vendredi 5 août 2016

Les Garçons de Fengkuei (Hou Hsiao-hsien, 1983)

C'est passionnant de regarder chronologiquement les premiers films de Hou Hsiao-hsien et de constater l'évolution si rapide de son style. La comédie très commerciale Cute girl, la chronique émouvante Green green grass of home et Les Garçons de Fengkuei portrait doux-amer d'un jeune adulte et de ses amis. Fengkuei est un tout petit port de pèche situé sur un tout petit archipel au large de Taïwan. Les jeunes ont l'impression d'être coincés dans leur vie, incapables de s'en sortir sauf à reprendre le modèle familial de leurs parents et à pratiquer les mêmes métiers.

C'est ce que ne veut pas Ching (Doze Niu). Pourtant, il passe son temps à glander. Les Garçons de Fengkuei commence dans un bar où les quatre amis (Ching, Piggy, Yu et Jung) jouent au billard. Une fois dehors, ils se chamaillent gentiment, balancent du coca sur Piggy qui est allé aux toilettes. Ils font de la moto, sans casque bien entendu. Ils resquillent au cinéma. Déception, le film est en noir et blanc (c'est une séance de Rocco et ses frères). Ils font des paris illégaux dans la rue et refusent de payer. Ils s'enfuient en courant.

L'un des garçons est sérieusement amoché lors d'une bagarre. Direction une cabane pour se mettre au frais un moment. Ching est donc caché dans une petite cabane. Hou Hsiao-hsien filme les garçons sur la plage, au ralenti, jouant encore pour séduire une jeune femme, Chin-yua, qui travaille devant eux. Les garçons sont un peu lourdauds, pas encore dégrossis pour draguer. Puis, une nouvelle bagarre, avec les mêmes, plus violente. Le cinéaste filme ces affrontements en plan séquence, caméra fixe, les adversaires sortant et entrant dans le cadre pour se donner des coups.

Direction la police et une sérieuse engueulade de la part des parents. L'un des autre amis décide de « prendre la mer », c'est-à-dire de quitter le village et l'île et d'aller à Taïwan. Ching quitte ses parents et laisse sa mère s'occuper de son époux, handicapé depuis des années, depuis qu'il a reçu en plein crâne une balle de baseball alors qu'il jouait avec Ching. Ching et deux amis partent pour la grande ville du sud de Taïwan, Kaohsiung. Une toute nouvelle vie s'ouvre à eux, avec l'insouciance de la jeunesse, ils sont persuadés que tout va bien se passer.

La deuxième moitié des Garçons de Fengkuei se concentre sur Ching et sur sa première histoire d'amour. Forcément contrariée. Il n'a d'yeux que pour Hsiao-hsing (Lin Hsiu-ling) qui habite juste en face de l'appartement qu'ils ont trouvé grâce à la sœur de Jung (dont le petit ami est – je pense – joué par Hou Hsiao-hsien lui-même). Pas de chance pour Ching, Hsiao-hsing a déjà un petit ami, Ho, un vrai salaud qui vole des objets dans l'usine où il travaille. Le pire est qu'elle semble très éprise de cet abruti. Il fait tout pour qu'il la remarque, il est aux petits soins pour elle.

Le film est traversé de nombreux détails, des plans longs sur la ville (ces immenses autoroutes de vélo et de bus), des touches poétiques (l'insecte séché sur le cahier de Ching), de flashbacks sur le père de Ching, de pointes d'humour (la pièce de monnaie sur la boule de billard). Tout cela dresse le portrait d'une jeune homme obligé de devenir adulte, contraint et forcé par les événements. De tous ses amis, il sera le seul à grandir et Hou Hsiao-hsien souligne l'adieu à son enfance, à son adolescence, à son innocence avec des grands élans d'amertume et de déprime.

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