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dimanche 19 janvier 2020

Meurtre à Hollywood (Blake Edwards, 1988)

Il a fière allure Tom Mix (Bruce Willis) sur son cheval traversant la prairie pour sauver une dame d'une attaque de diligence. Il n'hésite pas à sauter de son cheval pour grimper sur les chevaux tout en tirant sur les gangsters, une bonne demi-douzaine, qu'il abat les uns après les autres. « Coupez » lance le réalisateur de ce western de la fin du parlant quand se situe Meurtre à Hollywood. Un autre western de tourné. Dès la fin de la scène, il remet son costume blanc immaculé.

Le parlant avance à grands pas, même la Fox Chaplin veulent s'y mettre dit Alfie Alperin (Malcolm McDowell), producteur de ce film de Tom Mix. Il faut passer au parlant et changer le cinéma de sa vedette. Il faut passer du blanc au noir de Wyatt Earp. Voici le projet d'Alfie, un biopic sur Wyatt Earp. Tom Mix est vexé, il n'a jamais joué autre chose que son propre personnage, il ne voit pas pourquoi il devrait incarner quelqu'un d'autre.

Alperin a décidé d'engager Wyatt Earp (James Garner). Oui, il est encore vivant. Il sera conseiller western sur le film, il observe les bagarres, les coups de feu, les décors et costumes. Quand on lui demande si ça s'est vraiment passé comme ça, il répond régulièrement « Oui, à un ou deux mensonges près ». Il se rappelle du règlement de comptes à OK Corral dans un court flash-back que Blake Edwards filme comme un Sam Peckinpah à grand coup de ralenti.

La mise en abyme, le film dans le film, n'est pas ce qui va intéresser le plus Blake Edwards, il a déjà beaucoup dit de choses sur le monde du spectacle et ses simulacres dans Victor Victoria. Il choisit de faire bifurquer sa parodie de western vers le film noir avec Wyatt Earp qui se prend toujours un peu pour le marshall de Tombstone et Tom Mix se voit aussi comme un marshall, les deux hommes vont traverser Hollywood pour sauver tout un tas de jeunes femmes.

Un meurtre a eu lieu dans un bungalow derrière une boîte de nuit dirigée par Cheryl (Muriel Hemingway). Dans son costume nœud papillon, elle a un petit air de garçonne, de Marlene Dietrich dans Blonde Venus. L'enquête peut commencer avec ses chausse-trappes, ses embûches et ses mensonges. Tom Mix et Wyatt Earp, avec leur caractère opposé, vont devenir complémentaires, le premier impulsif, le second plus réservé.

Hollywood est un monde bien plus dangereux que le Far-West. La police de Hollywood tentent d'intimider Wyatt Earp. Le chef de la police du studio, Chef Dibner (M. Emmett Walsh) commence à appeler Earp par son prénom, il se verra rétorquer « pour vous, c'est M. Earp, ou Marshall ». La tension augmente avec le Capitaine Blackworth (Richard Bradford) qui voit d'un mauvais œil que les deux cow-boys marchent sur ses plates-bandes.

Le prédateur le plus dangereux s'avère être Alperin. Quand il arrive dans le film, on ne peut voir en lui qu'un type sympathique. C'est un ancien clown dont le surnom est Happy Hobo (le vagabond joyeux). Mais petit à petit son portrait se fait plus sombre. Il se démarque par son sadisme. Il frappe non seulement son chauffeur Arthur qui n'a pas réussi à empêcher Wyatt Earp de voir la femme d'Alperin, Christina (Patricia Hodge).

On constate qu'il frappe les femmes, son épouse qu'il a fait chuter dans l'escalier, sa sœur Victoria (Jennifer Edwards), blonde platine mariée à un patibulaire Dutch Kieffer (Joe Dallesandro), un malfrat du coin. Son passé est obscur, sa progéniture complexe. Ainsi il laisse son fils Maichael (Dermot Mulroney), qu'il déteste, un alcoolique notoire – en pleine période de prohibition – être accusé du meurtre du bungalow.


Les secrets sont une chose mais Blake Edwards décrit tout un monde de corruption, d'hypocrisie, de jalousies maladives. Certes, la comédie est là grâce au bagout de Bruce Willis qui traverse le film avec un candeur, mais la noirceur cerne ce monde. On imagine avec évidence que le portrait de Hollywood de 1929 n'est pas si éloigné du Hollywood dans lequel Blake Edwards travaillait 40 ans. « A deux ou trois mensonges près ».



























vendredi 3 janvier 2020

Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

« C'était quoi ça ? » demande le patron du cabaret, « Si bémol » répond admiratif Toddy (Robert Preston). Belle idée de Blake Edwards de définir Victoria (Julie Andrews) par sa voix étincelante, si pure qu'elle brise les verres de Champagne. La pauvre Victoria n'a pas un sou en poche, elle enchaîne les auditions dans ce Paris de l'hiver 1934. Sa voix n'est plus à la mode, comme on le comprendra plus tard avec une autre chanteur blonde platine, exemple ô combien vulgaire de la vamp américaine sans filet de voix mais qui aguiche le spectateur mâle.

Toddy est un vieux routard du divertissement, il sait reconnaître le talent où il se trouve, dans la voix de Victoria. Elle est partie précipitamment du cabaret non sans avoir fait chuter un acrobate qui s'était perché sur une canne enfoncée dans une coupe de Champagne (pouf, le verre explose). Toddy suit donc la dame désargentée et la retrouve dans un restaurant où elle sera servie par un employé récalcitrant (Graham Stark, l'impassible adjoint de Clouseau dans La Panthère rose). Elle commande beaucoup, se goinfre et Toddy finit par se joindre à elle.

Cette scène de restaurant est l'une des plus drôles. Victoria et Toddy jouent les grands de ce monde, font semblant de s'y connaître en plats français. C'est surtout l'air navré du serveur qui fait beaucoup pour la scène (on le retrouvera plus tard dans le film, futur employé du cabaret de Toddy) et cette histoire de cafard dans la salade. L'insecte a l'outrecuidance de s'enfuir de la salade pour se retrouver sur la jambe d'une grosse bonne femme. J'adore la tronche de cette femme quand Victoria commence à taper le scandale avant que le chaos (filmé de la rue) ne s'empare du restaurant.

Cette séquence est le fondement d'une grande amitié entre Toddy et Victoria. Il connaît sa voix, il sait qu'elle sait chanter mais il faut la modeler, la transformer, la rendre plus sexy, plus à la mode. Alors, il commence par lui demander de changer de voix pour devenir Victor. Cette voix qui fait des si bémol doit devenir celle d'un garçon, très androgyne, il deviendra Victor Comte Grazinsky, un jeune homme que personne ne connaît sur la place de Paris, pas plus que personne de connaît l'artiste lyrique qu'est Victoria. Le spectacle peut commencer.

Je parlais plus haut de cette blonde platine vulgaire. Elle s'appelle Norma Cassady (Lesley Ann Warren), fleuron de superficialité qui arrive fièrement dans le cabaret de André Cassell (John Rhys-Davies) au bras de son fiancé King Marchand (James Garner), lui même suivi par Squash (Alex Karras) son garde du corps. Ils viennent à la première du spectacle de Victor. Et King apprécie le numéro du comte Grazinsky qui interprète « Jazz Hot », superbe numéro rutilant dans la ligne droite des comédies musicales des années 1950, l'âge d'or selon moi.

King savoure le visage de cette femme habillée dans une robe noire étincelante de diamants. Norma observe le visage de son fiancé et constate qu'il est bouche bée, comme un loup de Tex Avery devant une vamp. Evidemment, ça commence à déplaire à cette pauvre Norma qui se voit déjà mise au placard pour être remplacer par Victoria. Le show fini, King applaudit à tout rompre. Le comte lève alors sa main, retire sa perruque et tout le monde que c'est un homme. Norma triomphe de voir King en pleine déconfiture. C'est elle désormais qui applaudit à tout rompre.

Dans de nombreuses situations créées par Blake Edwards, c'est l'alcool qui change le comportement des personnages. Dans Victor Victoria, c'est le passage d'un genre à un autre, illustré par le changement de voix puis la transformation physique de Victoria en Victor. Aucun personnage ne sera donc épargné. Norma a beau fanfaronner devant King, ce dernier n'en revient toujours pas que ce Comte soit un homme. Il lui faudra aller vérifier par lui-même, mais pour cela il devra d'abord se débarrasser de Norma (elle finira elle aussi en chanteuse de cabaret).

La grande scène de chambre peut alors démarrer avec ses quiproquos ad libidum et ses portes qui se referment sur ceux qui s'étaient cachés. Blake Edwards est le champion de ces scènes très chorégraphiées et minutieuses qui se déroulent dans Victor Victoria dans un hôtel luxueux et sous la neige. Elle implique Victoria, Toddy, Squash et King, ces deux derniers vont passer de longues minutes sur le balcon en train de se geler sous la neige pour surveiller de plus près Victor et Victoria qui ne se doute pas qu'ils sont là à tenter de découvrir la vérité.


Ces transformations passent aussi par une révélation cocasse, celle de Squash, le garde du corps à moustache jusque là toujours derrière son patron révèle qu'il aime les hommes (il devient l'amant de Toddy). L'ultime transformation est celle de King Marchand qui accepte de passer pour l'amant de Victor afin de laisser se prolonger le spectacle. Elle sera suivie par le sacrifice du show sur un air espagnol par Toddy qui joue les travestis pour que Victoria retrouve sa voix initiale maintenant qu'elle a trouvé l'amour.