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vendredi 24 janvier 2020

Ichi the killer (Takashi Miike, 2001)

Dans le purgatoire de mes DVD que je n'ose pas regarder depuis des années, Ichi the killer a eu une nouvelle chance grâce à First love. Il était là depuis presque 15 ans à attendre d'être à nouveau visionné. Même si Ichi the killer n'est pas un film facile, j'en garde un excellent souvenir (comme je le disais dans mon texte sur First love, ça date de l'époque bénie où Takashi Miike était à la mode – comme Takeshi Kitano, mais ceci est une autre paire de manche) et parfois ce que j'ai aimé des années plus tôt (ah j'étais si jeune) me laisse de marbre (exemple le plus terrible, Hana-bi justement où j'ai tenu lamentablement 15 minutes).

Deux heures de tortures intensives par une bande de yakuzas dégénérés, voilà tout le programme d'Ichi the killer. Ichi, son nom est sur toutes les lèvres, mais personne ne connaît son identité. Ichi est la machine infernale qui a tué le chef d'un clan yakuza, Anjo. Ce qu'on voit dans ces premières scènes aux images triturées, hachées, découpées à la serpe, c'est un amas de chair et de boyaux, du sang sur tous les murs et au plafond. Puis trois types en combinaisons blanches qui viennent nettoyer la pièce. On nage en pleine barbarie et le film ne va pas être avare d'autres horreurs bien sanguinolentes. Show time !

Il faut venger Anjo dit Kakihara (Tadanobu Asano), l'amant de son patron. En tout cas, c'est ce que les rumeurs disent. Tadanobu Asano, le meilleur acteur japonais des années 2000 s'est taillé un look pas possible pour son personnage. Cheveux blonds, pantalon bariolé, chemise à fleurs et veste extravagante. Son visage offre les traces de cicatrices horizontales. C'est sa bouche qui marque le plus, elle est étendue telle celle du Joker (impossible de ne pas penser à la composition de Joaquin Phenix en regardant Ichi the killer, d'ailleurs Kakihara meurt comme le Joker de Jack Nicholdon). Deux piercings tiennent ce trou béant (le nihilisme du film) que Kakihara retirera une fois pour avaler les poing d'un adversaire.

Dans ce festival de torture, Kakihara ne manque pas d'imagination. Il suspend par des crocs sur la peau du dos un yakuza tatoué avant de l'asperger d'huile bouillante dans laquelle il vient de cuire des tempuras de crevettes. Un austre suspect sera encadré dans un poste de télé et transpercé de longues aiguilles de métal. Puis avec deux flics jumeaux bien dingos, il découpe une femme. Dans ce traité sur le sado-masochisme, Kakhira ne déteste pas non plus avoir très mal. En guise de contrition, il se coupe « le membre le plus utile », sa langue et son amie Karen (Alien Sun), qui a l'étrange particularité de parler anglais, remplace Anjo qui avait l'habitude de frapper Kakihara pour assouvir ses pulsions.

Mais revenons à Ichi (Nao Ômori), un gnome à la timidité maladive qui le pousse à espionner les pervers sexuels (ce maquereau ultra violent qui frappe sa prostituée avant de la violer). Ichi se masturbe devant la violence et la brutalité et délivre une masse importance de sperme. Une fois le maquereau tranché en deux (l'une des scènes cathartiques du film dans un délire comique irrésistible), il osera dire à la pauvre femme toute amochée qu'il continuera à la cogner pour lui faire plaisir. Le tout avec un sourire de taré et des yeux exorbités qui évoquent la matière première du film : un manga graphique où toutes les extravagances sont permises.

Entre Ichi le pervers narcissique et Kakihara l'adepte de SM, c'est une chasse au chat et à la souris. Chacun y va de son massacre mais ce que ces deux dégénérés ignorent, c'est qu'ils sont manipulés par Jijii (Shinya Tsukamoto, le réalisateur de Tetsuo, lui aussi est bien oublié). Un type difforme dans tous les sens du terme (hilarant quand il enlève son pardessus et révèle un corps bodybuildé). L'un de mes amis, grand admirateur de cinéma japonais et de ce film, disait de lui qu'il avait une tête d'étron. J'ai toujours pensé à cette formule pour ce personnage de Jijii qui est là sans être là, qui observe de loin (en vidéo surveillance) et qui hypnotise Ichi.


Car Ichi aurait souffert d'un traumatisme dans son adolescence. Un truc bien profond qui l'a rendu tel qu'il est aujourd'hui. Quand Takashi Miike annonce que Jijii l'a sans aucun doute hypnotisé, il faut aussi voir qu'il se moque de la psychologie des personnages et de ces traumas d'enfance qui expliquent trop souvent les raisons de leurs crimes. Takashi Miike n'est pas dupe et préfère pousser encore plus dans l'horreur dans ses retranchements (si j'ose dire). Pour finir, une note sur le générique de fin que j'aime beaucoup avec les crédits (en japonais, je ne les comprends pas) qui viennent dans tous les sens, haut, bas, droite, gauche, à l'image du film. On ne sait pas dans quel sens ça va mais à la fin à peu près tout le monde meurt.
































samedi 11 janvier 2020

First love (Takashi Miike, 2019)


Takashi Miike a été à la mode. Jadis. Par exemple, en 2004, j'ai vu au moins quatre films de Takashi Miike en salles, les 3 Dead or alive et Gozu. Dès qu'un DVD sortait (par exemple Ichi the killer), dès qu'un festival passait un de ses films (par exemple Big bang love juvenile A), les fans dont je faisais partie se précipitaient pour voir ces films. Mais Takashi Miike n'est plus à la mode. Son dernier film sorti avant First love date de 2011, Hara kiri, mort d'un samouraï. En 8 ans, il a tourné 16 films.

Ce qui frappe, c'est la ressemblance du scénario de First love avec celui du Lac aux oies sauvages. Tout se passe de nuit dans une unité de temps, deux inconnus – un homme et une femme – se rencontrent sans se connaître et doivent faire face à l'adversité, ici aussi des malfrats et des policiers. Là encore, il pleut souvent mais moins que dans le polar de Diao Yinan. Mais assez vite, le ton de First love et son esthétique divergent radicalement du Lac aux oies sauvages. Pour faire simple, Takashi Miike propose une comédie burlesque au milieu des yakuzas.

En tête du film, un boxeur loser qui s'effondre par KO lors d'un match. Lui est persuadé d'être bon , mais pendant tout le film, tandis que les personnages s’agglomèrent au récit, tout le monde va lui reprocher d'être un minable et de s'être effondré par un coup droit « mollasson ». Plus tard dans la nuit, le boxeur va croiser une jeune femme junkie, camée jusqu'au dernier degré. Elle est prisonnière de malfrats qui la prostituent, tout ça pour rembourser une dette que son père aurait contracté. C'est lui qui a vendu sa fille.

Qui croise-t-on dans les rues mal famées de Tokyo ? Un flic corrompu, un yakuza qui tranche la tête de ses victimes au sabre, les geôliers de la jeune droguée, le père de cette dernière qui va danser en slip dans le métro et d'autres encore. Il faut dire la vérité, dans la première demi-heure de First love Takashi Miike se plaît embrouiller les intrigues, à passer d'un personnage à un autre, à ne pas expliquer ce qui se passe. On est un peu perdu d'autant plus qu'il refuse la psychologie. Là est plus grande différence avec Le Lac aux oies sauvages.

Ses hommes et ses femmes qui peuplent son film ressemblent à des figurines de bandes dessinées. Ils sont liés par un motif ténu : cinq paquets de drogue ont été volés. Tout le monde veut récupérer cette drogue et chacun élabore des plans qui vont lamentablement foirer. C'est dans ces échecs que réside l'essentiel de l'humour du film. Ces échecs lancent une nouvelle course poursuite avec une nouvelle piste narrative. Le récit bifurque sans cesse pour finalement retomber sur ses pattes car Takashi Miike maîtrise son film de bout en bout.

Le finale, hilarant mais ultra-violent, se déroule dans un supermarché dans un hommage simultané à George A. Romero (tous les personnages ressemblent à des zombies, ils ne sont plus que l'ombre d'eux mêmes, hagards, titubants, s'exprimant par grommellements) et à Sammo Hung / Jackie Chan (on utilise les objets du quotidien pour se battre). Dans ce combat final, il ne s'agit que s'éliminer les uns les autres. Tous les protagonistes se rejoignent pour en finir. C'est cela le cinéma de Takashi Miike que j'aime.