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mardi 13 octobre 2020

Les derniers films de Claude Berri

 J'ai commencé ma longue rétrospective intégrale des films de Claude Berri. Prix de gros aujourd'hui avec ses quatre derniers films. Je crois que s'il est revenu dans les années 2000 à une forme plus modeste, c'est parce qu'il a abandonné le combat pour recevoir un César, soit du meilleur réalisateur, soit du meilleur film. Il a tout fait pour ça entre Tchao Pantin et Lucie Aubrac, sujets sérieux, films en costumes, succès publics. Mais l'Académie n'en a jamais voulu. Ce qui a sans douté encore plus frustrant quand certains des films qu'il a produit ont été récompensés (Tess de Roman Polanski, L'Ours de Jean-Jacques Annaud, La Reine Margot de Patrice Chéreau).

Le nabab est riche mais nu. Alors adieu les gros films, vivent les petites comédies françaises. J'en ai parlé longuement, il tourne La Débandade en se donnant le premier rôle. J'aime le film mais peu de gens l'ont vu (encore un film qui ne trouve pas son public). Il ne sera plus jamais devant sa caméra mais embauchera des acteurs qui seront ses alter-ego. Chacun de ces hommes qui peuplent ses quatre films seront eux aussi mis à nu (c'est étonnant de voir Jean-Pierre Bacri dans Une femme de ménage au bord de la plage en short de bains), il demeure une part d'« autoportrait » (pour reprendre le titre de son livre de souvenirs sorti en 2003).











Jean-Pierre Bacri est ainsi dans Une femme de ménage un homme divorcé (de Catherine Breillat qui n’apparaît que dans une scène, elle vient le harceler avec sa voix chevrotante si inquiétante). Ingénieur du son dans un studio spécialisé dans le jazz, il embauche une jeune femme (Emilie Dequenne) pour nettoyer son appartement. Il écoute du jazz, elle met de la techno à fond quand elle repasse ou passe le balai. Il est petit bourgeois, elle est prolo. Dès le départ, outre la différence d'âge, les caractères sont opposés, mais elle va amadouer le vieux grigou, par son bagout (elle s'installe chez lui) et par sa tendresse (elle couche avec lui).

Le film se transforme en pastiche un peu forcé de Pygmalion. Il lui demande de ne pas se teindre les cheveux, il l'invite au restaurant, il lui fait découvrir la vraie musique. Réciproquement, elle le fait se sentir plus jeune. Puis, lors d'un voyage en Normandie, c'est un remake distancié d'Un moment d'égarement, sans le côté scabreux et surtout sans le secret de l'aventure amoureuse. Jusqu'à ce qu'elle rencontre un garçon de son âge. Le film est très doux, jamais rugueux, jamais ils ne s'engueulent ce qui marque une relative nouveauté dans le cinéma de Claude Berri. Revers de la médaille, Une femme de ménage est un peu lisse.









L'Un part l'autre reste
est au contraire tout en engueulade d'un côté, celui de Pierre Arditi (que Claude Berri fait aussi se déshabiller entièrement), vendeur d'art africain qui trompe sa femme avec son assistante (Aïssa Maïga). Sa femme (Nathalie Baye) tente de le faire avouer l'adultère mais la belle sœur (Noémie Lvovsky) est encore plus revêche et enquête sans cesse. C'est la part vaudeville du film avec ses portes qui claquent, ses quiproquos pas toujours bien emmenés. Chacun en fait des tonnes, comme dans du théâtre de boulevard, d'autant que Noémie Lvovsky est affublée d'une tenue et d'une coiffure de bourgeoise caricaturale.

Pierre Arditi reste, Daniel Auteuil part. Lui est architecte, il rencontre une femme (Charlotte Gainsbourg) à son office. Ils tombent amoureux il quitte sa femme, au grand dam de leur jeune fils. La tragédie familiale est dans cette symétrie là. La liaison est filmée avec une grande douceur car elle imprime la liaison du cinéaste avec son nouvelle compagne Nathalie Rheims. Le cinéma est mieux que dans sa vraie vie, ses amours sont moins chaotiques mais surtout, encore « autoportrait », le fils aîné Julien ne meurt pas contrairement au fils de Claude Berri. Bref, c'est deux films pour le prix d'un, mais l'un ne compense pas l'autre.
















Je n'aime pas à la folie ces deux précédents films, mais j'ai beaucoup d'affection pour Ensemble, c'est tout. Audrey Tautou est femme de ménage. Toute maigre, très pauvre, ne mangeant pas. Guillaume Canet est cuisinier, un peu rustre, il s'occupe de sa vieille grand-mère, sa seule famille. Il vit dans un grand appartement avec un aristo bègue (Laurent Stocker). Elle va s'incruster chez eux. Ça se frite entre le cuistot et la femme de ménage. C'est que Guillaume Canet joue un personnage insupportable, gueulard, vulgaire et cassant. Elle saura l'amadouer en le dessinant, il saura l'aider en lui faisant des petits plats. Quant à l'aristo, il vaincra son TOC grâce au théâtre.







Gros succès public à sa sortie, Ensemble, c'est tout est bien troussé, bien mené, bien joué avec des répliques qui font mouche, une bonne dose de tendresse. Film très agréable. Ce qui n'est pas le cas de Trésor tourné par François Dupeyron, Claude Berri est mort au début du tournage. Mathilde Seigner et Alain Chabat se disputent autour d'un chien atroce qui pète et qui ronfle. Je n'avais jamais vu le film et c'est vraiment inconsistant, aucun gag ne fonctionne, aucune situation ne passe. Voilà, j'en ai fini de l’œuvre de Claude Berri, du bon, du très bon, du mauvais, du médiocre, des souvenirs personnels aussi dans ses films, c'est bien là l'essentiel.

lundi 11 mai 2020

La Débandade (Claude Berri, 1999)

Après Le Mâle du siècle, Claude Berri a décidé de ne plus jouer dans ses films, jusqu'à La Débandade. En 22 ans, Claude Berri est devenu ce nabab du cinéma français, surtout haï quand sort La Débandade, comme je le rappelais dans mon court hommage à Tonie Marshall. Cette même année 1999, il a produit Astérix et Obélix contre César, plus gros succès du cinéma de l'année. En 22 ans, il s'est tourné vers le cinéma en costumes (Jean de Florette, Uranus, Germinal) 30 millions de spectateurs en tout.

Claude Berri a fait un peu l'acteur, chez d'autres, chez Patrice Chéreau, pour Serge Gainsbourg (Stan the flasher) avec une certaine tendance pour l'exhibitionnisme. Comme jadis, il se retrouve à poil avec sa bonne bedaine et son petit air d'oiseau triste. Effectivement, dans les premières minutes de La Débandade, il nous sert une scène de lit avec Fanny Ardant, qui joue son épouse depuis 15 ans. Lui, c'est Claude Langmann, elle c'est Marie. Au lit, quand il ne veut pas coucher avec elle, elle lit Cioran.

J'étais allé voir La Débandade au cinéma. Par pure provocation. Je le redis, c'était l'homme le plus détesté du cinéma français, plus que Luc Besson. Et aussi parce que les Cahiers du cinéma en disait plutôt du bien. Je n'avais pas vu un film depuis Manon des sources. Un bail. C'est vrai que le film cherche une forme très modeste qui n'a pas attiré beaucoup de monde en salle. C'est le moins qu'on puisse dire, c'est même un bide total pour ce récit qui tourne à la fois sur la coupe du monde de football 1998 et le viagra.

Ce pauvre Claude ne bande plus. Marie n'en a rien à secouer. Ça lui convient (sans doute parce qu'elle lit Cioran), mais Claude ne supporte plus de l'avoir molle. Il consulte. Premier médecin (François Berléand), y a rien à faire. Deuxième médecin (Alain Chabat), il lui propose quelques solutions. Alain Chabat avec un sens incroyable du geste est le seul à faire rire dans le film, en quelques scènes, il prend tout. Il a surtout un tempo prodigieux pour terminer ses scènes par un sourire niais et annoncer le tarif « 450 francs ».

Claude est commissaire-priseur. Son vieil ami Paul-Edouard (Claude Brasseur) veut vendre sa collection d'objets érotiques, ce qui fait un raccord de deux décennies avec Sex-shop. Paul-Edouard devait en être un client. Claude Brasseur est ce même genre de pote qui conseille un peu trop son ami, avec pas mal d'insistance, sans se soucier des conséquences. C'était jadis Hubert Derschamps dans Le Mâle du siècle, c'était Jean-Pierre Marielle dans Sex-shop. Eux, ils s'en foutent, ils n'ont pas de problème d'érection.

Je parlais plus haut de Claude Berri avec un air de petit oiseau, c'est vraiment cette impression quand il roucoule autour de sa nouvelle employée, Agnès (Brigitte Bemol), petite blonde qui se laisse draguer par ce petit vieux barbu. Plus que dans Stan the flasher, la manière de se déplacer de Claude Berri, dans un léger dandinement incertain, est en soi une danse de séduction. Il a une façon de porter son visage dans les obliques, c'est un corps totalement différent de tous les autres acteurs du film. Et puis ce sourire labial.


Le film, puisqu'il tend vers la comédie, va de déconvenue en déconvenue. Il use de quiproquos usés jusqu'à la corde jusqu'à une scène finale où, après tant d'échecs à bander quand il le faut (c'est que la viagra mettait une heure à agir), il se décide enfin à aller voir une prostituée. Véronique Vella est prodigieuse dans ce court rôle qui clôt le film et Claude Berri surprend avec son masochisme qui touche à la plus grande impudeur. Finalement, le film l'emporte haut la main, j'ai toujours eu une petite tendresse depuis pour Claude Berri.