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lundi 13 avril 2020

La Horde sauvage (Sam Peckinpah, 1969)

« J'aimerais réussir un gros coup et me retirer » dit Pike (William Holden). « Te retirer de quoi ? » lui répond Dutch (Ernest Borgnine). Pike veut faire un dernier casse avant la retraite, un casse minutieusement préparé avec sa bande de gangsters. Ils arrivent à cheval dans la petite ville choisie, déguisés en soldats, histoire de passer inaperçus. Ils défilent tandis pendant le générique avec ses images qui se fixent en noir et blanc.

Les noms des gangsters sonnent comme des onomatopées. Outre Pike et Dutch, voici le vieux Sykes (Edmond O'Brien), un barbu rigolard, les frères Corch, éternels chamailleurs, Tector (Ben Johnson) porte une barbe bouc et Lyle (Warren Oates) une moustache, Angel (Jaime Sanchez), le plus jeune de la bande, Crazy Lee (Bo Hopkins), jeune blondin qui prend un plaisir manifeste à mettre en joue les clients. Ils sont une bonne dizaine.

Le butin espéré est un convoi d'or dans la banque. Schéma classique du casse. Mais ce que Pike ignore, c'est qu'il a été manipulé. Sur le toit en face de la banque se trouve une troupe d'hommes excités comme des puces, qui n'attendent qu'une chose, pouvoir éliminer les gangsters. Ce sont des chasseurs de prime menés par Thornton (Robert Ryan) qui se distingue de sa bande par sa tenue correcte quand tous les autres semblent dépenaillés.

« S'ils font un mouvement, tuez les tous ». Tel est l'ordre donné par Thornton. Ils ne vont pas se priver. Une fois les sacs d'or récupérés, ils sortent. Voici le premier massacre de La Horde sauvage, violent et brutal comme Sam Peckinpah sait si parfaitement les mettre en scène. Très impressionnant avec les différents points de vue, celui d'en haut des chasseurs de prime pris dans une folie meurtrière, ceux d'en bas Pike et sa bande qui répliquent.

Seulement voilà, ils ne sont pas les seuls dans la rue qui séparent les deux bandes. Avec une ironie que j'apprécie particulièrement, Sam Peckinpah avait montré quelques minutes plus tôt des bigots en pleine messe. Ils entendaient faire une procession qui passe au beau milieu et se font tirer comme des lapins par tout ce beau monde. Ils seront les victimes supplémentaires du massacre, eux des hommes de foi se faire massacrer par des hommes sans foi ni loi.

Parce que si Pike et sa bande s'étaient fait tuer dès le début, le film durerait 20 minutes, Sam Peckinpah choisit de les faire réussir à s'échapper. Des chevaux frais les attendent et ils découvrent, avec joie, le contenu du butin. Dans les sacs, ils ne trouvent que des rondelles en fer au lieu de pièces d'or. Le traquenard était double. Lyle Corch qui voulait rien partager avec le jeune Angel se voit moquer par les autres qui veulent bien lui donner leur ferraille.

La retraite que réclamait Pike n'est pas pour tout de suite. Au contraire, Thornton et sa bande partent à sa poursuite. Dans cette longue séquence initiale, Sam Peckinpah développait les contrastes entre les deux bandes. Le spectateur est forcé d'avoir de l'empathie pour la bande de Pike, pourtant des hors-la-loi, et de mépriser les chasseurs de prime, gueulards, stupides, moches, pourtant dépositaires de la loi. C'est ce renversement qui construit le film.

L'opposition est accentuée par l'absence de noms des membres de la bande de Thornton, ils restent anonymes et interchangeables (parmi eux L.Q. Jones et Strother Martin). Ce sont des hyènes (cris et déplacement dans l'espace le prouvent), ce sont eux les bêtes sauvages de la horde. Le film ne sauve que leur chef, ancien acolyte de Pike. Ils se connaissent à la perfection, ce qui permet au cinéaste de rendre évidente la poursuite de l'un par l'autre, du sud vers le Mexique.

La bande de Pike devient sympathique avec un double système simple : l'humour et la compassion. L'humour est surtout dévolu au personnage de Warren Oates, aux disputes avec son frangin, à sa fringale sexuelle, à ses gaffes et à son impulsivité. Le film fournit de nombreux gags, comme celui de la bouteille de whisky que garde Lyle dans son manteau. Tous vont en boire une large gorgée sauf Lyle, tous éclatent de rire devant sa déception.

Dans leur balade, l'équipe croise de nombreux villageois mexicains pauvres avec lesquels ils partagent un moment, un repas ou des câlins. Lyle et Tocter sont toujours galants avec les dames. Ils sont soumis à la loi des plus forts, chassés de leur village, volés. Pike et ses hommes vont leur rendre justice. C'est le moment du film où Angel, jusque là peu présent, prend une place plus importante quand il veut retrouver sa fiancée Teresa.

Teresa (Sonia Amelio) est partie avec le général Mapache (Emilio Fernandez). Voici un magnifique portrait d'homme, un homme fou, colérique, instable comme tous les chefs auto-proclamés. Quand Angel, fou de jalousie, tire une balle sur Mapache, il tue Teresa. Mapache se moque que la belle brune soit morte, il n'a aucune réaction, il accueille même la bande de Pike à sa table mais il décide de torturer Angel pour le plaisir.

Mapache serait un enfant qui fait la guerre (notamment contre Pancho Villa dans un chaos indescriptible). Les enfants sont nombreux dans La Horde sauvage, ce gamin en uniforme militaire qui suit Mapache, les enfants des villages mais surtout ceux en tout début de film qui observent deux scorpions de faire dévorer par des fourmis rouges avec des rires enfantins contents de leur jeu, comme Mapache ricane quand il massacre ses hommes avec une mitraillette.

Ces enfants en début de film, c'est le spectateur du film qui prend du plaisir à ce qu'il voit. Que regarde-t-il ce spectateur ? Des massacres gigantesques. Le dernier est une réplique démultipliée du premier, encore plus d'armes, de victimes et de bruit. Mais mon moment préféré reste l'attaque du train rempli d'armes, filmé sans dialogue ni musique, un suspense de haute volée, 10 minutes de pur génie au mi-temps d'un film d'une beauté trouble et indéfectible.








































jeudi 21 février 2019

Les Vikings (Richard Fleischer, 1958)

Le puissant chef Viking Ragnar (Ernest Borgnine) a deux fils. L'un est borgne, l'autre est manchot, l'un est blond, l'autre est brun, l'un est son héritier au trône, l'autre est un enfant bâtard. Einar (Kirk Douglas) et Eric (Tony Curtis) ne se connaissent pas encore et tant qu'ils ne se connaissent pas ce bon vieux Agnar peut festoyer joyeusement avec force victuailles et bières lors de banquets opulents que Richard Fleischer filme en longs plans larges, histoire de bien montrer la richesse des décors et de la reconstitution.

Ragnar a le rire le plus fort de toute l'assemblée. Ernest Borgnine ne se prive pas de le faire résonner dans son antre, ce qui lui sert de palais dans cette contrée de païens. Ce rire est celui d'un barbare, d'un païen mais aussi d'un bon vivant. Les enluminures qui ouvrent Les Vikings (en lieu et place d'un générique, chose inédite en 1958) décrivent les vikings comme des monstres et le film va le démontrer. Mais pour cela, il faut les comparer à leurs ennemis, ces Angles chrétiens qui règnent en Northumbrie.

Face à ces enluminures, Richard Fleischer oppose un succédané de récit biblique mâtiné de surnaturel, l'histoire d'Eric nourrisson est celle de Moïse. En Angleterre, un usurpateur chaparde le trône de l'enfant que sa mère préfère envoyer en exil, l'abandonner aux flots de la mer du nord, non sans avoir laisser un morceau de l'épée royale, sceptre nécessaire au souverain, en médaillon au cou de l'enfant. L'épée se disloque, une annonce des prochains troubles de la souveraineté corrompue d'Aella (Frank Thring). Récupéré par les Vikings, Eric est devenu l'un de leurs esclaves.

Le film tourne tout entier autour des ces histoires de paternité, de fratrie. Sans aucun amour, ce n'est que de la haine. Eric est l'esclave de son demi-frère, encore une fois sans le savoir, et chacun se cherche comme s'il se doutait de quelque chose, c'est cet épisode du faucon d'Eric qui arrache l’œil d'Einar. Il y a chez Kirk Douglas un certain délire masochiste a avoir voulu (il en est responsable, il était producteur du film) à se défigurer ainsi, lui le sex symbol de Hollywood dans les années 1950, manière de dire « regarder mon jeu, pas mon visage ».

Puisqu'on en est aux mutilations, la perte de la main gauche d'Eric est aussi une affaire de famille, au royaume de ses origines, en Northumbrie. Aella lui tranche la main de son épée, jaloux de ce retour du fils prodigue, car Eric n'est pas seulement l'héritier légitime du trône mais il est aussi un rival pour celle qui lui était destinée, la princesse de Galles Morgana (Janet Leigh). Car Aella est resté célibataire depuis son accession au trône et sans enfant. Il est surtout montré très maniéré ce qui ne laisse rien dissimuler de sa sexualité et de son dégoût des femmes.

L'arrivée de Morgana dans le récit s'accompagne par une autre rivalité, celle d'Einar qui ne supporte pas non plus qu'elle soit amoureuse d'Eric. Seule Morgana connaît la véritable identité d'Eric et elle ne sera révélée que lors de ce fameux combat entre les deux-demis frères en haut de cette forteresse anglaise, superbe combat de coqs tout en plans en plongée et contre-plongée dans une lutte pour le pouvoir et la suprématie sexuelle. Le tout est symbolisé tout autant par la tourelle proéminente que par l'épée, par ailleurs donnée comme élément d'accès vers la mort.

Comme dit plus haut, ce sont deux civilisations qui se cognent, les Chrétiens ne valent guère mieux que les païens vikings, si l'on en juge par le « raffinement » avec lequel Agnar est mis à mort par Aella (jeté dans une fosse aux loups). Les Vikings vivent dans un monde dirigé par des forces obscures (le dieu Odin dont le nom scande chaque phrase de Ragnar après chaque rire). Les Vikings ont beau faire des attaques en terre anglaise, des razzias et des tueries, ils ont peur comme des enfants de la mer, du brouillard et de la nuit.


La boussole sera l'arrivée de la vraie civilisation, non pas basée sur la religion ou des croyances telluriques. Cette boussole en forme de poisson est utilisée par un autre esclave (Edric Connor), un Africain comparse d'infortune d'Eric. Elle guide Eric à travers le brouillard, elle symbolise la modernité. Il faut voir dans ces scènes une allégorie sur le mélange des cultures, un éloge des la mixité et une critique de ces prétendues puretés de race que les personnages défendent avant de mourir piteusement dans d'atroces souffrances.