Au
revoir Vicky Vale, évoquée à deux reprises dans Batman returns
(on ne savait jamais, son personnage aurait pu revenir dans une
suite), au revoir son collègue journaliste, adieu Joker, au revoir
le procureur. De Batman, Tim Burton ne garde que le
commissaire Gordon (Pat Hingle) et Alfred (Michael Gough), le dévoué
majordome de Bruce Wayne (Michael Keaton), qui prend la première
place au générique mais ne débarque dans Batman returns
qu'au bout d'un bon quart d'heure. Comme il se passionnait pour le
Joker, Tim Burton se focalise sur les figures sombres, les
personnages de méchants : Pingouin, Catwoman et Max Shreck.
Premier
à entrer en piste, Pingouin (Danny DeVito) a droit à la séquence
d'ouverture, géniale évocation de sa naissance sous les hurlements
de sa mère, les airs dégoûtés de la sage femme et du médecin. Le
nourrisson est enfermé dans une cage, trop immonde pour être vus de
ses parents joués par le duo de Pee-Wee Big adventure, Paul
Reubens et Diane Salinger, aristocrates de Gotham City qui entre deux
Martini décident de se débarrasser de leur rejeton. Dans son
couffin, ils iront l'abandonner, tel un enfant Moïse, dans le zoo
nordique le soir de Noël. Le film retrouvera Pingouin 33 ans plus
tard, évocation christique cette fois.
Le
personnage du Pingouin est le prolongement de celui d'Edward aux
mains d'argent, les ciseaux sont remplacé par une déformation
des doigts. Mais chacun d'eux a vécu hors de la civilisation, Edward
dans son antre et Pingouin dans un cirque composé de malfrats. Il
était l'un des monstres de foire du cirque, version Freaks de
Tod Browning. Edward a eu la chance d'être pris en main par une
femme vertueuse, il n'en est pas de même du Pingouin. Sa sortie des
bas-fonds des égouts, où il a élu domicile, se fera grâce à Max
Shreck (Christopher Walken), prenant le nom de l'acteur de Nosferatu
de Murnau. Et Shreck veut dire effroi en allemand.
Max
Shreck, chef d'entreprises véreux et corrupteur des politiciens de
Gotham City, veut léguer à son grand couillon de fils une usine
électrique. « On n'a jamais assez de pouvoir »,
répond-il à ceux qui doutent de ses bonnes intentions et qui
remettent en question l'utilité de l'usine. Shreck, avec ses cheveux
blancs, est un vampire et son usine va absorber plus d'énergie
qu'elle n'en créera. C'est ce que lui fait remarquer Selina Kyle
(Michelle Pfeiffer), son assistante qu'il traite comme une bonniche,
l'obligeant à servir le café lors d'une réunion. Elle en sait trop
sur les sombres desseins de son patron, Shreck défenestrera Selina
Kyle qui s'écrasera par terre.
La
transformation de Selina Kyle en Catwoman est l'un de mes moments
préférés de Batman returns. La musique de Danny Elfman
toute en boucle de violons aigus enveloppe la venue de dizaines de
chats miaulant sur le corps refroidi de Selina. Elle rentre en
minaudant dans son appartement, une sorte de maison de poupée (Hello
there) puis détruit toutes ces teintes pastels, casse ses peluches,
jette ses vêtements roses pour se confectionner, avec ferveur, un
costume tout en skaï noir et coutures apparentes (toujours cette
passion de Frankenstein), véritable tenue SM à laquelle
Catwoman ajoutera un fouet. La nouvelle identité monstrueuse de
Selina a pris forme, Hell here lit-on sur les néons de
l'appartement.
Ces
trois hommes animaux et ce vampire sont tous des personnages à
double personnalité, cachant leur part sombre ou leur identité
secrète. Pingouin apprendra son vrai nom, Oswald Cobbelpot, ou tout
du moins il feint de ne pas connaître son passé, comme le
soupçonnent Bruce Wayne et Alfred. Oswald, puisque telle est sa
nouvelle identité, est lancé, tel le fils prodigue, par Max Shreck
sur le devant de la scène, dans un multiple mouvement de destitution
du maire (Michael Murphy) puis de dénigrement de Batman. Oswald veut
devenir le nouveau maire, dit-il en se frottant les mains et en
observant avec un regard obsédé sa nouvelle assistante. Avec cette
même joie enfantine, il piège Batman en piratant la batmobile et
causant des dégâts en ville.
Selina
Kyle et Bruce Wayne se connaissent et passent du temps ensemble.
Batman sauve Selina d'une attaque de la bande du cirque. Catwoman
chasse Batman sur son propre terrain, elle veut être l'égale
féministe du redresseur de tords. Après avoir fait exploser le
magasin de jouets de Shreck, Catwoman « embrassera »
Batman sous le gui. Lors d'un bal masqué, où Bruce et Selina sont
les seuls à ne pas porter de masque, ils dansent sur une chanson de
Siouxsie and The Banshees (Face to face). « Le gui peut être
mortel si vous le mangez. Mais un baiser peut être encore plus
mortel si vous êtes sincères ». Les masques sont tombés,
Bruce comme Selina sont ravis et étonnés d'avoir si facilement
confessé leur identité réelle de Batman et Catwoman.
Car
finalement, pour Tim Burton, le Mal est une valeur bien plus
cinématographique que le Bien. Les bons sentiments, c'est gentil
cinq minutes, mais le côté sombre révèle la vraie personnalité.
Tout le monde est habillé en noir. Batman returns est un film
essentiellement nocturne. La mort rôde dans tous les coins, Max
Shreck a tué son associé en le jetant dans les égouts, Catwoman
usera plusieurs de ses neuf vies de chat, le projet de Pingouin de
tuer tous les fils aînés pour se venger (le char vers l'enfer est
conduit par Vincent Schiavelli, acteur fétiche de Milos Forman au
visage cadavérique) tel un Roi Hérode moderne. Et les membres du
cirque ont des rictus et des maquillages effrayants de clowns
sardoniques.
Paradoxalement,
tout cette noirceur si merveilleuse de Batman returns est
percluse de taches aux couleurs vives. Le rouge à lèvres de
Catwoman, le petit oiseau coloré qu'elle avale chez Oswald. Pingouin
quand il devient populaire s'habille en redingote violette, il se
déplace dans un véhicule en forme de gros canard jaune, il arbore
ses parapluies sans lesquels il ne se déplace jamais, c'est à genre
d'accessoires inexplicables que l'on reconnaît le plus beau
personnage du cinéma de Tim Burton dans, ce que je considère, comme
son meilleur film. Batman returns sera le dernier Batman de
Tim Burton, laissant les suites, horribles, à Joel Schumacher,
l'épouvantable Catwoman à Pitof et la franchise aux pompeux
Christopher Nolan et Zack Snyder.
Merci à Hakim pour son DVD
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