lundi 30 septembre 2019

J'ai aussi regardé ces films en septembre


Ad astra (James Gray, 2019)
Certains cinéastes ont une mise en scène « invisible », c'est-à-dire qu'on est tellement pris par l'histoire qu'on ne voit pas les efforts incroyables pour justement ne pas montrer toutes les coutures. James Gray pense être de ces cinéastes mais sa volonté de faire invisible est telle, dans une aspiration de devenir un cinéaste classique (lisez Positif pendant 3 mois, vous comprendrez la subtilité) que tout est grossier. Ainsi cette musique omniprésente n'est pas seulement là pour créer une ambiance mais aussi pour palier l'absence de silence de l'espace car la peur du vide sonore risque d'éloigner des spectateurs (les gens ont pris peur dans Interstellar lors des scènes interstellaires, ils pensaient que les projecteurs étaient en panne). On ajoute une voix off, sans oublier quelques réflexions sur la religion (dites par Tommy Lee Jones) que certains ont vues comme anti-religieuses (ben tiens) et le tout avec le sur-jeu du sous-jeu de Brad Pitt. La séquence de cours poursuite sur la lune n'est pas plus originale que la course-poursuite sous la pluie dans La Nuit nous appartient. Pour être honnête, je continue de penser que James Gray est la plus grande esbroufe des 25 dernières années, sauf The Lost city of Z que j'aime beaucoup.

Un jour de pluie à New York (Woody Allen, 2018)
bon, voilà, un nouveau film de Woody Allen ni vraiment mieux ni tout à fait moins bien que les 5 précédents. Ça cause beaucoup mais des discussions de vieux avec des corps de jeunes, Timothée Chalamet, Elle Fanning et Selena Gomez, cette dernière emporte chaque fois le morceau volant la vedette à ses partenaires. Bien-sûr, Woody Allen a le droit de filmer la nouvelle génération de Hollywood même si les acteurs ont regretté d'avoir joué dans le film, mais il semble ne rien comprendre à la jeunesse d'où un flottement constant du récit qui rappelle le ratage intégral de Celebrity en 1999 où il utilisait si mal Leonardo Di Caprio. On ne sortira jamais des clichés sur le cinéma avec le réalisateur Liev Schreiber, le scénariste Jude Law et l'acteur star Diego Luna. Aucune fantaisie pourtant les spectateurs adorent et sortent ravis.

Port Authority (Danielle Lessowitz, 2019)
Petit film indépendant sur Paul un jeune couillon de Pennsylvanie qui débarque à New York, se fait tout piquer, se fait éberger par un type antipathique dont le métier consiste à expulser les pauvres qui ne paient pas leur loyer (De battre mon cœur s'est arrêté en bandoulière). Voilà pour le premier récit qui s'imbrique dans un autre avec un élégance évidente et un savoir-faire indéniable. Le deuxième implique la découverte par ce jeune gars (toujours aussi têtu) d'un groupe de danseurs queer et transe qui pratiquent le voguing. Or cette famille vit justement dans un appartement tout en ayant du mal à payer le loyer. Ce sont les séquences de voguing qui sont les meilleures, les scènes entre Paul et Wye, danseuse qui a tapé dans l’œil du jeune homme et réciproquement qui font décoller le film.

Les Petits maîtres du grand hôtel (Jacques Deschamps, 2019)
Tout cela se passe à Grenoble, dans un hôtel connu où les étudiants en BTS font leur formation. On se vouvoie, on porte de belles tenues, on se tient droit mais les jeunes ont du mal, ils sont indolents, feignants et un peu ignares. Tout cela est donné avec une bonne dose d'humour proche de Strip-tease. Et soudain, ils chantent puisque c'est une comédie musicale, certes ce n'est pas la première fois mais c'est amusant. Tout le monde ne chante pas juste loin de là. Ces chansons expriment ce qu'ils pensent, leurs sentiments sur leur formation, leur lassitude et leur espoir. Une petite dizaine de chansons en tout. C'est un peu superficiel mais souvent drôle.

dimanche 29 septembre 2019

Le Cri de la hyène (Chan Chuen, 1983)

Voilà un cas typique de ce que l'industrie du cinéma de Hong Kong pouvait produire de plus indigent. Depuis le milieu des années 1970, après la mort de Bruce Lee, Jackie Chan est la star du cinéma d'arts martiaux. Il a galéré, tourné dans des navets pas possibles, souvent réalisés par Lo Wei, il a trouvé enfin sa voie (grâce à Yuen Woo-ping) puis il s'est mis avec bonheur à la réalisation avec La Hyène intrépide sorti en 1978. Il faut le rappeler Le Cri de la hyène n'est pas la suite de La Hyène intrépide, il joue seulement sur le titre pour attirer le gogo.

Depuis sa première réalisation, Jackie Chan a largement progressé, il a peu à peu abandonné le cinéma de kung-fu pour se lancer dans la comédie d’action. En 1983, Lo Wei – en tant que producteur – sort Le Cri de la hyène en mettant Jackie Chan en tête d’affiche. Seulement voilà, la star s’était fâché avec Lo Wei, il avait quitté le tournage. Cela n’a pas empêché ce vieil escroc de continuer son film en faisant jouer Jackie Chan par un autre acteur grimé. Que Jackie ne ressemble plus en 1983 à ce qu’il était en 1977, au moment du tournage, n’est même pas un problème pour le producteur.

Faire jouer un seul personnage par deux acteurs, pourquoi pas. Le sosie qui porte une moustache ou une barbe, un chapeau ou une perruque réussit à peu près à se battre. Il imite la gestuelle si particulière de Jackie Chan, sa manière de se déplacer, la façon dont il bouge dans un angle à 90° son visage plus vite que ses cheveux (son personnage a des cheveux longs), la position arquée exagérée de ses jambes. On le sait tous, Jackie Chan c’est d’abord un physique reconnaissable entre tous, une coiffure abondante et un peu rebelle et son sourire comme sa bonne bouille, surtout à ses débuts.

Mais comme l’avait Robert Clouse dans Le Jeu de la mort 2 avec Bruce Lee, Lo Wei utilise des morceaux d’anciens films de Jackie Chan pour palier son absence. On le voit pécher les grenouilles et une anguille dans Le Chinois se déchaîne. Pire que cela, le combat final entre le super méchant (Yen Shi-kwan) et Jackie est celui de La Hyène intrépide avec comme modification au montage la suppression des dialogues entre les deux hommes et l’ajout du personnage de Tung le paresseux (Austin Wai) qui, comble du foutage de gueule, est celui qui met fin aux jours du méchant, manière peu élégante de Lo Wei de se venger.

Car l’autre moyen pour faire du Cri de la hyène un long métrage à durée classique est d’y introduire un personnage dans une intrigue parallèle. Ce sera Tung que l’on découvre chez lui, couché dans son lit, tirant sur des leviers pour faire venir les objets à lui (bouffe, pot de chambre, etc) sans avoir à bouger le petit doigt. Il se lie avec Grenouille, un trompe la faim, qui a des dettes et qui trouve refuge dans la maison de Tung. Ils vont former un duo comique qui repose sur leur opposition physique (l’un grand et beau gosse, l’autre nerveux et vilain).

Le souci dans ce film est que Lo Wei galère pour trouver un scénario pour que Jackie et Tung se rencontrent enfin. Le récit est rempli d’incohérences encore plus mis en avant par le festival de faux raccords. On se croirait dans un navet de Godfrey Ho. A vrai dire, raconter l’histoire du Cri de la hyène n’est pas nécessaire. Décrire les personnages vaut tout récit. Ainsi les deux supers méchants qui cherchent à éliminer les pères de Jackie et Tung sont affublés de grandes capes rouge et bleu et leurs rires sardoniques préviennent tout le monde qu’ils sont d’affreux jojos.


Ils sont accompagnés de quatre gardes vêtus d’uniforme doré qui accentuent le côté ridicule du film. Je ne précise pas qu’on n’y croit pas du tout. Jackie Chan avait choisi de ne pas inclure de personnage féminin dans La Hyène intrépide. Lo Wei introduit une protagoniste (Pearl Lin) qui ne sert à rien sinon montrer une femme. Et je finirais avec la scène entre Dean Shek et Jackie où ce dernier se fait moquer de son physique par le premier. J’ignore si les dialogues ont été faits après le départ de l’acteur, telle une revanche supplémentaire pour le ridiculiser, mais ça en a tout l’air.


















samedi 28 septembre 2019

Charlot artiste peintre + Fièvre printanière (Charles Chaplin, 1914)

Ces deux courts métrages de Charlie Chaplin, très courts, Charlot artiste peintre fait 11 minutes et Fièvre printanière tout juste 6 minutes ne sont pas terribles. Ils ont été tournés en deux jours, l'un à la suite de l'autre et sont sortis en août 1914. Le premier film est entièrement tourné en intérieur, d'abord dans un bar où Charlot joue son désormais habituel numéro d'ivrogne, un personnage dont le public raffolait puis dans un atelier. Dans ce bar, il raconte aux autres clients pourquoi il est devenu ivrogne et seul.


Le film se lance dans trois flashbacks avec dans les intertitres un poème qui égrène ses vers dans une version parodique d'un poème qui devait être connu en 1914. on apprend qu'il peint des portraits de femme, qu'un de ses modèles devient son épouse puis qu'elle le quitte pour un gros moustachu venu pour que le peintre fasse son portrait. Peu de gags amusants si ce n'est sans doute les variations du poème. Charlie Chaplin tente ici un comique qu'il n'a jamais fait (le pastiche) et qu'il ne fera plus jamais.










Le deuxième film, Fièvre printanière alias Recreation, est entièrement tourné en extérieur dans la forme habituelle des courts métrages Keystone. C'est une énième variation autour d'un parce avec une jolie jeune femme, un marin et deux policiers. On échange les duos, on se regarde comme chien et chat et tout le monde finit dans un lac. La copie dans le coffret DVD Lobster est particulièrement sale, sauf pendant une minute. Ça arrive parfois mais comme le film n'est pas de très bonne qualité artistique, ce n'est pas très grave.











Charlot garçon de théâtre (Charles Chaplin, 1914)

La presse cinéma de 1914 (le magazine Moving Picture World, cité dans The Films of Charlie Chaplin édité en 1965 par Bonanza Books New York) s'était ému de la « brutalité » de The Property man. Pourtant ce film qui suit Le Maillet de Charlot et Charlot dentiste n'est pas plus violent que les deux précédents, chacun en prend pour son compte de coups de pied au cul et de torgnoles, mais c'est sans doute que le collègue de Charlot dans ce film a l'apparence d'un vieillard et que frapper si durement un vieil homme a pu choquer la critique de l'époque.

En revanche, le public lui est hilare devant le déchaînement de chutes et cascades que les acteurs engagent sur scène. Dans la deuxième partie du film (je commence par elle), c'est le spectacle de vaudeville que le public regarde dans un champ contre-champ perpétuel. Rien ne va dans ce spectacle donné, ni le Monsieur Muscle, ni les jeunes danseuses ni la partie dramatique. Chaque fois, tout est contaminé par l'incompétence des deux régisseurs, Charlot et le vieil homme barbu, qui ne font rien comme il faut.

Le décor n'est pas envoyé au bon moment, il tombe sur les comédiens sur scène, les accessoires ne sont pas les bons (Monsieur Muscle a de vraies altères et se fait mal au dos), Charlot rentre sur scène et admire le popotin des deux deux danseuses. L'imagination de Charlie Chaplin pour saboter ce qui se passe sur scène est infinie mais toujours sur le même registre. Charlot agit comme si rien n'existait, dans un délire quasi onirique, la réalité n'a plus court, elle est effacée au profit d'un comique radical.


La première partie repose sur ce même registre mais c'est Charlot qui est la victime des divers artistes qui viennent dans les loges pour se préparer à leur spectacle. Là, il montre leur ego surdimensionné, leur jalousie, leur mesquinerie. Et ce pauvre vieux est aussi la victime préférée de Charlot. Ainsi, il faut voir la brutalité de la deuxième partie comme la monnaie de leur pièce. Si Charlot prend un malin plaisir à saboter leurs numéros c'est qu'il ne fait que prendre sa revanche sur eux en leur volant la vedette.