Affichage des articles dont le libellé est Virginie Thévenet. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Virginie Thévenet. Afficher tous les articles

dimanche 23 juin 2019

Sam suffit (Virginie Thévenet, 1992)

Il y a moins de différences entre La Nuit porte jarretelles et Sam Suffit qu'entre Jeux d'artifices et les deux autres films de Virginie Thévenet. Les premières scènes rappellent celle de la boîte de strip tease où s'égaraient Ariel et Jezabel mais avec un glissement de point de vue, cette fois, dans Sam Suffit, c'est le personnage principal sur scène, Eva (Aure Atika, qui semble ne pas avoir changer en près de 30 ans de carrière) qui raconte son histoire.

Perruque blonde, tenue collée-serrée, Eva la première femme vit à Barcelone, première étape du film, premier lieu visité, le soleil, la nuit, les clubs. Encore une fois, une quête éperdue de liberté prend le personnage dans une ronde sans limites. Eva croise des hommes et des femmes hauts en couleur, comme Rossi de Palma, première de ses apparitions dans un film français, elle reviendra en fin de film prendre des nouvelles d'Eva.

Elle quitte cette vie pour l'extrême opposé, la Bretagne et une cabane isolée dans la lande. La cabane s'appelle Sam suffit et la vie est rudimentaire. Elle change d'environnement et de connaissances, c'est une vie minimaliste et à l'écran effectivement, Virginie Thévenet filme ces scènes comme du Rohmer à la petite semaine avec uniquement des dialogues organiques, presque neutres énoncés avec un ton badin.

On ne retrouve pas l'esprit de troupe abordé dans les deux autres films de Virginie, Thévenet avant un nouveau déménagement. Parce qu'Eva en a marre de la Bretagne. Ça ne lui suffit pas. Elle va emménager chez un peintre gay (Philip Bartlett) qui ne peint que des prairies. Plus tard, il ajoutera des fleurs sur ses toiles, grâce à la vie commune avec Eva. Elle devient sa muse mais elle rêve encore d'autre chose, d'autres endroits.

Elle devient la femme de ménage d'un couple de vieux messieurs, délicieusement interprétés par Jean-François Balmer et Claude Chabrol. C'est sans doute la meilleure partie de Sam suffit, pleine d'humour. Elle ne sait absolument rien faire si ce n'est des crêpes (forcément elle a été en Bretagne) et va faire des crêpes pour ce vieux grognon de Jean-François Balmer, aussi secret que Claude Chabrol est expansif.

Nouveau déménagement dans la chambre de bonne au dessus de l'appartement du vieux couple. Elle ne rêve plus que d'une chose : la normalité. L'ironie de la situation ne cesse d'amuser. Ainsi elle va collectionner tout ce qui rend normal : fiche de paie, feuille de soins (un truc qui n'existe plus), carte d'électrice. Chaque papier officiel est encadré comme un souvenir, comme une œuvre d'art, dans un cadre kitsch à souhait.

Le film est moins passionnant que les deux autres mais c'est dans les choix musicaux qu'il évoque ce début des années 1990, on entend des chansons et des morceaux de Neneh Cherrie, de Inner City (le début de la house music), Les Négresses vertes et surtout on voit Keziah Jones, presque dans son propre rôle, il a aussi composé la musique du film. Bref, autant d'artistes franchement oubliés aujourd'hui mais qui furent importants, comme des petits électrochocs musicaux.

La cinéaste encercle aussi l'art de la rue, comme elle le faisait dans La Nuit porte jarretelles en filmant les enseignes de la rue Saint-Denis, elle filmait en 1992 les graffitis qui commençaient à être écrits sur tous les murs. Le titre lui-même dans le générique est balancé comme un tag fait à la bombe de peinture. Le contraste est fort avec les posters des grands maîtres que Claude Chabrol achète pour mettre sur ses murs.























vendredi 14 juin 2019

Jeux d'artifices (Virginie Thévenet, 1987)

Ah les belles tignasses que voilà ! La jeunesse de 1987 des Jeux d'artifices le deuxième film de Virginie Thévenet, porte une chevelure libre et ondulée, à l'image de ces groupes de pop qui fleurissaient sur les bandes FM, je pense aux Max Valentin qui accompagnait Etienne Daho dans ses tournées, lequel vient faire un petit tour dans le film pour se faire prendre en photo par Eric (Gaël Séguin) et Elisa (Myriam David) avec la complicité de leur ami Jacques (Ludovic Henri).

Etienne Daho n'est pas le seul à être photographié, c'est toute une ribambelle qui défile devant l'objectif. Daho est en Joconde, Marco Prince le chanteur de FFF est en Napoléon, Ariel Genêt, présent dans La Nuit porte jarretelles, tout en blondeur peroxydé est Al Johnson soit le chanteur de jazz de 1927 et quelques autres encore. Les photos sont de Pierre et Gilles mais ce qui plaît est l'artisanat que le trio met pour créer ces photos. C'est très beau.

Seulement voilà, Eric en a un peu marre que sa sœur Elisa ramène tant d'hommes à la maison, il est un peu jaloux. Virginie Thévenet ne le cache pas, ne serait que le dernier plan pour l'affirmer haut et fort, Jeux d'artifices est une version moderne des Enfants terribles de Jean Cocteau. Le frère et la sœur sont en symbiose totale, ils partagent la même chambre, c'est-à-dire qu'ils ont posé leur matelas l'un à côté de l'autre.

C'est presque de l'inceste qui se dégage de leur rapport, de la relation compliquée qu'ils entretiennent malgré cette symbiose. Eric n'hésite pas à se masturber sous ses draps et suggère à Elisa de faire de même, Elisa débarque totalement nue après avoir couché avec un des ces hommes que son frère a pris en photo. Autant dans La Nuit porte jarretelles, Virginie Thévenet ne parlait que de sexualité, autant dans Jeux d'artifices on évite royalement le sujet.

Aucune pudeur à cela, c'est qu'Eric et Elisa vivent dans un autre monde. Comme chez Cocteau, ils s'isolent ne mangeant que quand ils ont faim et encore, ils ne se font jamais à bouffer, ils ouvrent une boîte de sardine et s'y jettent dessus comme la vérole sur le bas clergé. Cette maison est l'un des décors les plus étranges donnés à voir, là aussi on se croirait dans une demeure à la Cocteau, telle celle de la Bête.

S'ils débarquent dans cette maison construite par David Rochline, l'un des amis de la réalisatrice, c'est qu'ils se sont fait viré de leur appartement précédent par la propriétaire qui en avait marre qu'ils ne paient pas le loyer. Car vivre à part, en marge – dans une métaphore filée de ce cinéma dans lequel Virginie Thévenet évolue – ce n'est pas ce qui rapporte le plus d'argent, ni permet de faire des entrées au box office, pour continuer sur la métaphore.

La sœur et le frère refuse l'aide de leur père (Philippe Colin, le critique de cinéma, dans une courte scène) mais acceptent les pellicules photo du père de Jacques (Claude Chabrol, parfait). Puis arrive Stanislas (Dominic Gould), un Américain qui transformer la vie d'Elisa, en premier lieu, puis celle d'Eric. Stan est follement amoureux d'Elisa mais une distance constante est établie entre eux, toujours ce refus du sexe.

Il ne sera pas vraiment dit combien de temps dure ce récit, c'est-à-dire combien de mois vivent reclus Elisa et Eric dans ce bric-à-brac et ce décor gigantesque. Ils sortent parfois (le récital d'Arielle Dombasle en compagnie de Chérubin alias Virginie Thévenet), parfois le monde vient à eux (Frédéric Mitterrand passe à la télé et radote avec ironie). Un jour, plus aucun homme ne vient se faire prendre en photo.


Des projets, Elisa en établit avec Stanislas, il veut l'amener en Amérique, à New-York. Chaque fois, elle cède au chantage affectif de son frère, augmentant encore plus cette impression durable d'inceste. En conséquence, le finale tout en non-dits a de quoi étonner mais il est finalement logique pour les personnages, il place le récit hors de ces murs malfaisants dans l'une des rares scènes hors de l'appartement, hors de Paris.