samedi 6 août 2016

Chérie je me sens rajeunir (Howard Hawks, 1952)

Les meilleurs moments du film sont ceux où Cary Grant et Ginger Rogers avalent la potion qui les fait rajeunir et retomber en enfance. Dans L'Impossible Monsieur Bébé, Cary Grant était déjà un savant, un paléontologue, donc un partisan de la théorie de l'évolution, ce qui en 1938, était rare aux Etats-Unis. 14 ans plus Howard Hawks lui fait jouer un nouvelle fois un scientifique, un homme rationnel qui va justement être plongé dans l'irrationnel le plus pur. Chérie je me sens rajeunir, c'est encore une fois la théorie de l'évolution, ou plutôt de la régression.

C'est d'autant plus amusant de la part d'Howard Hawks et de ses scénaristes que c'est un singe, une femelle chimpanzé qui plus est, nommée Esther qui trouve la formule magique de l’élixir de jouvence. L'animal, très sympathique et très câline, vêtue d'une belle combinaison avec chaussures et casquettes, ne faisait que singer l'homme, en l'occurrence Barnaby (Cary Grant) qui reste tard le soir à expérimenter dans son laboratoire, au grand dam de son épouse Edwina (Ginger Rogers), forcée d'annuler chaque soirée mondaine où elle se faisait une joie de se rendre.

La vision que donne Howard Hawks du couple dans Chérie je me sens rajeunir est pour le moins effrayante. Il en montre tout le lénifiant conformisme de l'époque. Les lunettes de Cary Grant, à gros foyer, déforment son visage. Avant que le film ne commence (« not yet Cary »), son personnage, totalement déphasé de la réalité, cherche à entrer dans le film avant l'heure et qui se fait rappeler par le cinéaste. Le but du jeu est de faire éclater tout ce carcan, décrit en longueur pendant tout le film au gré des moments « normaux » et très souvent ennuyeux du couple.

Donc, Edwina a épousé Barnaby malgré la cour effrénée de Hank (Hugh Marlowe), elle a choisi le savant à l'avocat, l'homme qui pense au beau parleur, renonçant ainsi à une vie mondaine et aisée. Il faut voir Ginger Rogers préparer une omelette à Cary Grant (elle la fait bouillir, berk), puis les tenues grotesques (surtout les pyjamas) qu'ils portent. Ils dorment dans des lits jumeaux et dès que la potion provoque son ouragan de changements, la belle-mère vient mettre son grain de sable sur le mode « je te l'avais bien dit de ne pas épouser ce raté ».

Tout change avec la potion, surnommée B-4 « before » par le patron de la boîte, Monsieur Oxley (Charles Coburn). Barnaby retrouve la vue, jette ses culs de bouteille et fait le joli cœur à la secrétaire du patron, l'ingénue Miss Laurel (Marilyn Monroe). Elle avait montré, en toute innocence, ses jambes à Barnaby, qui s'était contenté de dire qu'il admirait, sans aucune malice, non pas ses jambes nues, mais ses collants à l'acétate. Cette candeur typiquement scientifique n'est pas sans me rappeler celle de Cooper Sheldon dans The Big bang theory.

Redevenu jeune et fringant, Barnaby s'achète une voiture de sport, fonce à travers la ville puis plonge dans la piscine. Edwina, qui absorbera aussi la potion, deviendra bien taquine : elle glisse un poisson dans le pantalon du patron, elle demandera à son époux de retourner à l'hôtel de leur lune de miel histoire de revivre ce moment qui semble ne s'être jamais reproduit depuis leur nuit de noces. Elle troque sa robe de soirée noire pour un pantalon et une chemise plus à la mode qui permet à Ginger Rogers de danser (enfin) jusqu'au bout de la nuit.

L'humour se distille donc ces scène burlesques où les quiproquos commencent à s'accumuler puis, c'est la honte qui envahit les personnages de s'être laissé aller à leur fantaisie. D'une certaine manière, Chérie je me sens rajeunir est une critique scientifique du mariage qui ne semble reposer, dit Howard Hawks, que sur des renoncements, sur une vie d'abnégation et de soumission. La potion, donc la science, c'est-à-dire la magie du cinéma et l'alchimie des acteurs, bouscule le mode de vie américain de 1952. Howard Hawks sera encore plus sévère sur le mariage dans Les Hommes préfèrent les blondes.





















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