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mardi 8 janvier 2019

Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994)

Quand Forrest Gump (Tom Hanks) commence à raconter sa vie sur ce banc au bord d'un parc, il ne connaît pas encore son futur, la fin de son histoire, il est assis là et le temps est suspendu pendant deux heures de sa vie. Forrest Gump commence par une narration statique comme son protagoniste éponyme, une voix off omnisciente et commentant la propre vie de son héros. Il s'adresse à quelques passants qui viennent attendre le bus et le récit est si passionnant pour ces passants de cette ville de l'Alabama qu'ils préfèrent rater leur bus plutôt que ne pas entendre l'histoire de ce « Forrest, Forrest Gump » comme le dit Tom Hanks presque comme si son nom est un seul mot, avalant les syllabes avec un petit air abruti.

La linéarité de l'histoire ne sera jamais perturbée, tout juste coupée parfois par des retours vers ce banc mais le film adopte une forme de compilation de sketches de durée variée. Disons que les sketches les plus anecdotiques sont courts, ce sont ceux qui reprennent Retour vers le futur quand Marty McFly inspirait, en tout fin de film, Chuck Berry. Forrest Gump inspire successivement Elvis Presley, jadis pensionnaire dans la maison familiale, mais aussi John Lennon (pour les paroles d'Imagine), le gars qui a inventé le smiley et d'autres encore. A 10 ans de distance, ces deux héros de Robert Zemeckis ne sont pas si différents, ils sont tous les deux un peu maladroits ne serait-ce dans les rapports sociaux et chacun remonte le temps de sa vie.

Pour faire simple, c'est la caméra et les effets numériques, plus puissant que jamais en 1994, qui remplace la DeLorean pour revenir vers le passé. Après La Mort vous si bien qui travaillait le morcellement du corps, Forrest Gump s'attaque à ce corps en trop, passablement en marge, mal conçu et le place dans des lieux et moments où a priori Forrest n'aurait jamais dû se trouver. Par exemple à la Maison Blanche où il est récompensé régulièrement pour son œuvre par Kennedy, Johnson ou Nixon. Sur ces trois décennies (le film commence en 1981 et s'arrête en 1984), Forrest Gump s'incruste dans l'image de ces présidents des Etats-Unis comme le gui qui pullule sur les arbres, Forrest Gump parasite les événements les plus marquants de son pays.

Pourtant, il n'aurait jamais dû sortir de son patelin de l'Alabama où il vit avec sa maman (Sally field). Le gamin ne dit pas grand chose, tout le monde sait qu'il est « différent ». Régulièrement, même quand il ne vient plus dans son village, l'écho des habitants se fait avec un court plan des clients chez le barbier qui observent médusés l'ascension sociale de Forrest, l'idiot du village, un idiot utile et qui force tout à la fois la sympathie, celle de la petite Jenny (jouée adulte par Robin Wright), l'autre enfant en marge du film, elle victime de son père – rien ne sera montré – qui la frappe et en abuse sexuellement comme de ses sœurs. Jenny et Forrest seront le fil d'Ariane du récit, unis jusqu'à la mort (ce futur inconnu de Forrest Gump en début de film) et sans cesse éloignés par la distance, les événements, les aspirations.

Deux facettes des Etats-Unis d'Amérique se dessinent dans le destin croisé de Jenny et Forrest. Assez vite, on comprend que Jenny n'est là que pour valoriser les qualités de Forrest, pour en déceler les talents cachés que même sa mère, trop occupée à se laisser corrompre par le directeur d'une école (rare scène méchante du film), ne peut pas voir . Le premier trait de caractère de Forrest, ce sont ses jambes (bête comme ses pieds), le mec sait courir et ceux qui le détestent sont incapables de le rattraper. Avec ces jambes et cette formule répétée à l'envi en début de film par Jenny enfant puis jeune adulte « cours Forrest cours », le destin de l'idiot est scellé. Quant à Jenny, elle revient toutes les demi-heures dans le film pour construire une histoire d'amour contrariée.

Puisque Forrest Gump sait courir, il va courir après un ballon et deviendra sportif de haut niveau et entrera à l'université. Diplômé, il se voit proposer d'entrer à l'armée. A l'armée, il se lie d'amitié avec Bubba Blue (Mykelti Williamson), un idiot du village comme lui qu'il rencontre dans un bus de la même manière que Jenny, mais qui rêve, une fois sorti du bourbier vietnamien où ils sont envoyé tous les deux, de pêcher des crevettes. Bubba sera le capitaine et Forrest son matelot. Ainsi tout le film est construit sur ce chemin de conséquences et de rencontres fortuites. Forrest n'est jamais maître de son destin, il le subit constamment, il en est le jouet dans le plus grand arbitraire et là, la mise en scène de Robert Zemeckis devient flamboyante, de ce récit chaotique fait de hasards, il déploie une fluidité narrative toute en légèreté malgré tous les événements dramatiques décrits.

L'idiotie de Forrest Gump permet de décrire un sud atrocement raciste, de montrer les élèves noirs empêchés d'aller au collège. Seul Forrest ne comprend pas pourquoi les blancs font ça aux noirs, alors même qu'il racontait que son prénom vient d'un des fondateurs du KKK. De la même manière, il se prend de la même affection pour Bubba que pour Dan Taylor (Gary Sinise), son chef d'escouade à l'armée qui perdra ses jambes et que Forrest sauvera alors qu'il perdra Bubba. Là aussi le fil narratif change de direction et de sens, sauf de bon sens (les phrases de sa maman assénées comme des proverbes, qui sonnent creux : « n'est stupide que la stupidité »), mais encore une fois, tout est le produit du hasard, Forrest Gump devient l'anti sujet américain par excellence, celui pour qui seule la réalité compte et aucunement le rêve.

L'astuce scénaristique du hasard n'est enclenchée par Robert Zemeckis et ses scénaristes – comme dans certains de ses films précédents – que pour appuyer sur l'amour incommensurable que Forrest porte à Jenny. La plus belle scène en découle lors d'un manifestation montre à Washington devant le Lincoln Memorial où le discours de Forrest en grand uniforme (il vient d'être décore par Lyndon Johnson) n'est pas audible (sabotage de l'armée, mais tout cela est un gag, entre une farce godardienne et un son à la Buñuel) avant que Jenny, hippie devant l'Eternel, ne repère du fin fond de l'assemblée son vieil ami d'enfance et ne vienne le retrouver. Il y a dans cette scène des ruptures de ton qui sont la marque de Zemeckis mais aussi l'immense démagogie du cinéma hollywoodien, on a envie que Forrest et Jenny se retrouvent au milieu du bassin.


Cependant le but du jeu dans Forrest Gump est de faire durer le suspense donc le plaisir du spectateur et chacun de ces moments démagogiques, visant à flatter les bons sentiments du spectateur en lui donnant des gages de sympathie pour les personnages, est suivi par une scène décevante où il tente de faire de la politique (ahlala la représentation des Black Panthers). Reste que ce plaisir de voir Forrest Gump s'embourber dans son ignorance (le spectateur en sait toujours plus sur tout que lui) pour enfin se relever et trouver une solution adéquate à son problème est exactement ce plaisir que je prends devant le film depuis maintenant 25 ans, quels qu'en soient les écueils et les défauts, les petites saynètes comiques (la longue liste des plats de crevette de Bubba) comme les grosses séquences d'émotion (tout le finale qui n'en finit pas) j'aime regarder Forrest Gump.






























samedi 26 septembre 2015

Princess Bride (Rob Reiner, 1987)

 
Comme Ridley Scott (Legend), Ron Howard (Willow), Wolfgang Petersen (L'Histoire sans fin) ou Richard Donner (Ladyhawke), Rob Reiner s'est lancé dans un difficile pari cinématographique, raconter un conte. C'était la mode dans ces années 1980. La trouvaille du cinéaste est de commencer aujourd'hui (dont en 1987) avec un plan sur un jeu vidéo auquel joue un jeune garçon malade (Fred Savage). Son grand-père (Peter Falk), cheveux gris et lunettes vient lui rendre visite et lui propose de lire un livre. Berk, un livre, dit le gamin qui ne sait pas encore que le pouvoir de narration du grand-père le portera vers un univers qu'il ne connaît pas encore mais qui le tiendra en haleine. L'enfant, prêt à accepter ce récit, c'est le spectateur qui sommeille en chacun de nous. Il est prêt à ce que la réalité soit abolie tant que les rebondissements soient contés comme il faut.

Le conte Princess Bride commence par un romantisme niais. La princesse Bouton d'Or (Robin Wright) se fait servir par Westley (Cary Elwes) son garçon de ferme qui dans un regard langoureux sur un chromo orangé ne répond que par « as you wish » (comme il vous plaira). Le garçon interrompt son grand-père – et le spectateur de cinéma est d'accord avec lui - « on non pas encore un baiser ». Car, oui, pourquoi encore raconter sans cesse la même histoire de la princesse et du fermier pauvre. Il faut passer à autre chose. Ce second départ qu'amorce Peter Falk, c'est la mort soudaine du valet, parti faire fortune dans une autre contrée pour pouvoir épouser la belle. Pas fou, le fils du roi du coin (Chris Sarandon) au nom (Humperdinck) et à l'accoutrement ridicules (celui du prince charmant) décide d'épouser Bouton d'Or, puisqu'elle est la plus belle femme du royaume.

Ce nom et cette tenue sont le premier grain de sable qui vient enrayer les rouages du conte du grand-père. Et ce sera toute une galerie de personnages engagés dans des situations pittoresques qui vont émailler le récit. D'abord, on a bien remarquer que Rob Reiner accepte l'imagerie du conte. Lors de la présentation de la future princesse aux sujets du roi, on a pu voir ce dernier sur le balcon désigné comme dans les lieux les plus communs, grande barbe blanche, tunique ornée de joyaux et couronne dorée. Plus tard dans le film, on se rendra compte que ce vieux souverain est complètement gâteux. Ainsi, les clichés sur le conte, une fois qu'ils sont énoncés et présentés au spectateur, sont tous retournés pour créer un effet comique. On est en terrain connu mais tout va se désintégrer petit à petit, pour le plus grand plaisir du spectateur.

On continue avec trois brigands pas très malins. Leur chef se présente comme un grand stratège (Wallace Shawn), il donne des ordres au géant Fezzik (André The Giant) et à Inigo Montoya (Mandy Patinkin). Le trio décide de capturer Bouton d'Or. Ils vont vite être poursuivis par Robert le Pirate et par l'armée du Prince. Inigo est le personnage le plus cocasse, veut se venger de son père (référence à Conan le Barbare, autre conte de l'époque) en répétant sans cesse la même phrase devenue culte (pour le coup, la formule n'est pas galvaudée). Son ennemi est un mercenaire qui a six doigts à la main droite. Comme par hasard, cet homme (Christopher Guest) est le bras droit vicieux du prince Humperdinck. Sa grande passion est d'écouter la douleur des gens qu'il fait torturer. Au fil des aventures, on rencontrera un tortionnaire albinos (Mel Smith), un sorcier vérolé (Billy Crystal) et sa femme (Carol Kane) et un étrange prêtre (Peter King).

La force de l'humour de Princess Bride tient à un principe aussi simple qu'efficace : jouer avec le plus grand sérieux des choses insensées. Pas d'anachronismes (à la Monty Python) ni de parodie (ce « lampoon » typiquement américain à la Mel Brooks) pour créer et réussir des gags. Le plus intéressant dans Princess Bride est le ton de plus en plus noir qui se développe tandis que le nombre de gags ne cessent d'augmenter. Un film sans aucune mièvrerie que l'on peut regarder sous plusieurs degrés. Ce qui a, en revanche, particulièrement mal vieilli, c'est la musique de Mark Knopfler avec ses claviers simplistes. Princess Bride peut constituer, dans le cinéma de Rob Reiner, une trilogie sur les « amours contrariées ». Le second volume en sera Quand Harry rencontre Sally et le troisième Misery. dans chacun, le rapport à la narration est original. Après Princess Bride, tous les contes avec des princesses ont paru ringards.