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mercredi 4 juillet 2018

Pulsions (Brian De Palma, 1980)

La dernière séquence de Body double montrait le tournage d'un film, Brian De Palma expliquait comment une doublure poitrine remplaçait l'actrice dans une scène de douche. La séquence d'ouverture de Pulsions découpe le corps de Kate Miller (Angie Dickinson). Après un plan large où la vapeur et la vitre de la douche font écrans à son corps dénudé, des gros plans fixes de son visage alternent avec des plans de ses seins puis de son pubis, elle passe langoureusement le savon sur son corps, la caméra suit le mouvement de cette masturbation. Certains de ces plans ont longtemps été absents du film, la censure était passé par là, c'est peut-être pour cela que Brian De Palma a procédé un remake de cette séquence à la fin de Body double.

Pendant sa douche, le mari de Kate est en train de sa raser, torse nu, serviette rouge sang accrochée autour de la hanche. Pas un mot prononcé sur la fabuleuse et douce musique de Pino Donaggio. Se raser avec une lame, l'objet le plus présent dans Pulsions, un rasoir qui va trancher la gorge de Kate. Un homme s'est glissé sous la douche, pure vision de fantasme, un fantasme qui évacue immédiatement les pulsions sexuelles de notre héroïne, qui décrit grâce au symbole phallique de cette lame de rasoir, sa frustration sexuelle, de ce mari qui ne le regarde plus. Cette douche inaugurale, tout comme celle qui ouvre Carrie qui ouvrait la voie à de puberté refoulée de Carrie par sa mère tyrannique, explique la tentation de Kate Miller à rencontrer un homme.

« Vous me trouvez attirante ? » demande Kate à son psy, le docteur Elliott (Michael Caine) qui la reçoit dans son cabinet des quartiers chic de Manhattan. En complet veston, il se regarde dans un miroir comme le faisait l'époux de Kate plus tôt. Kate va expérimenter sa beauté au Metropolitan Museum. J'évoquais la longueur de la déambulation de Body double dans le centre commercial, celle de Pulsions est plus courte (environ huit minutes) encore une fois magnifiée par la musique, de lentes mélopées lascives. Caméra subjective prenant le point de vue de Kate, objective dans ce jeu de cache-cache avec cet inconnu à lunettes fumées (Ken Baker), de salles en salles, de tableau figuratif à peinture abstraite. Et un gant qui tombe, révélant une alliance et la gant ramassé par cet homme qui l'agite désormais de la fenêtre d'un taxi. Kate le rejoint laissant tomber son deuxième gant qui sera ramassé par une femme en pardessus, chapeau et lunettes noires.

Le romantisme et la sensualité sont toujours cucul la praline chez Brian De Palma, à dessein. Qu'on se rappelle l'arrivée de Tommy Ross quand il vient prendre Carrie avant la bal de promo, sirupeux à souhait. Dans Pulsions, la scène de sexe dans le taxi n'échappe à ce traitement. Les caresses érotiques mènent à l'expulsion de la culotte de satin couleur saumon qui tombe sur le plancher du véhicule tandis que le chauffeur tente de se rincer l’œil, à l'image du spectateur lambda. Identiquement, quand Kate part de l'appartement de l'homme du musée, elle lui laisse un mot doux sur le téléphone. Elle prend un bloc de papier et un stylo dans le tiroir du bureau et lit un rapport du médecin. Elle comprend que cet homme nommé Warren Lockman a contracté une maladie vénérienne. Ce romantisme cucul la praline cède la place à l'angoisse, d'autant que Kate se rend compte qu'elle a non seulement perdu sa culotte dans le taxi mais aussi son alliance chez Warren, après son gant au musée.

Quand on regarde Pulsions pour la première fois, il n'est pas certain que l'on remarque cette femme tout en noir. Brian De Palma n'appuie pas sur ce personnage qui n'est que furtif, mais il est visible puisqu'il ramasse le deuxième gant de Kate Miller. Elle ressemble à l'homme au pardessus marron dans Les Frissons de l'angoisse de Dario Argento (que je viens de voir au cinéma). On apprendra qu'elle est la patiente du Dr. Elliott. Elle s'appelle Bobbi personnage transexuel. Elliott s'oppose à son opération de changement de sexe, Bobbi va voir un autre psychiatre, le Dr. Levy (David Margulies). C'est cette Bobbi, est cachée derrière l'escalier de service qui va trancher la gorge de Kate, comme une deuxième punition après la maladie vénérienne de son coup d'une après-midi, comme une vengeance à son adultère. Evidemment, c'est avec un rasoir comme dans le fantasme initial que Kate Miller meurt dans Pulsions, telle Marion Crane, dans un hôtel au bout de quelques minutes de récit.

Dans Sœurs de sang, le meurtre était filmé en split-screen. Dans Pulsions adapte le split-screen qui a fait sa renommée pour un double écran différent. Il y a d'abord les trois objets de Kate (gant, culotte, alliance) qui reviennent en flash-backs à son esprit sous une forme de surimpression. Le split-screen prend essentiellement la forme de demi-bonnettes, deux images de profondeur différente sont mise en rapport, comme un champ-contrechamp dans le même cadre. Une bonne vingtaine de demi-bonnettes parsèment le film, de plus en plus alambiqués mais toujours en rapport avec l'écoute (la scène chez le psychiatre, Peter le fils de Kate espionne Elliott au poste de police), l'observation (encore Peter qui installe une caméra 8mm devant le cabinet du docteur). L'unique split-screen est entre le Dr. Elliott et Liz Blake (Nancy Allen) regardant tous les deux une émission télé sur un transexuel.

C'est un passage de relais particulièrement pervers auquel procède Brian De Palma pour quitter Kate Miller et présenter à Liz Blake, témoin de l'assassinat. Kate tend la main à Liz comme pour lui lancer la reprise du récit après sa mort, elle la saisit ou plutôt elle prend possession de ce rasoir maudit. Liz, call-girl, est tenue par l'inspecteur de police Marino (Dennis Franz), plus vulgaire que jamais, comme la suspecte N°1. La maestria manipulatrice du cinéaste se déploie sur deux mensonges qui ne seront découverts comme tels que dans l'épilogue du film. Il ne faut croire ni ce que l'on dit ni ce que l'on voit, cela était annoncé par ces demi-bonnettes sur l'écoute et l'observation. Brian De Palma mène le récit vers de fausses pistes qui paraissent plausibles mais contredisent la logique narrative que le spectateur est forcé de faire.


C'est uniquement par le cinéma que la vérité pourra enfin être découverte. Cette vérité vient de Peter (Keith Gordon) qui enquête de son côté car il est le seul à ne croire à la bonne foi ni de l'inspecteur Marino ni à celle du Dr. Elliott. Il croit Liz et tous les deux font résoudre le mystère autour de cette femme en noir qui la poursuit en voiture puis dans le métro. Cette petite caméra, évoquée plus haut, qu'il installe est le révélateur de la réalité car elle filme sans montage dans cette conception bazinienne du cinéma a priori à l'extrême opposée du cinéma de Brian De Palma.. Ce Peter, comme l'a raconté Brian De Palma dans ses entretiens, est l'alter ego du cinéaste, il avait surveillé les infidélités de son père de cette manière. Plus que cela il compose le premier personnage d'une trilogie idéale sur les vérités et les mensonges du cinéma, Pulsions, Blow up et Body double.









































mardi 15 septembre 2015

Youth (Paolo Sorrentino, 2015)

On pourrait comparer Youth de Paolo Sorrentino à Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, les deux films se déroulent dans un très luxueux hôtel des Alpes fréquenté par des gens riches avec un personnel au petit soin. Là où résidait l'idée géniale du plus européen des cinéastes américains, c'était de donner aux employés les rôles principaux et d'en faire le moteur du récit. Certes, l'époque n'est pas la même. Dans les deux films, les clients sont campés par des stars du cinéma, mais dans Youth, le personnel reste justement impersonnel. On les voit fumer leurs cigarettes à l'extérieur, faire des massages, faire la tapin ou être un émissaire de la Reine Elizabeth II que le personnage de Michael Caine traite comme un larbin.

Ce dernier est Fred, compositeur de musique à la retraite qui vient dans cet hôtel isolé de la Suisse alémanique pour se reposer. Il est accompagné de sa fille Lena (Rachel Weisz), personnage inutile (on prétend qu'elle est son assistante malgré sa retraite), présente uniquement pour une banale sous-intrigue de rupture amoureuse. Chaque année, il retrouve Mick (Harvey Keitel), cinéaste qui programme son film testament. Il est entouré d'une bande de jeunes scénaristes (encore des employés traités par dessus la jambe) qui lui fournissent des dialogues pour la fin de son film. Mais Mick rejette toutes leurs idées immatures. Les deux amis sont artistes mais l'un ne veut plus l'être, l'autre cherche à poursuivre son œuvre.

Les journées se suivent et se ressemblent toutes. Elles sont scandées par une chanson interprétée dans le jardin sur une scène ronde qui tourne. « Ils ne sont pas très bons », dit un personnage avec condescendance. Rien à voir avec le génie de Fred qui jouera pour la Reine en fin de film, lui, il joue avec un orchestre philharmonique pour les grands de ce monde. Il en pleurera d’émotion, ses yeux rouges en attestent, forçant le spectateur de Youth à être lui-même ému. Le reste de la journée, Fred et Mick se promènent, mangent et font des paris sur un couple voisin qui ne se dit pas un seul mot. Ah oui, et ils contrôlent leur flot d'urine. Prière de rire comme on a pleuré, forcé par Sorrentino.

Fred et Mick ne sont pas seuls dans l'hôtel. Avec son sens du baroque, Paolo Sorrentino expose des personnages secondaires hauts en couleur. Paul Dano est un acteur hollywoodien déprimé de n'être reconnu que pour son rôle de robot. Il acceptera de jouer Hitler et se pavanera dans l'hôtel dans son nouveau costume. Un sosie de Maradonna (son nom n'est jamais cité). Miss Univers qui est belle donc stupide mais en fait elle n'est pas si stupide, c'est elle qu'on voit sur l'affiche. Un enfant qui apprend le violon. Et en fin de film, Jane Fonda, dans le rôle de l'actrice fétiche de Mick. A chacun, Fred et Mick (mais surtout Fred) donnent des leçons de vie pour mieux comprendre le monde. Ils ont bien lu Paulo Coelho.

Je voulais comparer Paolo Sorrentino et Wes Anderson car tous deux sont des formalistes forcenés persuadés de créer leur cosmogonie, comme on dit. Le cinéaste italien s'est cependant bien calmé depuis La Grande bellezza et plus encore depuis Il Divo. Le récit est désormais totalement linéaire, sans digression, sans courbure du récit (sauf dans une scène onirique ridicule). De même, les plans tiennent plus de l'imagerie Instagram (des beaux paysages fleuris, des intérieurs tous cadrés de la même façon) que d'une composition artistique. Il tente de faire son 8 et ½ en s'exprimant sur l'art et les pièges des faux-semblants. Le pire est que tout est toujours trop explicatif à grands coups d'épuisants tunnels de dialogues.

vendredi 4 septembre 2015

Le cinéma de Peter Bogdanovich, Partie 1 : Le vaudeville

Peter Bogdanovich en 1967
La sortie vidéo de Broadway therapy est l'occasion de revenir sur la filmographie et la carrière de Peter Bogdanovich. Ses films peuvent être classés en trois catégories, les films qui parlent du cinéma, ceux qui se déroulent dans le sud profond des USA et ceux qui sont des vaudevilles.

Le cinéma de Peter Bogdanovich, Partie 1 : Le vaudeville
Barbra Streisand et Ryan O'Neal dans On s'fait la valise, Docteur
On s'fait la valise, Docteur (What's up, Doc, 1972)
L'un des meilleurs films de Peter Bogdanovich est une screwball comedy, genre majeur des années 30 et 40. Le duo Ryan O'Neal Barbra Streisand fonctionne comme dans un film d'Howard Hawks. Elle survoltée et espiègle, lui amorphe et soumis, deux caractères opposés qui vont se cristalliser lors de leur rencontre dans un San Francisco qui sert de décor à une folle course-poursuite. Une valise au motif écossais sert de McGuffin. Un film hilarant qui va tellement vite qu'il faut le revoir pour tout voir. Et il faut aussi voir les fringues des personnages, sublimement kitsch. Ma note : 9/10

Duilio Del Prete, Cybill Shepherd, Burt Reynolds et Madeline Kahn dans Enfin l'amour
Enfin l'amour (At long last love, 1975)
Troisième collaboration entre Bogdanovich et Cybill Shepherd qui a comme partenaire Burt Reynolds. Comédie musicale basée sur les chansons de Cole Porter avec des costumes qui semblent sortis d'un Lubitsch avec Maurice Chevalier, Enfin l'amour est mal aimé mais le film a bien vieilli. On chante pendant tout le film, on se chamaille pour un rien car tous les personnages sont superficiels, les portes claquent mais toujours au bon moment. Bogdanovich est devenu un orfèvre du genre. John Hillerman, alias Higgins dans la série Magnum, est le chauffeur de Burt Reynolds. La classe. Ma note : 8/10

Ben Gazzara et Audrey Hepburn dans Et tout le monde riait
Et tout le monde riait (They all laughed, 1981)
Pour son avant-dernier rôle au cinéma (elle ne reviendra que 8 ans plus tard dans le médiocre Always), Audrey Hepburn ne rejoue pas ses personnages espiègles de Diamants sur canapé ou Drôle de frimousse. Elle est une femme qui cherche à égarer le détective engagé pour la suivre mais qui va tomber amoureux d'elle. Le duo qu'elle forme avec Ben Gazzara ne fonctionne pas très bien. Comme il se doit dans le vaudeville, beaucoup de portes qui claquent et de quiproquos. Ma note : 4/10

Bruits de coulisses (Noises off, 1992)
Bogdanovich assume totalement le côté théâtral puisque Bruits de coulisses est le récit d'une répétition d'une pièce de théâtre de boulevard puis se première représentation. Michael Caine incarne le metteur en scène qui sort avec sa vedette. Pendant les répétitions tout se passe mal, pendant la première tout se passe pire. Le film est un peu mécanique dans sa description d'une catastrophe annoncée mais on rit souvent autant qu'on est épuisé par l'abondance de portes qui claquent. Ma note : 5,5/10

Jennifer Aniston dans Broadway therapy
Broadway therapy (She's funny that way, 2014)
Après 11 ans d'absence, Bogdanovich retourne au cinéma poussé par ses fans, Noah Baumbach et Wes Anderson. On a comparé son film à ceux de Woody Allen, sans doute parce que Owen Wilson y traine la même léthargie que dans Midnight in Paris et qu'on y consulte des psychiatres. Film sur un metteur en scène de théâtre qui va se mettre à dos toutes les femmes qu'il rencontre, dans une série de quiproquos, de mensonges et de cachotteries. Le rire n'est pas très fort comme si le film n'était pas en accord avec son époque et qu'il n'assumait pas son côté ringard. On retrouve Cybill Shepherd dans un minuscule rôle, elle a bien changé. Le film rend hommage à La Folle ingénue d'Ernst Lubitsch. Ma note : 6/10