C'est
passionnant de regarder chronologiquement les premiers films de Hou
Hsiao-hsien et de constater l'évolution si rapide de son style. La
comédie très commerciale Cute girl, la chronique émouvante
Green green grass of home et Les Garçons de Fengkuei
portrait doux-amer d'un jeune adulte et de ses amis. Fengkuei est un
tout petit port de pèche situé sur un tout petit archipel au large
de Taïwan. Les jeunes ont l'impression d'être coincés dans leur
vie, incapables de s'en sortir sauf à reprendre le modèle familial
de leurs parents et à pratiquer les mêmes métiers.
C'est
ce que ne veut pas Ching (Doze Niu). Pourtant, il passe son temps à
glander. Les Garçons de Fengkuei commence dans un bar où les
quatre amis (Ching, Piggy, Yu et Jung) jouent au billard. Une fois
dehors, ils se chamaillent gentiment, balancent du coca sur Piggy qui
est allé aux toilettes. Ils font de la moto, sans casque bien
entendu. Ils resquillent au cinéma. Déception, le film est en noir
et blanc (c'est une séance de Rocco et ses frères). Ils font
des paris illégaux dans la rue et refusent de payer. Ils s'enfuient
en courant.
L'un
des garçons est sérieusement amoché lors d'une bagarre. Direction
une cabane pour se mettre au frais un moment. Ching est donc caché
dans une petite cabane. Hou Hsiao-hsien filme les garçons sur la
plage, au ralenti, jouant encore pour séduire une jeune femme,
Chin-yua, qui travaille devant eux. Les garçons sont un peu
lourdauds, pas encore dégrossis pour draguer. Puis, une nouvelle
bagarre, avec les mêmes, plus violente. Le cinéaste filme ces
affrontements en plan séquence, caméra fixe, les adversaires
sortant et entrant dans le cadre pour se donner des coups.
Direction
la police et une sérieuse engueulade de la part des parents. L'un
des autre amis décide de « prendre la mer »,
c'est-à-dire de quitter le village et l'île et d'aller à Taïwan.
Ching quitte ses parents et laisse sa mère s'occuper de son époux,
handicapé depuis des années, depuis qu'il a reçu en plein crâne
une balle de baseball alors qu'il jouait avec Ching. Ching et deux
amis partent pour la grande ville du sud de Taïwan, Kaohsiung. Une
toute nouvelle vie s'ouvre à eux, avec l'insouciance de la jeunesse,
ils sont persuadés que tout va bien se passer.
La
deuxième moitié des Garçons de Fengkuei se concentre sur
Ching et sur sa première histoire d'amour. Forcément contrariée.
Il n'a d'yeux que pour Hsiao-hsing (Lin Hsiu-ling) qui habite juste
en face de l'appartement qu'ils ont trouvé grâce à la sœur de
Jung (dont le petit ami est – je pense – joué par Hou
Hsiao-hsien lui-même). Pas de chance pour Ching, Hsiao-hsing a déjà
un petit ami, Ho, un vrai salaud qui vole des objets dans l'usine où
il travaille. Le pire est qu'elle semble très éprise de cet abruti.
Il fait tout pour qu'il la remarque, il est aux petits soins pour
elle.
Le
film est traversé de nombreux détails, des plans longs sur la ville
(ces immenses autoroutes de vélo et de bus), des touches poétiques
(l'insecte séché sur le cahier de Ching), de flashbacks sur le père
de Ching, de pointes d'humour (la pièce de monnaie sur la boule de
billard). Tout cela dresse le portrait d'une jeune homme obligé de
devenir adulte, contraint et forcé par les événements. De tous ses
amis, il sera le seul à grandir et Hou Hsiao-hsien souligne l'adieu
à son enfance, à son adolescence, à son innocence avec des grands
élans d'amertume et de déprime.
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