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mercredi 6 janvier 2021

Première sortie (Hugh Wilson, 1998)

Adam et Eve. Dans une décennie précédente, Hugh Wilson a été le réalisateur à succès de Police Academy, seulement le premier des huit films. C'était une autre époque, celle où Steve Guttenberg était un acteur roi du box-office, je me demande bien ce qu'il peut devenir, je me demande aussi si Police Academy est drôle, je ne l'ai pas revu depuis 30 ans, au moins. Première sortie est sorti il y a 20 ans et des poussières, je l'avais vu au cinéma, c'était au milieu de l'heure de gloire de Brendan Fraser.

Le film est conte et avec que l'acteur n'apparaisse, ce sont Christopher Walken et Sissy Spacek, Calvin et Helen Webber, couple middle class des Etats-Unis de 1962 qui sont au centre du film. Ils organisent une soirée avec leurs voisins dans leur maison d'un habituel lotissement de banlieue. Tout le monde est bien habillé, ça boit des cocktails, ça discute de tout et de rien. Calvin est scientifique, il montre à ses invités ses inventions, Helen attend son premier enfant. Soudain, un de leurs amis débarquent en courant.

Tous se mettent à écouter les infos à la télé, Kennedy cause dans le poste. C'est le début de l'escalade entre Cuba et Washington. Calvin est persuadé que les communistes vont attaquer. Il avait prévu cette possibilité et avait construit dans son jardin, en secret, un abri anti-atomique. Ni une ni deux, il congédie les invités et part se réfugier dans son abri. Helen abasourdie descend avec son rôti sur les bras. Dehors, un avion militaire a une avarie, le pilote s'éjecte mais, pas de bol, l'avion s'écrase pile sur la maison des Webber.

Calvin est certes un scientifique mais il est aussi survivaliste. Il déclare qu'ils pourront sortir de leur abri 35 ans plus tard. Il s'est convaincu qu'une bombe atomique a explosé au dessus de lui, 35 ans c'est la durée pour la terre redevienne vivable. Dans l'abri, il a tout prévu, eau, aliments, batteries, papier toilettes et de quoi faire un jardin et d'élever des poissons et aussi divertissements. A vrai dire, Calvin est ravi de cet exil sous terre, Helen beaucoup moins et c'est là-dessous qu'elle accouche. Forcément ils appellent leur fils Adam.

Il a également recréé le décor de leur maison. Idée brillante de mise en scène avec ce décor familier qui donne sur des tuyaux, des murs préfabriqués, des lumières accrochées comme des projecteurs. On est ici dans un décor de sitcom (les Webber regardent en boucle pendant 35 ans la série I Love Lucy), avec son canapé central où Adam grandit, comme ces acteurs enfants grandissent sous les regards des téléspectateurs. Ici trois jeunes acteurs figurent Adam suivant son âge, tandis que Christopher Walken et Sissy Spacek sont vieillis avec maquillage et perruques.

Place maintenant à Adam adulte, très adulte même mais totalement naïf. Comme dans ses autres films, le visage de Brendan Fraser est idéal pour jouer le bon couillon, le grand dadais, le naïf qui, une fois sorti en 1997, va découvrir le monde qu'il a raté. Au dessus de l'abri s'était construit un bar qui changeait d'ambiance suivant les modes, il est tenu par un huluberlu (Joey Slotnick), imbibé et drogué, qui est persuadé que Calvin (le premier à sortir) puis Adam sont des créatures divines. Il va créer son culte avec plein de clodos du coin.

Bienvenue à Eve (Alicia Silverstein), pimpante blonde qui tombe sur la route d'Adam. Dans la deuxième partie du conte, elle va guider le candide voyageur temporel à remonter le temps, à ne pas se perdre dans le pièges tendus dans ce Hollywood où la cupidité règne, or Adam a beaucoup d'argent (grâce à une belle astuce scénaristique). Ce voyage dans le temps inversé fonctionne avec Adam qui a les manières et le vocabulaire de 1962, celui que ses parents lui ont enseigné. Mais chaque fois, il se sort de toutes les situations brillamment.

Question vocabulaire, il ne comprend pas par exemple ce que lui dit le meilleur ami d'Eve, Troy (Dave Foley) quand il se présente comme « gay ». Adam pense qu'il est joyeux, ses parents ne lui ont pas appris l'existence de l'homosexualité. Il sait danser à la perfection (grâce à sa mère) ce qui vaut l'une des ces fameuses séquences dont Hollywood a le secret : Eve et Troy pensait qu'il ne savait pas danser, il s'avère expert et sous les yeux ébahis des clients de la boîte de nuit. Et d'Eve.

Dans la troisième partie du conte qu'est Première sortie, il s'agit de la romance attendue et annoncée entre Adam et Eve. Seulement voilà, elle pense ne pas être amoureuse de cet homme bizarre, lui ne veut que revenir dans l'abri avec ses parents passant son temps à acheter des stocks de provision. Cette partie est moins bien écrite, plus expédiée avec quelques quiproquos grossiers (Eve appelle les services sociaux quand Adam lui raconte son histoire) et un finale cucul la praline. Mais c'est pas grave, le film est très agréable et souvent drôle.





























mardi 26 décembre 2017

Carrie (Brian De Palma, 1976) 2/2


Dix minutes (entre la 67e et la 77e minute), telle est la durée de la scène du bal de promo du lycée où Carrie est élève. Le bal de promo est une tradition du teen-movie, le passage vers l'âge adulte et ce passage Carrie a failli ne pas le faire. Sa mère Margaret White, intransigeante bigote refuse de laisser sa fille se faire inviter par Tommy Ross, le plus beau garçon du lycée. « Pourquoi m'invites-tu ? », lui demande Carrie, « Parce que tu as aimé mon poème », répond-il. Tommy et Carrie sont sur la liste des candidats pour être roi et reine de la soirée. Ils seront élus car les votes sont truqués. A la manœuvre, Chris a engagé Norma, le garçon manqué de la bande pour subtiliser les vrais bulletins de vote et les remplacer.

Il s'agit pour Chris de faire monter Carrie sur l'estrade. Le vote est enfin annoncé. Brian De Palma utilise la même mélodie douceâtre de Pino Dinaggio que celle du la scène de douche où la jeune femme avait ses règles. C'est la même extase sur le visage, filmé également au ralenti, le champ sur Carrie heureuse et le contre-champ sur ceux qui applaudissent, élèves et personnel du lycée, ravis que Carrie ait pris sa revanche sur la méchanceté de ses camarades, une sorte de rêverie utopique, qui peut croire dans cette assistance que le vote puisse être régulier ? Le principal du lycée et Miss Collins se regardent avec des sourires béats. La montée sur l'estrade semblent ne jamais en finir et le spectateur sait ce qui va arriver.

La veille Chris et Billy, ainsi que deux autres comparses, sont allés sacrifier un porc pour en extraire le sang. Le visage de Chris quand Billy tue l'animal est aussi extatique que celui de Carrie, mais dans une version malsaine, tout comme ce gros plan sur ses lèvres rouges couleur sang sur lesquelles Chris passe sa langue langoureusement. Un seau de sang a été installé juste au dessus de l'estrade, relié par une corde que va tirer Chris installée là-dessous, cachée avec Billy. La caméra avec un sens abouti du ralenti filme ce long stratagème que découvre, éberluée Sue, finalement venue au bal en catimini, vite repérée par Miss Collins qui l'expulse de la salle et ainsi la sauve.

Ces dix minutes sont en trois mouvements de durée identique, le deuxième mouvement est la chute du seau sur Carrie, le sang se répand sur tout son corps. Pas un son n'est audible de la salle, filmée en muet, on peut lire sur les lèvres de Tommy et comprendre qu'il dit « What the hell » avant de recevoir le seau sur le crâne et de s'effondrer. Les visages sont stupéfaits, personne ne bouge plus, sauf Norma, casquette vissée sur la tête, qui commence à s'esclaffer devant ce spectacle, cette douche de sang de cochon qui colle aux cheveux et à la robe de Carrie.

La musique change de rythme, s'amplifie en intensité, appuyant sur les violons pour dramatiser la douche. Les voix reprennent, revenant comme quatre rengaines sur quatre moments de la vie de Carrie. « They're all gonna laugh at you », scandé par sa mère, le « Plug it up » des autres filles, « Trust me Carrie, you can trust me » de la prof de gym et le « We're all sorry Cassie » du principal qui se trompe de prénom. Les quatre voix se superposent créant une variation de comptine cruelle, dans un kaléidoscope de visages, autant d'ennemis que Carrie s'imagine s'être fait.

Il ne reste plus à Carrie qu'à massacrer toute la salle. Les violons de Pino Donaggio sont remplacés par un clavier strident, l'écran se divise en deux avec un split-screen, les lumières de secours au rouge vif s'allument, plus des éclairages bleus. Les sons, cris, décharge électrique, eau de la lance à incendie, feu, meubles qui s'écroulent se joignent à la musique, le regard de Carrie est hiératique, en extase, elle accomplit son œuvre. Ces dix minutes sont pour moi les plus belles du cinéma de Brian De Palma et Carrie demeure depuis toujours mon film favori du cinéaste.

Dans le quart d'heure qui reste, Carrie rentre chez elle pour affronter sa mère qui l'avait bien prévenu que « tout le monde allait se moquer d'elle ». Entre les deux femmes, c'est un combat à mort qui va se mener, à grands coups de couteaux où la mère reprendra sa place de Jésus comme sur un crucifix. De tous les élèves, seule Sue, l'ange rédemptrice, a survécu mais dans un ultime et génial mouvement de grand-guignol horrifique, Brian De Palma décide de la condamner, elle aussi, à une perpétuelle vie de cauchemar où Carrie n'en finit pas de hanter ses nuits.