lundi 8 août 2016

Batman returns (Tim Burton, 1992)

Au revoir Vicky Vale, évoquée à deux reprises dans Batman returns (on ne savait jamais, son personnage aurait pu revenir dans une suite), au revoir son collègue journaliste, adieu Joker, au revoir le procureur. De Batman, Tim Burton ne garde que le commissaire Gordon (Pat Hingle) et Alfred (Michael Gough), le dévoué majordome de Bruce Wayne (Michael Keaton), qui prend la première place au générique mais ne débarque dans Batman returns qu'au bout d'un bon quart d'heure. Comme il se passionnait pour le Joker, Tim Burton se focalise sur les figures sombres, les personnages de méchants : Pingouin, Catwoman et Max Shreck.

Premier à entrer en piste, Pingouin (Danny DeVito) a droit à la séquence d'ouverture, géniale évocation de sa naissance sous les hurlements de sa mère, les airs dégoûtés de la sage femme et du médecin. Le nourrisson est enfermé dans une cage, trop immonde pour être vus de ses parents joués par le duo de Pee-Wee Big adventure, Paul Reubens et Diane Salinger, aristocrates de Gotham City qui entre deux Martini décident de se débarrasser de leur rejeton. Dans son couffin, ils iront l'abandonner, tel un enfant Moïse, dans le zoo nordique le soir de Noël. Le film retrouvera Pingouin 33 ans plus tard, évocation christique cette fois.

Le personnage du Pingouin est le prolongement de celui d'Edward aux mains d'argent, les ciseaux sont remplacé par une déformation des doigts. Mais chacun d'eux a vécu hors de la civilisation, Edward dans son antre et Pingouin dans un cirque composé de malfrats. Il était l'un des monstres de foire du cirque, version Freaks de Tod Browning. Edward a eu la chance d'être pris en main par une femme vertueuse, il n'en est pas de même du Pingouin. Sa sortie des bas-fonds des égouts, où il a élu domicile, se fera grâce à Max Shreck (Christopher Walken), prenant le nom de l'acteur de Nosferatu de Murnau. Et Shreck veut dire effroi en allemand.

Max Shreck, chef d'entreprises véreux et corrupteur des politiciens de Gotham City, veut léguer à son grand couillon de fils une usine électrique. « On n'a jamais assez de pouvoir », répond-il à ceux qui doutent de ses bonnes intentions et qui remettent en question l'utilité de l'usine. Shreck, avec ses cheveux blancs, est un vampire et son usine va absorber plus d'énergie qu'elle n'en créera. C'est ce que lui fait remarquer Selina Kyle (Michelle Pfeiffer), son assistante qu'il traite comme une bonniche, l'obligeant à servir le café lors d'une réunion. Elle en sait trop sur les sombres desseins de son patron, Shreck défenestrera Selina Kyle qui s'écrasera par terre.

La transformation de Selina Kyle en Catwoman est l'un de mes moments préférés de Batman returns. La musique de Danny Elfman toute en boucle de violons aigus enveloppe la venue de dizaines de chats miaulant sur le corps refroidi de Selina. Elle rentre en minaudant dans son appartement, une sorte de maison de poupée (Hello there) puis détruit toutes ces teintes pastels, casse ses peluches, jette ses vêtements roses pour se confectionner, avec ferveur, un costume tout en skaï noir et coutures apparentes (toujours cette passion de Frankenstein), véritable tenue SM à laquelle Catwoman ajoutera un fouet. La nouvelle identité monstrueuse de Selina a pris forme, Hell here lit-on sur les néons de l'appartement.

Ces trois hommes animaux et ce vampire sont tous des personnages à double personnalité, cachant leur part sombre ou leur identité secrète. Pingouin apprendra son vrai nom, Oswald Cobbelpot, ou tout du moins il feint de ne pas connaître son passé, comme le soupçonnent Bruce Wayne et Alfred. Oswald, puisque telle est sa nouvelle identité, est lancé, tel le fils prodigue, par Max Shreck sur le devant de la scène, dans un multiple mouvement de destitution du maire (Michael Murphy) puis de dénigrement de Batman. Oswald veut devenir le nouveau maire, dit-il en se frottant les mains et en observant avec un regard obsédé sa nouvelle assistante. Avec cette même joie enfantine, il piège Batman en piratant la batmobile et causant des dégâts en ville.

Selina Kyle et Bruce Wayne se connaissent et passent du temps ensemble. Batman sauve Selina d'une attaque de la bande du cirque. Catwoman chasse Batman sur son propre terrain, elle veut être l'égale féministe du redresseur de tords. Après avoir fait exploser le magasin de jouets de Shreck, Catwoman « embrassera » Batman sous le gui. Lors d'un bal masqué, où Bruce et Selina sont les seuls à ne pas porter de masque, ils dansent sur une chanson de Siouxsie and The Banshees (Face to face). « Le gui peut être mortel si vous le mangez. Mais un baiser peut être encore plus mortel si vous êtes sincères ». Les masques sont tombés, Bruce comme Selina sont ravis et étonnés d'avoir si facilement confessé leur identité réelle de Batman et Catwoman.

Car finalement, pour Tim Burton, le Mal est une valeur bien plus cinématographique que le Bien. Les bons sentiments, c'est gentil cinq minutes, mais le côté sombre révèle la vraie personnalité. Tout le monde est habillé en noir. Batman returns est un film essentiellement nocturne. La mort rôde dans tous les coins, Max Shreck a tué son associé en le jetant dans les égouts, Catwoman usera plusieurs de ses neuf vies de chat, le projet de Pingouin de tuer tous les fils aînés pour se venger (le char vers l'enfer est conduit par Vincent Schiavelli, acteur fétiche de Milos Forman au visage cadavérique) tel un Roi Hérode moderne. Et les membres du cirque ont des rictus et des maquillages effrayants de clowns sardoniques.

Paradoxalement, tout cette noirceur si merveilleuse de Batman returns est percluse de taches aux couleurs vives. Le rouge à lèvres de Catwoman, le petit oiseau coloré qu'elle avale chez Oswald. Pingouin quand il devient populaire s'habille en redingote violette, il se déplace dans un véhicule en forme de gros canard jaune, il arbore ses parapluies sans lesquels il ne se déplace jamais, c'est à genre d'accessoires inexplicables que l'on reconnaît le plus beau personnage du cinéma de Tim Burton dans, ce que je considère, comme son meilleur film. Batman returns sera le dernier Batman de Tim Burton, laissant les suites, horribles, à Joel Schumacher, l'épouvantable Catwoman à Pitof et la franchise aux pompeux Christopher Nolan et Zack Snyder.




























Merci à Hakim pour son DVD

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