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jeudi 31 décembre 2015

Larmes de joie (Mario Monicelli, 1960)

Le dernier film que j'ai vu au cinéma cette année est Larmes de joie, et comme par hasard, il se déroule pendant le réveillon du jour de l'an avec trois personnages pas piqués des hannetons. Forcément puisqu'ils sont interprétés par Anna Magnani, Toto et Ben Gazzara. Le film suit une construction chronologique qui part des bas-fonds pour arriver dans les quartiers chics de la Rome de 1960. En l'occurrence, Anna Magnani est une figurante à Cinecitta. Elle joue dans un péplum sur les premiers chrétiens et doit crier « Miracle ! Miracle ! ». Dès que le plan est fini, la cohue des figurants se précipite pour prendre le métro et préparer le réveillon.

Gioia est le prénom du personnage de la Magnani (le titre original prend alors un double sens, puisque ces rires ou larmes sont de joie et à elle), mais elle se fait surnommer la Tourterelle. Elle se voit proposer un jour de l'an avec des amis, mais uniquement pour éviter d'être 13 à table. Quand l'un se décommande, cette bande d'amis pose un lapin à Gioia qui décide d'appeler Umberto (Toto) à la rescousse. Toto est lui aussi un acteur sans le sou qui doit trois mois de loyers à sa logeuse. Il accepte l'invitation de la Tourterelle mais aussi celle de Lello (Ben Gazzara), moins honnête car Lello est un voleur qui va détrousser les fêtards.

A partir du moment où nos trois personnages se rencontrent dans une fête populaire, Mario Monicelli accélère le rythme de son film pour ne jamais s'arrêter. Tout d'abord, il prend le parti de laisser la naïve Gioia dans l'ignorance la plus totale du plan de Lello et Umberto. Elle croit, fagotée dans sa robe clinquante et coiffée d'une perruque blonde, pouvoir séduire Lello car elle se croit irrésistible. Il faut dire que Ben Gazzara dans ce rôle de jeune premier ténébreux est convaincant. Il incarne l'Italien dans toute sa splendeur. Umberto, dans son costume en queue de pie trop grand pour lui, n'ose rien avouer à la Tourterelle.

Chaque essai de vol (portefeuilles, bijoux, étuis à cigarettes) se solde par un échec, ce qui met en rage Lello. Umberto est d'une maladresse incroyable et il n'est pas aidé par Gioia qui commet gaffe sur gaffe. Bientôt, la cible sera un Américain quinqua, soûl comme un cochon qui traverse lui aussi la ville en voiture. Comme dans La Dolce vita, auquel Mario Monicelli fait référence avec ironie, il veut se baigner dans la fontaine Trevi. Mais Lello et Umberto se voit concurrencer par un autre duo qui en veut également à l'argent de l'Américain, sauf que dans ce duo, la femme ne fait pas dans le vol de portefeuille.

Chaque fois, la petite troupe part dans un nouveau lieu, ou plutôt Lello tente de semer la Tourterelle. Le trio, ensemble ou séparé, traverse Rome en poussant la chansonnette, en passant dans un restaurant chinois (où Gioia retrouve ses amis qui ne sont que 12), en prenant le dernier métro, en évitant la pluie d'objets (« à la Saint-Sylvestre, les vieilleries on défenestre ») pour finir au petit matin, après une nuit délirante, dans son scénario et dans sa mise en scène, chez des gens de la haute, chez qui ils ne vont pas se sentir à l'aise. Le retour à la réalité n'en sera que plus difficile.














lundi 28 décembre 2015

Casanova '70 (Mario Monicelli, 1965)

Dans Casanova '70, Mario Monicelli imagine ce qui arriverait si la figure du célèbre séducteur de femmes en venait à ne plus pouvoir jouir, à être impuissant. Et c'est bien entendu le séducteur numéro du cinéma italien de l'époque que le cinéaste convoque pour incarner son Casanova. Marcello Mastroianni sera donc cet Andrea de l'Italie de 1965, métaphore du séducteur (le film ne sera pas une adaptation de la vie de Casanova contrairement aux versions géniales de Luigi Comencini en 1969 ou de Federico Fellini en 1976), il ne sera pas non plus ces versions modernisées des grands romans (Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim en 1960). Le film en forme de sketches n'est pas la plus grande réussite de Monicelli, mais certaines parties veulent le coup d’œil.

Marcello Mastroinanni est un homme dépassé par sa libido. Andrea est un officier de l'OTAN qui va de caserne en caserne, de ville en ville et de pays en pays pour contrôler la bonne marche des armées. Et le proverbe, une femme dans chaque port, s'applique à la vie d'Andrea. Mais il est épuisé par son travail, ce qui se ressent dans son lit. Conséquence de aventures nombreuses, il lui faut mettre en scène ses ébats pour pouvoir en profiter (il feint de cambrioler l'appartement de sa belle). Ce qui l'excite et lui provoque une érection, c'est se mettre en danger. C'est ce qu'il raconte à son psy, un médecin pop à la sauce hippie version hindouisme, petite moquerie sur la mode dans l'air du temps. Un médecin (Bernard Blier) lui avait d'abord dit qu'il est impuissant, ce que Andrea, tout comme ses maîtresses ne pouvaient croire.

Le film est ainsi la narration de ces histoires où Andrea ne veut séduire que les femmes où les risques que le mari les surprenne soient importants, qu'ils soient vus en public, que la femme soit dangereuse. Ainsi Andrea fait l'amour avec une Sicilienne (sa famille est rigoureuse), avec une femme qui porte la poisse, une femme issue d'une famille de bigots ou encore une épouse mariée à un homme très jaloux. La durée de sketches varie et les qualités d'humour ne sont pas égales. Chaque fois, Monicelli teste un ton et un registre différent. Mastroianni avec son petit air d'enfant sage est épatant, ses diverses partenaires ne sont pas toutes à sa hauteur. Le film est truffé de miroirs et de reflets pour bien montrer le niveau de narcissisme d'Andrea. Tout ce beau monde se retrouve à la fin pour faire le procès symbolique de ce macho des temps modernes.










samedi 28 novembre 2015

Les Infidèles (Mario Monicelli et Steno, 1953)

Ce petit film de Mario Monicelli et Steno (le dernier qu'ils firent en duo) illustre la théorie des dominos : quand un élément tombe, il entraîne les autres dans sa chute. Tout commence quand un bon gros bourgeois va voir une agence de détectives privés pour faire suivre sa femme qu'il soupçonne d'infidélité. L'agence est un peu minable et son limier est Osvaldo (Pierre Cressoy), pauvre ragazzo qui se croit irrésistible. Rien n'y fait, Osvaldo constate que l'épouse est fidèle. Il la suit dans toutes ses activités de femme bourgeoise et oisive, mondanités, coiffeur et spectacles.

En fait, c'est le mari qui est infidèle. Il s'est entichée d'une petite grue (Marina Vlady, 15 ans à l'époque filmée comme une nymphe) qui, avec l'aide de sa maman, manipule son amant pour collecter son argent. Mais Osvaldo va tenter de séduire Luisa (Irene Papas) grâce à une amie commune, Liliana (May Britt), ancienne fiancée d'Osvaldo qui s'est extraite de sa condition en épousant un homme d'affaires anglais. Osvaldo va se rendre compte de deux choses : premièrement, dans ce milieu, toute le monde trompe tout le monde, deuxièmement, il veut lui aussi faire partie de ce club des riches.

Dès lors toutes les règles de la bienséance sont brisées et tous les moyens sont bons. Osvaldo choisit le chantage et sa victime est la superbe Lulla (Gina Lollobrigida) qui trompe son époux avec de jeunes gens. Elle va voler de l'argent dans les manteaux de fourrure de ses amies. Lulla est une fausse victime en vérité puisque c'est la petite bonne Cesarina (Anna Maria Ferrero) qui va être accusée d'avoir voler chez Liliana. Le groupe de bourgeois bien pensants se serre les coudes et s'acharne sur elle. Le scénario, qui commence comme une comédie et se termine en tragédie, est rondement mené bien qu'un peu désuet.










mardi 27 octobre 2015

Brancaleone s'en va-t'aux croisades (Mario Monicelli, 1970)

 
Encore plus borné, plus bigot et plus calamiteux que dans L'Armée Brancaleone, le chevalier Brancaleone de Norcie veut aller à Jérusalem sauver la Chrétienté dans Brancaleone s'en va-t'aux croisades. On admirera le titre français, pour une fois plus amusant et plus direct que le titre italien. Il affirme bien l'idée du caprice strictement puéril du personnage principal qu'incarne un deuxième fois Vittorio Gassman. Bigot, borné et calamiteux, il l'est tout autant que cette équipe de pèlerins qui embarque, croix à la main et foi débordante, sur un navire. Ils croient accoster en Palestine après avoir traversé la Méditerranée, ils n'avaient pourtant que ramé quelques minutes. Ils ont en fait traversé un lac et un gardien de chèvres, éberlué, les prend pour des fous. Bigot, borné et calamiteux, il l'est tout autant que cet évêque qui l'accuse d'hérésie, lui et les autres pèlerins qui vont se retrouver occis au sabre par l'armée du prélat.

L'armée constituée dans le premier film n'est plus la même, Brancaleone retrouve sur les lieux du massacre, auquel il a échappé, quatre nouveaux compagnons. Un lettré, un aveugle, un estropié et un paysan. Le groupe s'étoffera au fil du récit. Un soldat teuton qui avait pour mission de tuer le bébé d'un roi chrétien est le premier à se joindre au groupe. Suivront un damné qui se punit pour un péché mortel que l'on ne connaîtra jamais, une sorcière aux cheveux courts qui est près d'être brûlée par les notables d'une ville du coin, un nain habillé de rouge qui accuse la sorcière de lui avoir jeté un sort et enfin, un lépreux couvert d'un linceul. Et le bébé, symbole d'une nouvelle ère au milieu de tous ces morts, est aussi du voyage. Les membres de cette armée passent leur temps à se chamailler et à faire preuve devant chaque obstacles de lâcheté. Ce sera à qui sera le premier à s'enfuir en premier et à trahir l'autre pour sauver sa peau. Les personnages sont pathétiquement comiques et attachants, même si leur foi est largement compatible avec la bêtise et l'ignorance.

Les deux Brancaleone se ressemblent beaucoup, toujours dans une forme en épisode, qui cette fois sont clairement titrés et chapitrés. Le chevalier et son armée rencontrent de nombreux personnages, à commencer par la Mort qui vient l'affronter avec sa faux, la sorcière discute avec les cadavres d'un arbre des pendus. Le film pointe une période troublée, plus noire, plus macabre même si Brancaleone affirme qu'on n'est plus en l'an mil, qu'on est en période moderne. Cette ironie, Mario Monicelli la prolonge avec cet affrontement entre deux Papes, Grégoire et Clément, ce dernier ayant déposé l'autre, chacun se traitant d'antipape qu'un ermite, perché sur une colonne tel le Simon du Désert de Bunuel, doit départager. Paradoxalement, le film est très coloré, les tuniques sont aussi bariolées que les personnages sont hauts en couleurs. Les aventures se poursuivent en Terre Sainte où un roi de pacotille se bat, par procuration, contre le prince musulman. En deux heures, le cinéaste déploie sa critique de la bigoterie. Pas grand chose n'a changé en mille ans.