Les
meilleurs moments du film sont ceux où Cary Grant et Ginger Rogers
avalent la potion qui les fait rajeunir et retomber en enfance. Dans
L'Impossible Monsieur Bébé,
Cary Grant était déjà un savant, un paléontologue, donc un
partisan de la théorie de l'évolution, ce qui en 1938, était rare
aux Etats-Unis. 14 ans plus Howard Hawks lui fait jouer un nouvelle
fois un scientifique, un homme rationnel qui va justement être
plongé dans l'irrationnel le plus pur. Chérie
je me sens rajeunir, c'est
encore une fois la théorie de l'évolution, ou plutôt de la
régression.
C'est
d'autant plus amusant de la part d'Howard Hawks et de ses scénaristes
que c'est un singe, une femelle chimpanzé qui plus est, nommée
Esther qui trouve la formule magique de l’élixir de jouvence.
L'animal, très sympathique et très câline, vêtue d'une belle
combinaison avec chaussures et casquettes, ne faisait que singer
l'homme, en l'occurrence Barnaby (Cary Grant) qui reste tard le soir
à expérimenter dans son laboratoire, au grand dam de son épouse
Edwina (Ginger Rogers), forcée d'annuler chaque soirée mondaine où
elle se faisait une joie de se rendre.
La
vision que donne Howard Hawks du couple dans Chérie
je me sens rajeunir est pour
le moins effrayante. Il en montre tout le lénifiant conformisme de
l'époque. Les lunettes de Cary Grant, à gros foyer, déforment son
visage. Avant que le film ne commence (« not yet Cary »),
son personnage, totalement déphasé de la réalité, cherche à
entrer dans le film avant l'heure et qui se fait rappeler par le
cinéaste. Le but du jeu est de faire éclater tout ce carcan, décrit
en longueur pendant tout le film au gré des moments « normaux »
et très souvent ennuyeux du couple.
Donc,
Edwina a épousé Barnaby malgré la cour effrénée de Hank (Hugh
Marlowe), elle a choisi le savant à l'avocat, l'homme qui pense au
beau parleur, renonçant ainsi à une vie mondaine et aisée. Il faut
voir Ginger Rogers préparer une omelette à Cary Grant (elle la fait
bouillir, berk), puis les tenues grotesques (surtout les pyjamas)
qu'ils portent. Ils dorment dans des lits jumeaux et dès que la
potion provoque son ouragan de changements, la belle-mère vient
mettre son grain de sable sur le mode « je te l'avais bien dit
de ne pas épouser ce raté ».
Tout
change avec la potion, surnommée B-4 « before » par le
patron de la boîte, Monsieur Oxley (Charles Coburn). Barnaby
retrouve la vue, jette ses culs de bouteille et fait le joli cœur à
la secrétaire du patron, l'ingénue Miss Laurel (Marilyn Monroe).
Elle avait montré, en toute innocence, ses jambes à Barnaby, qui
s'était contenté de dire qu'il admirait, sans aucune malice, non
pas ses jambes nues, mais ses collants à l'acétate. Cette candeur
typiquement scientifique n'est pas sans me rappeler celle de Cooper
Sheldon dans The Big bang
theory.
Redevenu
jeune et fringant, Barnaby s'achète une voiture de sport, fonce à
travers la ville puis plonge dans la piscine. Edwina, qui absorbera
aussi la potion, deviendra bien taquine : elle glisse un poisson
dans le pantalon du patron, elle demandera à son époux de retourner
à l'hôtel de leur lune de miel histoire de revivre ce moment qui
semble ne s'être jamais reproduit depuis leur nuit de noces. Elle
troque sa robe de soirée noire pour un pantalon et une chemise plus
à la mode qui permet à Ginger Rogers de danser (enfin) jusqu'au
bout de la nuit.
L'humour
se distille donc ces scène burlesques où les quiproquos commencent
à s'accumuler puis, c'est la honte qui envahit les personnages de
s'être laissé aller à leur fantaisie. D'une certaine manière,
Chérie je me sens rajeunir est
une critique scientifique du mariage qui ne semble reposer, dit
Howard Hawks, que sur des renoncements, sur une vie d'abnégation et
de soumission. La potion, donc la science, c'est-à-dire la magie du
cinéma et l'alchimie des acteurs, bouscule le mode de vie américain
de 1952. Howard Hawks sera encore plus sévère sur le mariage dans
Les Hommes préfèrent les blondes.
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