, Jane recommande à Tarzan de venir seul, mais Boy ment car il veut accompagner, avec Cheetah, son père.

Le trio quitte, à pieds et en pagne, la jungle pour rejoindre le désert du Sahara. Tandis que les bédouins en dromadaires se déplacent bien à l'abri sous leur combinaison, Tarzan et Boy restent torse nus à griller au soleil. Pas une seule insolation, pas un seul tournis, pas un coup de soleil, voilà sans doute le mystère du titre. Lors du voyage, ils rencontrent un cheval, un étalon sauvage que les sbires du cheikh local veulent capturer pour lui en faire cadeau. Mais Tarzan épris de liberté et de fougue libère le fier animal.

Puis ils croisent une femme américaine. Connie Bryce (Nancy Kelly) est une femme indépendante (elle porte des pantalons, toutes les autres femmes dans les Tarzan étaient en robe), une foraine dont l'attraction est de faire des tours de prestidigitation. Alors qu'elle en exécute un pour les bédouins, Tarzan intervient et les fait fuir. Et voilà qu'ils partent tous ensemble, malgré la mauvaise humeur de Connie, suivis du fier destrier que montent Boy et Cheetah. Puis Connie comprend les bonnes intentions de Tarzan et se prend de sympathie pour lui.

La brièveté du film (66 minutes) favorise un rythme rapide. Les deux méchants du film, l'un se fait appeler Hendrix, son vrai nom est Heindrich, complotent contre le fils du cheikh et accusent Connie de sa mort. Ils font mettre Tarzan en prison. Dans le finale, Boy est menacé par un reptile d'une redoutable taille puis se fait prendre dans une énorme toile tissée par une araignée géante, jusqu'à présent ce n'était que des animaux de la jungle qui étaient des menaces. Cette incartade dans le fantastique ainsi que Boy comme personnage principal, est le signe que le public visé est juvénile.