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vendredi 11 mars 2016

L'Expédition du Fort King (Budd Boetticher, 1953)

L'Expédition du Fort King est le portrait le plus terrifiant d'une ordure, d'un salaud que l'on puisse voir au cinéma. Un homme intransigeant pour qui seul le règlement compte, il ne vit que pour ça et exige que tout le monde ne vive que pour ça, la discipline, la loi et les ordres. Cet homme est un militaire, bien évidemment, à l'apparence banale, au corps anecdotique et dont on ne découvrira pas tout de suite le visage. En comparaison de la grande taille, de la force et de la prestance de Lance Caldwell (Rock Hudson), le major que Budd Boetticher montre assis et de dos pue la mesquinerie. Le Major Degan (Richard Carlson) exige que Caldwell, officier de l'armée américaine, sorte de la pièce et n'en revienne qu'une fois son uniforme propre et sans poussière. Lance Caldwell s'était pourtant pressé de venir saluer son supérieur hiérarchique, mais Degan est intransigeant avec les tenues, peu importe qu'il fasse chaud, que les soldats triment ou que les éléments salissent, les uniformes doivent être impeccables.

Caldwell n'a rien contre la discipline et l'ordre, il ne discute pas les ordres d'un plus haut gradé, mais il n'en pense pas moins. En revanche, l'officier est terriblement déconcerté de la réalité de la mission pour laquelle il est assigné. Le film de Budd Boetticher se déroule en 1835 en Floride. Le gouvernement fédéral décide d'appliquer ses lois racistes et d'expulser les Américains Natifs, les Seminoles, Indiens pacifiques vivant dans les marais. Degan ne veut pas seulement les expulser, il envisage de les tuer, de les exterminer jusqu'au dernier. Il ne s'en cache pas. Le regard sans pitié, il semble jouir d'avance de pouvoir les abattre. Degan les accuse de tous les mots, notamment d'avoir volé des chevaux de l'armée. « Les Indiens des marais ne sont pas différents des Indiens des bois. » Caldwell comprend vite, après une discussion avec le sergent Magruder (Lee Marvin) que derrière cette haine viscérale et brutale se cache un secret, un échec militaire du major Degan qui souhaite poursuivre sa carrière avec un fait de gloire, ou ce qu'il entend comme tel. Il entreprend un expédition à travers les marais où les soldats vont souffrir et certains mourir, sans que cela ne crée de dilemme pour le major.

Seulement voilà, Lance Caldwell est du coin, c'est d'ailleurs pour cela qu'il a été mandaté. Il connaît les Seminoles et doit discuter avec eux pour signer un traité. Sur place, après 5 ans d'armée, Lance retrouve son amour de jeunesse, la sémillante Revere (Barbara Hale). Mais tout a changé et Revere aime désormais le meilleur ami de Lance, John. Il se trouve que ce dernier est un métis, il est à moitié peau-rouge et il est maintenant Osceala, le chef des Seminoles. Anthony Quinn, habitué à ces rôles de métis, incarne un chef Indien coincé entre deux cultures, tiraillé par les querelles de sa tribu dont certains membres veulent faire la guerre à Degan. Budd Boetticher est du côté de Lance et Osceala, il est pour la paix, et le film le proclame haut et fort tout en créant un suspense intense. Le film s'ouvre sur un procès où Lance est accusé de trahison, il raconte à ses accusateurs et aux juges ce qu'il s'est passé. L'Expédition du Fort King se lance dans un long flash-back pour établir la vérité et se termine sur le verdict du procès. Budd Boetticher laisse un film très fort, souvent éprouvant devant l'injustice à laquelle fait face Lance et révoltant devant l'ignominie des militaires. J'imagine qu'en 1953, il en fallait du courage pour affirmer que l'édification des Etats-Unis s'est fait sur de tels actes.














dimanche 14 février 2016

Ride lonesome (Budd Boetticher, 1959)

Les titres français des westerns classiques américains sont souvent différents des traductions littérales. Surtout les films de John Ford, Raoul Walsh, les maîtres. Stage coach est devenu La Chevauchée fantastique, My darling Clementine s'appelle La Poursuite infernale, High sierra se transforme en La Grande évasion, They died with their boots on devient La Charge fantastique. Des adjectifs majestueux destinés à montrer combien le destin de ces héros étaient grandiose. La traduction des films de Budd Boetticher a parfois subi ce même mouvement, ainsi Ride lonesome a longtemps été titré La Chevauchée de la vengeance.

L'homme qui chevauche en solitaire, arrivant du fond du cadre est Ben Brigade (Randolph Scott). Il pourchassait Billy John (James Best) et sa bande de hors-la-loi. Billy, avec un petit rire sarcastique (si vous avez vu la série Shérif fais-moi peur, vous reconnaîtrez ce rire que pratique James Best pour son rôle de Roscoe P. Coltrane), affirme que son frère Frank et les autres gangsters l'ont laissé seul (décidément une vraie histoire de solitudes). Bien entendu, Frank était en embuscade et son petit frère, qui n'a pas envie de prendre une balle de Ben Brigade, convainc les gangsters de filer et laisser Brigade l'arrêter.

Sur la route pour Santa Cruz où Ben Brigade emmène Billy à la justice, c'est-à-dire à la potence, ils croisent deux hommes. Boone (Pernell Roberts), chemise verte et Whit (James Coburn), chemise rouge, se sont installés dans le relais de la Wells Fargo pour soi-disant aider Mrs. Lane (Karen Steele), la tenancière. Apparemment elle n'en avait pas besoin, vu comment elle manie son fusil. Le mari de Mrs. Lane n'est pas réapparu depuis plusieurs jours. Parce que l'union fait la force, ce groupe de cinq partent à Santa Cruz, suivis de loin, dans des scènes nocturnes, par le groupe de Frank, cinq personnes également.

C'est un chemin semé d’embûches. Mrs. Lane attire la convoitise des terribles Indiens Mescaleros. Boone et Whit veulent s'emparer de Billy pour bénéficier d'une amnistie, un mot qu'ils viennent d'apprendre. Ben Brigade décide de faire le trajet à découvert plutôt que caché dans les montagnes. Il a un compte à rendre avec Frank John que Lee Van Cleef incarne. Ride lonesome compose un diptyque passionnant avec Comanche station. Les motifs sont identiques. Le duo Boone et Whit, qui veut retrouver une vie normale et fonder un ranch ensemble, est aussi touchant que celui de jeunes gangsters de Comanche station.













samedi 30 janvier 2016

Le Courrier de l'or (Budd Boetticher, 1958)

Je continue ma découverte du cinéma de Budd Boetticher. J'ai regardé la semaine dernière Le Traître du Texas (Horizons West, 1952) sans grand enthousiasme. Sans doute, les deux têtes d'affiche Robert Ryan et Rock Hudson dont je ne suis pas très fan, y sont pour quelque chose. Le scénario du Traître du Texas et celui du Courrier de l'or sont proches. Des soldats démobilisés rentrent chez eux. Dans leur ville natale, tout a changé, le calme a disparu depuis l'apparition d'un seigneur local dont les ambitions dépassent l'entendement. Il terrorise la population et s'accaparent leurs biens. Seul un redresseur de torts pourra rétablir la justice.

Dans Le Courrier de l'or, ce redresseur de torts est le capitaine Hayes (Randolph Scott, bien évidemment). Le film se déroule la dernière année de la Guerre de sécession. Il est un soldat gradé Nordiste. Ses supérieurs hiérarchiques l'engagent, bien malgré lui, pour une nouvelle mission. Permettre que des diligences puissent circuler sans encombre en plein territoire du Colorado, alors sous contrôle des Sudistes. Ces diligences transportent non seulement des civils mais aussi de l'or, nerf de la guerre. Il troque son uniforme pour un costume d'homme d'affaires de 1864 et s'embarque pour la bourgade de Julesberg.

Dans ses bagages, il emmène un soldat Rod Miller (Michael Dante), jeune gars au large sourire qui rentre retrouver sa Jeannie (Karen Steele) et sa ferme. Rod a été démobilisé pour une raison très simple. Il est un blessé de guerre, suite à un gangrène son bras gauche a été amputé. Quand il rentre à la ferme, Jeannie, en pantalon jean's, est en train de labourer. Budd Boetticher met en scène avec une grande pudeur ses retrouvailles enflammées et la découverte par l'épouse du handicap de son mari quand elle l'embrasse puis quand elle veut lui tenir le bras pour aller au foyer. Le capitaine Hayes va engager le couple pour faire de leur ferme un relais de la diligence.

Le conflit ne va tarder à arriver. Hayes quand il se rend à Julesberg sent l'hostilité à son égard. Le nouveau potentat local est une de ses vieilles connaissances, Putnam (Andrew Duggan). Il a éjecté le relais de la compagnie de diligences. Avec son homme de main Mace (Michael Pate), au costume noir comme la mort et au sourire de hyène, il fait régner la terreur. Mace manie le revolver avec dextérité, Hayes en fait les frais sous les moqueries de la bande de bandits que dirige Mace. Chargé des basses œuvres, il vole les chevaux et incendie les fermes de ceux qui soutiennent Hayes. Quand il abat froidement Rod Miller, la vengeance de Hayes va se mettre en branle.

Comme dans Le Traître du Texas, l'épouse du tyran du Courrier de l'or est un ancien flirt du redresseur de torts. Norma Putnam (Virginia Mayo) a choisi de ne pas attendre Hayes, mais à son retour, elle va tout faire pour calmer Putnam qui est vite dépassé par le furie meurtrière de Mace. En tout juste 65 minutes, Budd Boetticher commence son film comme une comédie, le poursuit comme un thriller et le finit avec un beau règlement de compte nocturne. Parenthèse : le jeu de Randolph Scott me fait penser à celui de Mark Harmon dans NCIS. Gibbs a le même sourire, fait la même tête contrite et redresse les torts avec le même sens de la justice.












lundi 18 janvier 2016

Comanche station (Budd Boetticher, 1959)

Aucun mot ne sera prononcé pendant les cinq premières minutes de Comanche station. Le visage fermé, Cody (Randolph Scott) traverse le désert montagneux sur son cheval. Il tire une mule chargée de paquets. Aux aguets, il observe les environs, il entend un cri, il sort son fusil. Des Comanches arrivent de tous les côtés. La musique, typique des westerns, marque la tension qui se crée. Les Comanches, avec leur cheveux en crête, sont au dessus de Cody, ils le dominent, ils l'entourent, dans un champ contre-champ en plongée et contre-plongée.

Cody est un comanchero, il fait commerce avec les Comanches et dans les paquets que porte sa mule, il propose des verroteries et des tissus aux Indiens. Le chef de la tribu n'est pas satisfait. Cody ajoute son fusil. L'accord est donné. Ces marchandises ont servi à racheter la liberté d'une femme, Nancy Lowe (Nancy Gates), retenue prisonnière par la tribu. Il va la ramener à Lordsburg. Cody, avec grande fermeté face aux Comanches s'est donné pour mission de retrouver les personnes capturées et de les ramener chez elles. Il a ses raisons.

Le trajet de Cody et Madame Lowe jusqu'à Lordsburg est dangereux, les Comanches sont sur le pied de guerre. Budd Boetticher va corser ce voyage à cheval avec l'arrivée de Ben Lone (Claude Akins), un hors-la-loi qu'il connaît bien pour l'avoir fait arrêter quelques années auparavant quand il était dans l'armée. Lone est accompagné de deux hommes, plutôt jeunes, Dobie (Richard Rust) à la chemise rouge et Frank (Skip Homeier) à la chemise grise. Les deux gars sont les hommes à tout faire de Lone qui leur donne des ordres sans prendre des gants.

Ben Lone sait qui est Nancy Lowe. Dans un de ces affrontements verbaux qui font la saveur des films de Budd Boetticher, il va traiter le mari de Nancy de lâche parce qu'il n'est pas parti à sa rechercher lui-même. Il déclare aussi ce même époux a promis une récompense de 5000$. Il avertit aussi Nancy que Cody, qui reste impavide, est un chasseur de primes. Elle ignorait tout cela. Nancy prend ombrage des ces nouvelles et refuse désormais que Cody la ramène, elle veut prendre la diligence qui doit arriver le soir, ou le lendemain.

C'est sans compter sur les Indiens qui transpercent d'une flèche le cocher. Cody et Lone doivent s'unir et partir immédiatement. C'est sans compter sur les intentions du hors-la-loi qui aimerait récupérer la récompense du mari. C'est sans compter sur Bodie qui se verrait bien revenir sur le droit chemin et abandonner sa vie de bandit. Chaque personnage a un secret qu'il va révéler et qui va modifier les rapports entre les personnages. Budd Boetticher les dépeint avec tendresse (Frank comprend que Dobie sait lire) ou férocité (Lane brime ses jeunes), le tout avec un rythme effréné et une émotion tout en pudeur.