jeudi 30 juin 2016

J'ai aussi regardé ces films en juin (2)

Un traître idéal (Susanna White, 2016)
Je suis rentré dans la salle, les lumières étaient déjà éteintes. Mais il y avait encore une pub sur l'écran, j'imagine pour un parfum (j'essaie quand je le peux d'éviter les pubs au cinéma). Et en fait, non, c'était le film qui venait de commencer et le générique qui se lançait sur des images d'un opéra. Comme à chaque film d'espion nouvelle manière, l'affiche dit que c'est dans la lignée de La Taupe. Mais bien-sûr ! Le film enfile surtout les clichés et Ewan McGregor affublé d'une coiffure ridicule (faut qu'il ressemble à un prof d'université) a l'air de s'ennuyer. Il y a 5 ans, il tournait l'un des meilleurs polars récents, The Ghost writer de Roman Polanski. On en est très loin.

L'Idéal (Frédéric Beigbeder, 2016)
Déjà vu déjà oublié ce film sur un chasseur de mannequins russes. Le pamphlet sur la dictature de la mode et le consumérisme des produits de beauté est amusant mais reste aussi virulent qu'un article qui viendrait d'un magazine sur papier glacé. Il reste donc les acteurs. Gaspard Proust est pas mal en ringard face à Audrey Fleurot qui imite très bien Meryl Streep (période Le Diable s'habille en Prada), désormais l'unique modèle pour une patronne, tu parles d'une originalité. Jonathan Lambert joue un rôle à César, la directrice de la compagnie de cosmétique, une femme tyran bigger than life. C'est dans ces moments, comme dans la visite de la maison du parrain russe, que Frédéric Beigbeder est le meilleur. Le hénaurme lui va comme un gant. Tout s'écroule avec la dernière partie quand Gaspard Proust découvre sa paternité. Le film est épouvantablement gnian-gnian dans le sentimental.

Tout de suite maintenant (Pascal Bonitzer, 2016)
Rien n'est plus difficile que de filmer le travail. On appréciera les dédales de couloirs où Agathe Bonitzer, fraîchement embauchée dans une boite, on ne saura jamais vraiment ce qu'elle fait, tente de trouver son chemin et sa voie (symboles, priez pour nous). Les bureaux glaciaux où rien ne traîne. Les bruits de couloir avec les personnages de Lambert Wilson et Pascal Greggory sont bien moins passionnants, presque à côté de la plaque. Pascal Bonitzer aurait dû en faire des anciens amants au lieu d'en faire des rivaux qui se sont piqués la même femme (Isabelle Huppert qui avale du vin blanc dès potron-minet). Bonitzer ajoute du mystère en introduisant des mots inconnus, considérés comme une clé à un passé que la jeune femme tente de décrypter. Vincent Lacoste joue sérieusement un rôle sérieux. Et Bacri fait du jeu pléonastique. Film lénifiant.

Camping 3 (Fabien Onteniente, 2016)
Le comique de Camping 3 s'affaire à traiter de tout un panel de problèmes sociaux : en vrac, le célibat, le divorce, la maladie d'Alzheimer, la drogue, l'alcoolisme, la naturisme, le handicap, la jeunesse violente, la solitude, l'ultra consumérisme, la placement de produits, le chômage. Il va s'en dire qu'aucun de ces sujets n'est vraiment traité à fond. Ce qui me plaît dans Camping 3, ce sont les rapports entre Patrick Chirac (Franck Dubosc) et les trois jeunes qu'il accueille (Louka Melavia, Jules Ritmanic, Cyril Mendy). dans ces moments, l'humour, tout comme dans l'émotion, fonctionne. En revanche, tout le personnage d'Antoine Duléry est d'un comique honteux et stupide.

La Tortue rouge (Michael Dudok de Wit, 2016)

Le slogan de La Tortue rouge aurait pu être « sur une île, personne ne vous entend crier » tant le scénario de Pascale Ferran et Michael Dudok de Wit, qui signe ici son premier long-métrage, flirte très souvent avec l'horrifique pur. D'abord, cette mer déchaînée avec ses vagues immenses et grises où un pauvre homme est enfermé. Il échouera sur cette île dont il va tenter à plusieurs reprises de s'échapper. Patiemment, il coupe des bambous pour faire un radeau de fortune. L'embarcation, une fois sur l'eau, est démembrée, on imagine par la tortue du titre, et l'homme reprend inlassablement son travail. Il construit un radeau plus grand, plus grand, plus solide.

La tâche est longue et fastidieuse, les uniques vêtements de l'homme commencent à effilocher, signe qu'il est là depuis bien longtemps. Assez vite, viennent à l'esprit quelques films sur les naufragés solitaires. Seul au monde de Robert Zemeckis, évidemment, avec son personnage qui perd désespoir et qui grimpe au sommet de l'île. Et qui tombe dans un puits au rebord glissant. Certes, cela arrive en début de film, on sait qu'il va s'en sortir. La solitude le fait rêver (en gris) qu'il peut partir facilement. Le tour de force du film est de réussir à ne pas faire dire un seul mot à ses personnages, mais souvent au prix d'une musique superfétatoire et assourdissante.

La Tortue rouge se transforme en douceur, sans qu'on s'en rende du thriller au film fantastique, comme cela arrive souvent dans les films Ghibli. La Tortue rouge est produit par Isao Takahata et le père de Pompoko n'est sans doute pas pour rien dans l'arrivée de cette immense tortue sur la plage de cette île déserte. La transformation rappelle celle de Bird people de Pascale Ferran. Jusqu'à présent, l'homme naufragé n'avait comme amis qu'une petite escouade de crabes qui semblent vouloir être apprivoisés par lui. Une dizaine de crabes au début, puis il n'y en aura de moins en moins, le cycle de la nature est là, quand une mouette en fauche un.

Et la tortue devient une femme. Et la femme aime l'homme. Et la femme donne naissance à un enfant. Là aussi le cycle d'une vie. Jamais il ne sera vraiment indiqué à quelle époque le récit peut se dérouler. Là encore, aucun mot ne sera prononcé entre eux. L'image est toujours aussi épurée, composée de quelques couleurs, vert de la forêt, bleu de la mer, jaune du sable. Mais le film, en abandonnant le thriller et le fantastique, en devenant une fable sur la vie, l'amour et la mort, devient répétitif, parfois édifiant voire conformiste, et encore cette musique de plus en plus présente, de plus en plus forte.

mercredi 29 juin 2016

L'Effet aquatique (Solveig Anspach, 2015)

Une île, un couple et une piscine. En attendant de regarder le match de foot France-Islande dimanche soir, l'ultime film de la cinéaste Solveig Anspach est aussi un voyage entre la France et l'Islande. L'Effet aquatique débute à Montreuil, capitale des intermittents, où Samir (Samir Guesmi) remarque une brunette pimpante, elle jette un gars qui la draguait. Ça se passe dans un petit bar de quartier. Samir apprend qu'elle est maîtresse nageuse à la piscine Maurice Thorez. Il décide donc de prendre abonnement sur les bons conseils du caissier (Estéban, l'une des gueules des films d'Antonin Peretjatko). Il prétend ne pas savoir nager et demande des cours, mais la femme qui lui enseigne la nage est une autre, Corinne (Olivia Côte), une nymphomane dont il a du mal à se dépêtrer. Samir, malgré sa timidité, va donc tout faire pour se retrouver avec Agathe (Florence Loiret-Caille), la brunette en question qui reste aussi peu commode que dans le bar.

Les saynètes s’enchaînent sur un rythme très cool (trop parfois), avec des personnages cocasses et vaguement déconnectés du réel. La porte du vestiaire cassée oblige Samir à rester après la fermeture, Agathe nage après son travail, le directeur de la piscine (Philippe Rebbot) invite deux jeunes femmes, l'une d'elles manque de se noyer. Tout ça amène Agathe à participer au congrès des maîtres nageurs en Islande. Et Samir la suit par l'avion suivant. Héroïne de son avant-dernier film Queen of Montreuil, Anna (Didda Jonsdottir) accueille Agathe. Coiffée d'un bonnet, travaillant un jour sur deux comme adjointe au maire et le lendemain comme secrétaire, elle est secondée d'un grand échalas avec lequel elle échange ses boulots également un jour sur deux. Anna est l'organisatrice du congrès. Championne de l'organisation, toujours armée de son iPad, Anna règle tous les problèmes d'une façon bien différente du directeur de Montreuil.

Comme tous les films de Solveig Anspach que je suis depuis 1999 (Haut les cœurs!), la légèreté est de mise, l'humour est exotique puisque l'on est en Islande et l'histoire d'amour se terminera avec un happy end à la guimauve. Samir a connu Anna à Montreuil, cette fameuse histoire de grutier. Anna va aider notre gentil timide à conquérir à nouveau Agathe qui ne veut pas entendre parler. Au programme : un périple sur les routes d'Islande sans arbres et sinueuses, des réunions du congrès des maîtres nageurs où Samir se fait passer pour le représentant d'Israël (il a un plan de paix à proposer), une amnésie accidentelle et enfin par la visite à une femme chamane. Comme dans tous les films de Solveig Anspach, les femmes (ici Florence Loiret-Caille et Didda Jonsdottir, jadis Karin Viard ou Elodie Bouchez) son plus malines que les hommes. La petite musique doucereuse de la cinéaste, décédée en août 2015, se faisait entendre pour la dernière fois.

mardi 28 juin 2016

Une nuit à l'opéra (Sam Wood, 1935)

J'ai découvert les Marx Brothers avec Une nuit à l'opéra, il y a une quinzaine d'années. C'était dans une salle de cinéma et ce que j'ai découvert ce soir-là, c'est que la moustache de Groucho était fausse. Et sur grand écran, ça se voit encore plus. Quelle soit en cirage ou façonnée grâce à un bouchon carbonisé n'a guère d'importance, en revanche depuis ce temps, Une nuit à l'opéra est leur film que je préfère, malgré les atroces interruptions par des airs d'opérette. Zeppo a quitté ses frères et son personnage de jeune premier est joué par Alan Jones, chanteur d'opéra novice que Groucho veut signer.

Honneur aux dames. Margaret Drumont est de la partie, c'est avec elle que le film s'ouvre, grandiose dans son personnage de mondaine qui attend dans un restaurant, seule. Elle demande au garçon d'appeler Driftwood que joue Groucho. Il se trouve juste derrière elle, avec une femme bien plus jeune. Ils avaient certes rendez-vous mais Groucho est le champion de la goujaterie. Pour une fois, Groucho a un concurrent sérieux, son patron de l'opéra de New York, tout simplement, qui marche sur ses plate-bandes, mais avec des méthodes bien plus douces et civilisées. On se demande bien qui Margaret Drumont va préférer.

Groucho veut damer le pion à son patron et doit trouver un chanteur jeune et fringant. Ça tombe bien, Chico se présente comme l'impresario d'Alan Jones. Le duo absurde entre Chico et Groucho donne cette scène du contrat, bien trop long à lire à leur goût, et dont ils déchirent chaque article pour ne garder qu'un petit bout de papier. Tout comme dans Monnaie de singe, la première partie d'Une nuit à l'opéra se déroule dans un bateau qui mène les personnages d'Italie à New York. Groucho ne le sait pas encore, mais il ramène dans ses bagages Chico, Alan Jones et Harpo qui dort dans un tiroir de la grande malle.

La séquence de la cabine est la plus célèbre des Marx Brothers. Elle se compose en deux temps. Groucho commande à déjeuner. Chico renchérit en demandant « deux œufs durs » à chaque plat et Harpo, avec son klaxon, demande la même chose. Le menu prend des proportions énormes. Puis, c'est la scène où la cabine est envahie par toute une ribambelle de personnes. Les trois frères Marx et Alan Jones, deux femmes de ménage, le plombier, la manucure, l'assistant du plombier, une dame qui veut utiliser le téléphone, la femme de ménage et quatre garçons qui apportent les victuailles. 15 personnes qui dégringolent dans le couloir quand Margaret Dumont ouvre la porte de la cabine.

Chico, Harpo et Alan Jones sont clandestins. Pour passer la douane, pas de Maurice Chevalier cette fois. Harpo découvre en sa baladant trois savants barbus dont il va couper la protubérance capillaire. Ils vont usurper leur identité. Harpo est tout à la fois effrayant dans son projet et poétique, d'une des barbes s'échappe un papillon. Le Maire de New York demande aux trois savants, désormais les Marx, de donner un beau discours. Evidemment, Harpo qui reste muet ne peut parler, il fait patienter la foule et buvant toute un carafe d'eau ce qui fait glisser sa fausse barbe et alerter la police d'immigration.

Une fois à New York, le récit se focalise sur Alan Jones et ses démêlés avec le chanteur vedette de l'opéra, un insupportable snobinard, qui a des vues sur sa fiancée. Avant que les Marx Brothers ne viennent mettre à sac la représentation de l'opérette (Harpo qui grimpe sur les décors et les déchire), le quatuor tente d'échapper à la police qui les poursuit. Et là, dans une double chambre d'hôtel, les Marx font ce qu'ils savent faire de mieux, glisser d'une pièce à une autre, par la porte, la fenêtre et le balcon pour rendre fou l'inspecteur qui ne sait plus où il se trouve.



















lundi 27 juin 2016

Bud Spencer (1929 - 2017)

Entre 1967 et 1994, Bud Spencer, souvent avec son compatriote Terence Hill, a fait les beaux jours du cinéma très populaire. Il a débuté au cinéma sous son vrai nom, Carlo Pedersoli, dans les années 1950. On peut notamment le voir dans Un héros de notre temps de Mario Monicelli (1955) dans le rôle de Fernando, le fiancé jaloux de Marcella que tente de séduire Alberto Sordi. Ce film, longtemps inédit, est sorti en France l'été dernier. Puis il a pris, comme quelques autres Italiens, un nom à consonance américaine pour se lancer dans le cinéma d'action puis le western spaghetti, ou plutôt le western fayot. Costaud, le torse poilu, la barbe fournie, le cheveu hirsute, les personnages de Bud Spencer ne faisaient pas dans la finesse pour faire régner l'ordre. Ses gifles avec ses grosses paluches et ses coups de poing sur le tête étaient ses marques de fabrique. Il en usera et abusera, d'ailleurs les gens venaient voir les films pour ça. Dans son duo, Terence Hill jouait le joli cœur et Bud Spencer la brute épaisse qui râlait. Autre marque de fabrique, ses longs regards qu'il jetaient et qui annonçaient la bagarre. Dans ses films, comme les images ci-dessous le montrent, il aimait manger (souvent des fayots) à même le plat avec une grosse cuiller ou la louche. Il a rarement quitté ces films de bagarre aux titres français fleuris : Amigo, mon colt a deux mots à te dire, Les Anges mangent aussi des fayots, Inspecteur Bulldozer, On m'appelle Malabar, il a tourné dans quelques téléfilms et a montré une toute autre facette dans En chantant derrière les paravents d'Ermanno Olmi en 2003. 



On l'appelle Trinita (1970)



On continue à l'appeler Trinita (1971)



Maintenant on l'appelle Plata (1972)



Cul et chemise (1979)



Salut l'ami adieu le trésor (1981)

Monnaie de singe (Norman McLeod, 1931)

Unis comme les quatre doigts de la main, les Marx Brothers sont passagers clandestins dans un navire qui se rend aux Etats-Unis. Ils sont dans des tonneaux de hareng. Zeppo chante une ritournelle, Groucho se lave les dents, Harpo s'admire dans le couvercle du tonneau en se recoiffant avec une brosse et Chico se fait les ongles, comme si le quatuor venait de se réveiller dans une cabine classique du bateau. Pendant ce temps, le capitaine et des marins fouillent de fond en comble la cale pour trouver les clandestins qui soulèvent les couvercles pour s'enfuir à toute jambe sur le pont du navire.

Monnaie de singe n'a aucun scénario si ce n'est d'échapper au capitaine tant qu'ils sont sur le bateau. Ils courent dans tous les sens mais s'interrompent brusquement pour jouer du saxophone avant de reprendre la course poursuite. Au diable la moindre vraisemblance ! Les quatre frères se contente de perturber le voyage. Groucho et Chico pénètrent ainsi dans la cabine du capitaine et appelle la cuisine pour se faire servir deux repas, sous les moqueries qu'il professe au capitaine. Le rôle de Zeppo se cantonne à être le joli cœur. Harpo se cache dans un spectacle pour enfants où son visage se transforme en marionnette et bastonne le capitaine.

Harpo usurpe la place du coiffeur barbier et coupe la moustache d'un officier. Avec des ciseaux, il taille d'un côté puis taille de l'autre côté qui se retrouve plus court et revient au premier côté jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Quand il s'agit de quitter le bateau sans se faire arrêter par la police, les frères veulent se faire passer pour Maurice Chevalier. Ils ont trouvé leur passeport. Harpo met le bazar dans les papiers des douanes puis se met à chanter « You brought a new kind of love to me ». Harpo aurait-il donc une voix ? Non, car il a mis dans son dos un gramophone dont le disque est rayé. Ils quitteront ensuite le bateau en fanfare (d'une ambulance).

Enfin sur terre, les quatre frères sont embringués dans une histoire de gangsters et d'enlèvement. Groucho drague Lucille (Thelma Todd), une vamp épouse du gangster Briggs qui veut kidnapper Mary (Ruth Hall), la fille d'un de ses anciens associés. Groucho danse le chacha avec elle et imite le matou. Mary est devenue la petite amie de Zeppo. Il faut noter l'absence dans Monnaie de singe de Margaret Drumont. Le clou du film est lors d'une soirée mondaine évidemment perturbée par Chico qui se met au piano et Harpo qui joue de la harpe pour faire taire une cantatrice. Le finale a lieu dans une grange que les quatre frères mettent à sac.