samedi 31 décembre 2016

J'ai aussi regardé ces films en décembre (2)

Dans les derniers plans de Rogue One, Carrie Fisher « joue » Princesse Leia. Non pas comme dans Le Réveil de la force de J.J. Abrams où son personnage, comme l’actrice, a pris 30 ans. Disney et Gareth Edwards ressortent l’imagerie des tous premiers Star Wars et Leia apparaît ainsi comme il y a 40 ans, le mensonge des effets spéciaux. D’ailleurs dans ce film, Peter Cushing revient également à la vie, comme quoi, cette année prétendument funeste avec tous ces acteurs et chanteurs décédés ont une chance de revenir sur le devant de la scène grâce aux effets spéciaux de ILM.

Carrie Fisher est morte le 27 décembre. Sa carrière en dents de scie a été marquée au fer rouge par les trois épisodes de Star Wars, Leia princesse sexy prise dans les rets de l’inceste, de la maternité contrariée et de la révolution. J’avais vu Shampoo cette année où elle avait son premier rôle et en ce début de mois de décembre ont pouvait la voir en épouse navrée de Tom Hanks dans The ‘Burbs. Fine comédienne, elle jouait la meilleure amie et confidente de Sally dans Quand Harry rencontre Sally de Rob Reiner. Elle était revenue dans Le Réveil de la force, sous les stupides moqueries de certains détracteurs du film à cause de son physique.

Le scénario de Rogue One n’est guère différent de celui du film de J.J. Abrams. Trois personnages en quête de liberté, un soldat rebelle (Diego Luna au lieu de Oscar Isaac), une jeune femme au destin inéluctable (Felicity Jones au lieu de Daisy Ridley) et un renégat de l’Empire, ici un robot (voix de Alan Tudyk), c’était là un stormtrooper joué par John Boyega. Exactement comme il y a un an. Toujours une étoile de guerre à détruire et quelques vieilles connaissances dont Darth Vader dans une courte apparition insensée où les scénaristes ne savent pas quoi en faire (un coup de laser, un coup d'étranglement, un coup de menaces).

La différence entre Gareth Edwards et J.J. Abrams apparaît assez vite. Le recyclage du Réveil de la force laissait place à des personnages inédits que J.J. Abrams présentait avec une clarté et une simplicité digne d’Howard Hawks. Une simple tache rouge sur le casque blanc du stormtrooper permettait de lancer une piste inédite dans la saga Star Wars. Dans Rogue One, tout passe par des tunnels explicatifs, les 20 premières minutes sont brouillonnes, confuses et simplistes, tout ça pour un enjeu ridicule : trouver une clé usb où le papa de la jeune femme a tendu un piège aux chefs diaboliques de l’Empire.

Gareth Edwards filme tout à la caméra à l’épaule et cela contraste singulièrement avec les scènes de la seconde équipe des paysages créés en effets spéciaux où la caméra ample filme avec de souples mouvements d’appareil les univers (une planète marron filmée comme un Christopher Nolan et un paysage tropical jaune). La bataille finale, au ras du sol d’un côté et dans l’atmosphère d’un autre côté rappelle rudement celle des Gardiens de la galaxie, qui était l’anti Star Wars par excellence. Ceux qui s’étaient ennuyé devant Le Réveil de la force vont adorer Rogue One, ou inversement, comme moi.

La présence de Donnie Yen, et dans une moindre mesure celle de Jiang Wen, aurait pu me ravir. Las, Donnie Yen doit se contenter de jouer les singes savants, soit une variation conformiste de moine Shaolin aveugle qui ânonne son unique réplique en forme de mantra (encore un truc sur la Force pour faire raccord avec les Jedi). Puis dans les scènes de combat, il apparaît bridé dans le maniement de son bâton avec cette chorégraphie indigne de la carrière passée de l'acteur. Seulement voilà, il faut des stars de Chine pour avoir le marché là-bas.

Cette dernière semaine de l'année aura vu la disparition de Claude Gensac, sympathique actrice que l'on connaissait tous, enfin, ceux qui avaient regardé les films de Louis de Funès. Elle n'avait jouait que trois fois Josépha Cruchot dans les Gendarmes (sur les 6, mais elle est dans le meilleur, Le Gendarme en balade, sommet du nanar surréaliste). Dans Hibernatus, Louis de Funès prononçait son prénom « Edmée, Edmée, Edmée, Edmée » quand il se mettait à péter les plombs, et Claude Gensac écarquillait les yeux, penchait légèrement la tête et attendait que son partenaire se calme pour sortir avec un grand sourire une douce réplique, c'était son ressort d'actrice.

George Michael n'a jamais de cinéma, il aurait été aussi médiocre que dans la chanson. Faut être honnête, à part deux trois chansons de WHAM! et de son premier album Faith en 1987, il n'y a pas grand chose à sauver. Mais on peut retenir deux scènes où ses chansons sont utilisées. Dans Zoolander, les quatre mannequins crétins s'aspergent d'essence au son de Wake Me Up Before You Go Go, dans Les Lois de l'attraction Paul et Dick (Ian Somerhalder et Russell Sams) dansent sur le lit du deuxième en écoutant Faith. Bref, deux images de la bêtise crasse de la jeunesse américaine de l'année 2002.

Mon dernier film vu cette année 2016 a été Passengers. Morten Tyldum avait commis précédemment ce film peu passionnant sur Alan Turing. La première demi-heure de Passengers avec ce double hommage à Stanley Kubrick (2001 l'odyssée de l'espace et Shining – grâce au personnage de barman de Michael Sheen) est un peu divertissante. Mais dès que Jennifer Lawrence rejoint Chris Pratt, le film s'effondre, à l'image des avaries que subit le vaisseau interplanétaire. De ce voyage censé durer 120 ans (une année par minute à peu près) et qui va de panne en panne, on peut voir une mise en abyme, involontaire j'imagine, de l'ennui profond et de la narration chaotique de ce film.

vendredi 30 décembre 2016

The God of cookery (Stephen Chow & Lee Lik-chi, 1996)



Le Dieu de la Cuisine (Stephen Chow), en chemise et en short, affublé de lunettes de soleil va dîner dans un quartier populaire. Là, une femme (Karen Mok) lui sert sans précaution un plat de nouilles pas très ragoûtant. La femme est aussi laide que le plat. Des dents jaunes, un œil de travers, on imagine que Karen Mok, une des plus belles actrices du cinéma de Hong Kong, a dû prendre un grand plaisir à s'enlaidir. Mais le cinéma de Stephen Chow est suffisamment masochiste pour se permettre ce genre de facéties qui feront penser à certains qu'il est un grand misogyne. C'est qu'il joue un des personnages les plus sombres de sa filmographie.

Son plat de nouilles est dégueulasse et cela lui rappelle le bon temps où il était le Dieu de la Cuisine. Membre du « France Cuisine Club », il méprise ses employés et truque les concours de cuisine. Il humilie les chefs cuisiniers qui s'affrontent en concoctant de beaux plats mais aucun ne lui convient. Il est secondé dans sa position de monopole où il vend des plats tout préparés au moindre coût par Ng Man-tat, qui joue un opportuniste de première. Arrive alors un blanc-bec d'apparence naïve, un bon gros servile nommé Bull (Vincent Kok) qui va se faire engager par Stephen Chow. Il s'avère que Vincent Kok et Ng Man-tat ont comploté contre Stephen Chow pour prendre sa place.

Voilà pourquoi le Dieu de la Cuisine se retrouve à bouffer de sales nouilles. Il insulte Karen Mok et provoque la colère de tous les gens qui se trouvent dans le quartier et notamment celle de Lee Siu-kei, un cuisinier voisin. Il se dispute une recette de « crevettes qui pissent ». Après une belle bagarre provoquée par Stephen Chow au sujet d'un mélange entre ces crevettes qui pissent et des boules de bœufs, toute la bande décide de faire un restaurant commun. L'ouverture est difficile mais petit à petit le succès arrive. Stephen Chow y voit un bon moyen de restaurer le pouvoir qui lui a été volé par Ng Man-tat et Vincent Kok. Une guerre sans merci est lancée entre les concurrents.

The God of cookery est une formidable machine de mise en scène. Stephen Chow et Lee Lik-chi utilisent un système d'opposition de toutes sortes. Ng Mang-tat et Vincent Kok habitent en haut d'un immeuble chic, Stephen Chow et Karen Mok sont dans les bas quartiers. Les vêtements de la bande à Stephen Chow, ses habituelles trognes et autres crétins dégénérés, sont décontractés alors que les sbires de Vincent Kok sont en costume cravate. Dans la monastère, les moines dorés censés être pacifiques tabassent ce pauvre Stephen Chow venus se réfugier. La puissance s'oppose à la pauvreté. On pourrait aussi évoquer les couleurs, rouges, or et bleu qui peuplent de symboles le film.

The God of cookery l’un des films de Stephen Chow (et même du cinéma de Hong Kong) parmi les plus riches en gags. Gags visuels, verbaux ou de situation. Stephen Chow n'hésite pas à tomber parfois dans un mauvais goût qui réjouit plus qu'il n'effraie. Le morceau de bravoure du film se trouve dans la dernière demie heure. Un nouveau concours a lieu pour devenir le Dieu de la Cuisine. Nancy Sit y sera la maîtresse de cérémonie. Une maîtresse implacable mais hilarante. Le kung-fu se mêle aux recettes des plats que les cuisiniers doivent concocter. Tout est délivré sur le mode parodique. Tout cela fait que The God of cookery est la comédie la plus drôle de Stephen Chow. Mais aussi la plus noire.


























PS : le film n'a jamais été édité en DVD ou BluRay en France. Amis distributeurs, une résolution pour 2017...

jeudi 29 décembre 2016

Gremlins 2 La Nouvelle génération (Joe Dante, 1990)

Six ans plus tard, Billy (Zack Galligan) et Kate (Phoebe Cates) ont quitté leur petite ville de banlieue et sont en couple. Bizarrement, elle dit vouloir attendre pour se marier d'avoir plus d'argent. Ils vivent désormais à New York et bossent pour CCN dont le patron Daniel Clamp (John Glover), un golden boy inspiré de Donald Trump (y compris son nom), a imposé à ses employés de nouvelles règles. Tout d'abord une surveillance constante, prolongeant la thématique lancée par L'Aventure intérieure. Ainsi un pauvre employé se fait virer pour avoir fait une pause (on pense à Charlot dans Les Temps modernes qui fume une clope et se fait engueuler par son patron). Les inventions du père de Billy sont ici remplacées par la technologie défaillante dont est équipé le building.

Il est le pendant moderne et ultra libéral de Madame Deadle la mégère du premier Gremlins. Il veut construire à Chinatown un complexe ultra-moderne (paresse stéréotypée du scénario) en chassant le vieux marchand (Keye Luke) propriétaire du mogwai. C'est Billy qui dessine les plans de cette immense pagode qui va remplacer la modeste boutique du vieil homme. Dans Gremlins 2 La Nouvelle génération, Joe Dante ne s'embarrasse pas de raccords scénaristiques. Il fonce et fait venir le petit Gizmo dans le building où travaille Billy et Kate (elle fait visiter l'immeuble à des touristes). Gizmo se retrouve au dernier étage dans un laboratoire étrange où l'on pratique des recherches génétiques. Malin, il s'échappe, mais pas futé, il se fait mouiller. Et c'est reparti pour un tour.

Rarement Gizmo n'aura été aussi insipide, d'ailleurs il cède vite la place aux méchants gremlins et quand il apparaît, c'est avec des effets spéciaux d'une rare laideur. Les gremlins sont laids comme des gargouilles, vicieux, démoniaques mais leur chef est plus malin. Dans ce laboratoire secret dirigé par un savant forcément fou incarné par Christopher Lee et assisté par deux jumeaux (Don et Dan Stanton), les gremlins ingurgitent toute sorte de produits et l'un acquiert la parole, un autre se transforme en électricité, un troisième en arachnide géante ou encore un en vampire effrayant qui attaque ce pauvre Murray Futterman (Dick Miller) venu rendre visite à Billy. La chasse commence. Tout aura lieu dans le building de Clamp qui sera petit à petit détruit.

Dans cette année 1990 où le film sort, Joe Dante fait référence à quelques films récents, bien sûr la franchise Batman relancée un an plus tôt par Warner Bros grâce à Tim Burton, mais cet immeuble et les événements qui s'y déroulent rappellent aussi Piège de cristal. Gizmo revêt un bandeau à la Rambo 2 après avoir vu le film à la télé (encore un effet désastreux du petit écran) mais on pense plus à John MacLane. Gremlins 2 La Nouvelle génération aborde également le passage dans les médias américains à la tyrannie du direct et à l'immédiateté de l'info. Deux émissions télé sont présentés comme des produits épouvantables, celle des recettes de cuisine avec une Kathleen Kennedy totalement ivre ou le vieux présentateur déguisé en Dracula qu'est Robert Prosky.

Les gremlins s'amusent à parodier les films des années 1930, l'un d'eux grimpe sur une maquette de gratte-ciel tel King Kong, un autre porte un masque tel le Fantôme de l'opéra, ou celui-ci déguisé comme une vamp d'avant l'application du code Hayes (elle va d'ailleurs draguer un sbire du savant fou). Mais soudain, sans crier gare, les bestioles prennent le pouvoir sur le récit. La pellicule se met à brûler en direct et le film s'interrompt, Joe Dante brise le quatrième mur de son film, se rend dans une salle de cinéma où des spectateurs protestent de l'arrêt du film, mais les gremlins veulent voir, encore une fois, Blanche Neige et les sept nains, comme leurs ancêtres six ans plus tôt, même si cela ne leur a pas porté chance.

Brûler la pellicule au milieu d'un film n'est pas une nouveauté même si c'est rare, Ingmar Bergman le faisait dans Persona en 1966, Monte Hellman dans Macadam à deux voies en 1972. Plus de 25 ans après le film, voir un DVD de Gremlins 2 La Nouvelle génération évoquer ainsi la pellicule 35mm, la croyance dans le cinéma est fort réjouissant. Joe Dante en profite pourtant pour faire l'état des lieux du cinéma américain de la décennie écoulée, de ET à Batman, celle du cinéma pour ados boutonneux, de ses références cinéphiles, de ses rapports à la critique (l'interview du chroniqueur Leonard Maltin qui avait descendu dans son journal Gremlins) comme au public amateur de suites et remakes (cette salle qui veut toujours revoir le même film).