mardi 9 août 2016

Un temps pour vivre un temps pour mourir (Hou Hsiao-hsien, 1985)

« Ce film retrace mon enfance, certains souvenirs de mon père », dit Hou Hsiao-hsien en voix off au tout début de Un temps pour vivre un temps pour mourir, film autobiographique qui embrasse une histoire de Taïwan, du milieu des années 1950 à la fin des années 1960. Il est né en Chine continentale, dans la région de Canton, ses parents sont arrivés à Taïwan en 1947, 40 jours après sa naissance. Ils ne pensaient pas rester toute leur vie sur l'île, mais la scission entre Mao Tsé-toung et Tchang Kaï-chek en a décidé autrement. Ils vivent dans une petite maison du sud de Taïwan, le père, la mère, la sœur et les trois frères. Sans oublier la grand-mère.

Cette grand-mère, vieille dame habillée en habit traditionnel, noir, contrairement à tous les autres, vêtus à l'occidental, appelle le petit Hsiao-hsien, Ah-ha. Le gamin, en short et t-shirt blanc, passe son temps à jouer avec ses amis aux billes ou à la toupie, de temps en temps, il fait une petite bêtise et sa maman le gronde et la grand-mère le console. Le gamin et la grand-mère passent du temps ensemble, elle rêve de reprendre la route pour le continent ne supportant pas cet exil forcé (ce qui donne le gag récurrent du pousse-pousse qui la ramène régulièrement), ils ramassent des goyaves dans la campagne et la vieille dame jongle avec les fruits.

Ces souvenirs du temps passé, Hou Hsiao-hsien les rappelle avec les information à la radio qui évoquent la guerre. Un camarade de Ah-ha dira « on va reconquérir le continent ». Les unes des journaux annoncent la mort du vice-président. Ce sont les meubles rustiques de la maison. Les parents, fonctionnaires, n'avaient acheté que des meubles en bambou, persuadés qu'ils allaient vite rentrer en Chine. C'est aussi les lettres envoyées par les oncles, donnant des nouvelles. Ah-ha ne s'intéresse qu'aux timbres collés sur les enveloppes pour sa collection. C'est le temps de l'insouciance, l'enfance jusqu'à l'entrée au collège malgré l'insolence envers les professeurs.

Le père de famille reste avachi sur son fauteuil, occupé à écrire ses mémoires qui seront retrouvés par ses enfants bien des années plus tard. Le père est asthmatique. La mère est d'une énergie folle, et il en faut pour soigner son mari malade et apathique et élever ses cinq enfants. Le fils aîné, né prématurément, maladivement maigre. La fille à qui il faut trouver un époux. Et les deux petits qui vont grandir. C'est donc à Ah-ha que reviendra le rôle de chef de famille quand son père meurt, un soir d'orage où l'électricité est coupée. Scène d'une grande pudeur où la découverte se fait hors-champ, avec l'obscurité et le cri de la fille.

Film en deux temps et en deux époques qui se suivent sans transition, Un temps pour vivre un temps pour mourir se poursuit, après la mort du père, avec Ah-ha devenu désormais jeune homme. Il passe du short au pantalon pattes d'éléphant et débardeur. C'est la partie, bien plus passionnante à mon avis, des premières fois pour lui. Première éjaculation nocturne qu'il part nettoyer, première bagarre au sein du petit gang auquel il appartient, perte du pucelage avec une prostituée, première clope et premier flirt avec une jeune et jolie lycéenne avec qui Ah-ha ose à peine parler, totalement à l'opposé de son personnage de petite frappe.

Cette deuxième moitié est aussi plus dramatique, l'insouciance a quitté tous les personnages. La grand-mère commence à perdre la mémoire, la mère est malade, une vilaine tumeur attaque sa gorge, le fils aîné se fait recaler à l'armée à cause de son caractère chétif. On tremble surtout pour Ah-ha qui semble plonger dans la délinquance. J'ignorais tout à fait que le cinéaste avait eu un vie si agitée. Il la filme avec de longs plans, la caméra cadrant large, sans appuyer sur les moments les plus sombres, sans écarter ses actes peu glorieux, il évite ainsi la nostalgie facile, les souvenirs anecdotiques et la chronique édifiante.

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