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mercredi 24 juillet 2019

Soldier of Orange (Paul Verhoeven, 1977)

Rutger Hauer est mort aujourd'hui. 50 ans de cinéma, des chefs d’œuvre, des bons films, quelques mauvais films, plusieurs nanars. Mais ce qui reste le plus beau dans le cinéma de Rutger Hauer ce sont ses films faits avec Paul Verhoeven. J'ai déjà écrit il y a quelques années sur Turkish delight et Spetters. Je n'avais pas revu Soldier of Orange, meilleur film hollandais du cinéaste et en conséquence de cause de Rutger Hauer.

L'acteur est de toutes les scènes, de presque chaque plan, pendant ces 2h27 de l'Histoire de les Pays-Bas sous la guerre. Moi qui ai une nette préférence pour les films courts, j'admire le rythme effréné de Soldier of Orange, son lyrisme, sa fougue. Etre de chaque scène, cela demande du génie à la fois pour la mise en scène : comment rester sur une seule trace narrative avec un personnage omniprésent et donc adopter son point de vue.

Mais cela demande aussi du génie pour l'interprétation. On sait pertinemment que Rutger Hauer qui incarne cet étudiant Erik Lanshof n'a pas l'âge pour être étudiant, mais l'art est de pouvoir le faire croire sans qu'on se pose de question superflu. C'est d'abord que le récit est lancé par un court prologue sous forme d'images d'actualités situées en 1945, Rutger Hauer, en lieutenant, accompagne la Reine Wilhelmina à son retour de Grande Bretagne.

Puis un carton annonce un flash-back sur quelques étudiants en plein bizutage. Leiden, 1938. Ce qui veut dire à une trentaine de kilomètres de la capitale. De ces étudiants dans l'obscurité, un visage sort de l'ombre et vient à la lumière, les cheveux rasés, des lunettes rondes, un visage étonné et inconscient de ce qu'il va vivre pendant ses sept prochaines années. Voici Erik qui émerge de la masse de tous ces étudiants.

Il ne s'agit pas pour Paul Verhoeven de tenir un récit avec un unique protagoniste pendant sept ans. Il prend le chemin inverse, il extrait autour d'Erik un petit groupe d'étudiants. Chacun aura sa propre caractéristique. Chez Jacques (Dolf De Vries), le plus fortuné de tous, celui qui l'éloignera volontairement du récit commun, une photo est prise. Paul Verhoeven filme sa conception puis en fin de film, Erik et Jacques constateront qu'ils sont les derniers survivants.

Le spectateur ne sait pas encore que tous ceux qui sont dans cette pièce, tous ces étudiants immatures, tous ces amis frivoles vont mourir les uns après les autres. On peut s'en douter avec ce prologue en noir et blanc, on peut imaginer que cette photographie est elle aussi déjà du passé à peine prise. Elle fonctionne comme telle, comme une mémoire d'outre-tombe et lance très vite ces jeunes hommes vers la guerre, vers des aventures rocambolesques qui paraissent toutes cohérentes (génie de Verhoeven !).

La facilité avec laquelle Paul Verhoeven dépeint en quelques plans chacun de ses personnages force le respect. On sait déjà ce que va devenir Erik. On n'imaginait pas avec ce début lors du bizutage que celui qui lui fracasse le crâne, Guus Le Jeune (Joeoen Krabbé) deviendra son meilleur ami, son indispensable compagnon de fortune et d'infortune, mais aussi son rival, quand chacun se retrouve en Angleterre et qu'ils tombent amoureux de Susan (Susan Penhaligon), leur instructrice.

Les destins sont variables, Jan (Huib Rooymans) le boxeur est arrêté par la Gestapo et torturé. Nico (Lex Van Delden) participe immédiatement à la résistance. La résistance tient une grande part dans le film avec deux amis d'Erik, Robby (Eddy Habbema) et sa fiancée Esther (Belinda Meuldijk), menacée de devoir porter l'étoile jaune. Elle est follement amoureuse d'Erik ce qui n'est guère réciproque.

Dernier ami, Alex (Derek De Lint) s'engage dans l'armée nazie. Sa mère est allemande et son destin bascule avec l'occupation, de victime potentielle, il devient collabo. Sans doute, l'histoire d'Alex est la plus troublée dans sa recherche constante d'identité. Sa dernière rencontre avec Erik dans un espèce de palais où tous les plaisirs sont permis est bouleversante et troublante avec ce tango déchaîné que les deux amis dansent devant les hauts gradés nazis et leur larbins.

Je disais plus haut que Rutger Hauer était de toutes les scènes. Mais ce n'est pas tout à fait exact. Avec un sens aiguë de la dramaturgie, Paul Verhoeven fait mourir chacun des amis d'Erik. Dans ces séquences, ils sont seuls sans Erik, ils prennent le premier plan comme si un éloge funèbre leur était célébré. C'est une émotion violente qui s'empare du récit, concluant un chapitre de la vie d'Erik et avançant vers le suivant.


C'est un film de guerre, un récit palpitant et Rutger Hauer est un acteur physique. Il sait tout faire dans Soldier of Orange. Paul Verhoeven lui offre aussi quelques moments de pure comédie (ce qui n'était pas vraiment le cas des deux films faits ensemble précédemment), surtout dans la partie en Angleterre avec son ami Guus et Susan. Après Spetters, ils iront tous les deux à Hollywood et feront La Chair et le sang, que je n'ai pas revu depuis des siècles.































samedi 13 avril 2019

Hollow man (Paul Verhoeven, 2000)

Dans le cinéma de Paul Verhoeven c'est pas compliqué, il y a deux sortes de films, ceux qui vieillissent bien et ceux qui deviennent irregardables. Hollow man fait partie de la deuxième catégorie. Je ne suis pas certain d'avoir jamais revu le film depuis sa sortie, mince ça fait presque déjà 20 ans, ultime film hollywoodien du cinéaste hollandais, mais ce qui m'horripile dès les premières secondes c'est le jeu de Kevin Bacon. Un jeu forcé où l'acteur ne fait preuve d'aucune subtilité. Il faut dire que son personnage est un « excentrique » comme il le reconnaît dans une de ses répliques.

Il gagne bien sa vie ce Sebastian Caine. Soit un scientifique qui ne se déplace qu'en voiture de sport de luxe et avec musique à fond quand il s'engouffre à toute vitesse dans le lieu top secret. Ça servira pour plus tard dans le scénario quand Sebastian deviendra invisible et que les gardiens, des types pas très futés puisqu'ils ne sont que gardiens, reconnaîtront le savant grâce au hard rock qu'il écoute dans sa caisse. Le lieu des recherches se trouve dans un complexe de hangars et leur laboratoire est accessible par ascenseur, il faut descendre au sous-sol comme s'ils se rendaient en enfer. Attention, ceci est une métaphore.

Comme dans tout film de science fiction qui se respecte, les savants sont un peu mégalos et Sebastian ne déroge pas à la règle. Lui se voit comme un génie, la preuve qu'il en est un, il bosse sur l'assemblage de molécules sur son ordinateur. En 20 ans, la technologie a terriblement vieilli, cela aussi c'est l'apanage des films de SF, au moment du tournage ça fait moderne et des années après, ça fait toc et carton-pâte. Par chance pour le récit, il découvre en début de film le bon assemblage pour devenir invisible et il va s'en vanter auprès de ses collègues bien moins intelligents que lui. Hop, il se rend dans son labo sous-terrain au volant de sa voiture vrombissante.

Ils ne sont pas jaloux de lui, un peu quand même, ils ont surtout assez de son arrogance. Or Sebastian bosse avec son ex Linda (Elisabeth Shue). Quelle idée. D'autant qu'elle sort avec Matt (Josh Brolin) qui travaille aussi au labo. Le tout reste secret, comme une liaison à cause de la jalousie de Sebastian. Le film joue une grande part de son récit sur ce secret avec comme point de vue la voyeurisme, maladie obsessionnelle de Sebastian. Comme dans un film de Brian De Palma, il observe par les fenêtres ses voisins et une fois invisible, il va rentrer dans les appartements, tel un stalker. C'est ainsi qu'il découvre l'aventure entre Linda et Matt.

L'obsession sexuelle, le harcèlement et toute la grossièreté qui s'ensuit est la grand dada du cinéma de Paul Verhoeven mais c'est livré dans Hollow man avec une envie de revenir au temps de la science-fiction paranoïaque des années 1950 (on pense à Tarantula de Jack Arnold en regardant ce laboratoire peuplé d'animaux en cage), la peur rouge aurait été remplacée par la peur du sexe. C'était déjà avec cette idée que David Cronenberg avait tourné La Mouche, le sexe comme monstre invisible à Hollywood, Paul Verhoeven en note le caractère invisible dans Hollow man, son impossibilité de le mettre en scène.


Dans sa dernière partie, Hollow man fait penser à Alien, moins le film dans son ensemble qu'à la manière dont le bête extra-terrestre se met à attaquer les membres du vaisseau spatial. Le laboratoire est bloqué, personne ne peut plus en sortir, il devient une capsule exclue du reste du monde. Sebastian totalement invisible part à la chasse, il est devenu fou et décide d'éliminer. Dans cette façon de ne jamais savoir où il est est, d'où il peut surgir, le film prend un petit regain d'intérêt, et ça tombe bien, dans ces scènes d'action / suspense, on ne voit presque plus Kevin Bacon.