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samedi 11 juillet 2020

Tout simplement noir (Jean-Claude Zadi & John Wax, 2020)


Il faut une bonne dose d’inconscience et pas mal de masochisme pour subir ce que se fait subir Jean-Claude Zadi. Parce que le plus récent faux documentaire vu avant Tout simplement noir était Guy et Alex Liutz prenait grand soin à inventer un personnage fictif pas toujours reluisant mais qui ne portait pas son nom et à peine son visage. Lui, Jean-Claude est face caméra à causer dans sa cuisine pour présenter son projet de manifestation de l'Homme Noir prévue le 27 avril (le film devait sortir en mars).

Mais dans cette cuisine et dans ce discours inaugural, la femme de Jean-Claude ouvre la porte avec les courses et fait comme si de rien n'était. La très blonde et blanche Camille (Caroline Anglade) demande si son mari va se lever pour aller chercher Malcolm, leur fils, à l'école. L'élément perturbateur est là dès le début du film de Jean-Claude Zadi, se sera la marque de sa mise en scène. Un grand gaillard aux dents toutes sorties qui va rencontrer des gens pour avoir des soutiens pour sa manif. Le film peut commencer.

Il faut d'abord présenter ce Jean-Claude Zadi, le prologue s'en charge très bien avec quelques extraits de ses vidéos youtube. A vrai dire, je ne sais pas si elles existent ou si elles on été conçues pour le film. Peu importe, Jean-Claude y va à fond dans la provocation, preuves à l'appui. Et ça ne plaît pas forcément à tout le monde, plusieurs de ses interlocuteurs, que ce soit dans la rue quand il se promène ou des vedettes, comme Lucien Jean-Baptiste n'apprécient pas beaucoup ses sketchs sur la traite négrière.

Le gag de Tout simplement noir est à peu près toujours le même mais sans cesse renouveler par des variations infimes et infinies. Il croise une célébrité noires, africaine ou de l'outre-mer, il parle de sa cause. Devant le manque de préparation de son discours, de ses motivations, de l'organisation, il se voit envoyer tout un tombereau de critiques, d'abord sur le mode de la vanne (la grande mode du cinéma) puis quand Jean-Claude s'enfonce dans ses contradictions, l'interlocuteur devient carrément méchant, jamais content.

Le plus formidable dans Tout simplement noir, c'est que c'est drôle et que ça marche à chaque fois. L'humour de Jean-Claude Zadi est fort, il trouve sa marque dans les improvisations très préparées avec tous ceux qu'il rencontre, et il y a du monde (mes conversations préférées, celle des racines autrichiennes d'Eric Judor, l'assemblée d'arabes et juifs autour de Ramzy Bédia, le fight entre Lucien Jean-Baptiste et Fabrice Eboué, la soirée chez Joeystarr). Chaque fois, comme un Droopy, notre héraut finit face caméra avec sa tête de cocker.

Une rencontre pousse le récit plus loin, celle avec Fary (un comique que je ne connaissais pas) qui joue l'opportuniste de service, le comique qui va chez Hanouna pour défendre des causes mais uniquement si ça fait avancer sa carrière. Comme Jean-Claude Zadi, Fary Lopes est présent pendant tout le film dans la même posture où son personnage inventé ne se donne pas le beau rôle, là encore ça fonctionne dans cette écriture empreinte de dérision sur son image publique (d'après une amie proche, c'est l'un des comiques les plus trash du moment).

Fary ne rate jamais une occasion de faire le bien pour lui, il tourne une romance gay avec Ahmed Sylla. Le soir de la première, il n'y a que des Blancs au cocktail. On en voit quelques autres des Blancs, Mathieu Kassovitz fait passer un casting à Jean-Claude, là ça devient glaçant. Parfois, c'est raté comme avec la fausse émission Boomerang d'Augustin Trapenard. Et ce qui ressort de tout ça, c'est que Jean-Claude dresse un portrait sans aucune naïveté, pas du tout simple, bien politique de ceux qu'on ne voit que très peu au cinéma.

samedi 6 avril 2019

J'veux du soleil (Gilles Perret & François Ruffin, 2019) + La Lutte des classes (Michel Leclerc, 2019)


Refaire le monde avec le sourire, voilà la meilleure définition que j'ai trouvé sur les internets sur le feel good movie. Cette semaine on en a deux exemples avec La Lutte des classes et J'veux du soleil. Deux trublions du cinéma français en tête, ici ce cher Edouard Bear toujours aussi lunaire, rockeur dans l'âme, auteur d'une chanson sobrement intitulée « J'encule le pape », il incarne dans le quatrième film de Michel Leclerc un éternel rebelle de gauche incapable de se rendre compte qu'il est devenu un petit bourgeois insupportable. Là François Ruffin, le poil à gratter picard qui monte dans son véhicule utilitaire (attention message subliminal) avec Gilles Perret pour partir à la rencontre des gilets jaunes autour des ronds-points (et pas dans les manifs du samedi après-midi).

Chaque film a une mission. Au début de J'veux du soleil, sur l'air de Douce France de Charles Trenet (la chanson sera plus loin entendue dans sa version Carte de séjour), on en tend politiques et éditorialistes parler d'esprit facho chez les gilets jaunes. François Ruffin veut prouver que c'est faux. Il n'a pas vraiment pas de mal à le prouver, aucun gilets jaunes qu'il rencontre ne se déclare facho. Il croise même un Kamel. CQFD. Tout le début de J'veux du soleil est construit autour de cette mise en scène naïve (François sort de sa bagnole, traverse la route et passe quelques minutes avec eux). Il a un effet apaisant, il écoute, il amuse (il fait comme s'il était Macron), il console, François fait le show et les gens aime ça.

A qui parle-t-il vraiment ? Qui sont ces témoins qu'il rencontre et qui sont tous sympathiques, ouverts, pas fachos pour deux sous ? Est-ce qu'ils sont des électeurs de la France Insoumise ? A vrai dire la réponse est à trouver entre les lignes du dialogue. À l'un d'eux, François s'étonne qu'il se déclare « intérimaire en CDI ». Késaco demande le député ? On découvre là toute une frange de salariés qui ont cru aux sirènes de l'intérim et des primes à gogo vantés par les gouvernements au début du siècle et qui se retrouve dans la mouise aujourd'hui avec des dettes et des crédits. François veut ré-enchanter le monde et son film se termine d'ailleurs en comédie musicale dans un finale horripilant et cucul-la-praline.

Le finale de La Lutte des classes est dans ce même genre d'idée, il doit emporter le spectateur vers un au-delà du quotidien, ici une super héroïne qui grimpe les murs de l'école publique pour sauver les élèves. Le message doit être fort comme chez François Ruffin, il doit dire que c'est quand toutes les communautés sont unies qu'on peut avancer. Et pour Michel Leclerc, les communautés sont religieuses, chrétien, juifs et musulmans, tous ensemble pour défendre la laïcité et l'école publique face aux petits bourgeois pâles et sans aspérité qui foutent leurs gosses dans les écoles privées et catholiques, ici une école Saint-Benoît qu'Edouard Baer décrit comme l'enfer sur terre à son fiston qu'il a eu avec Leïla Bekhti.

La Lutte des classes joue sur la fable en poussant autant que possible le réalisme pour aller vers un monde qui vivrait isolé à Bagnolet le tout pour rire de tout avec tout le monde. Le film est fort plaisant, certes, on s'amuse bien, mais il est dépassé par son sujet, par ses sujets (religion, laïcité, école, éducation, mixité sociale, vie en banlieue) effleurés superficiellement sans jamais prendre parti. Reste Ramzy Bedia et son délirant personnage de directeur d'école qui parvient à inciter les élèves à aller voir un film en resquillant, grâce à une ruse redoutable, pour qu'ils ne traînent dans la rue. Pas grand chose à dire de plus sur le film qui se contente d'un structure narrative simpliste si ce n'est qu'on prend du plaisir à voir tous ces acteurs et actrices jouer si gaiement. En période de sinistrose aiguë au cinéma, ces petites choses sont bonnes à prendre.

mercredi 13 juillet 2016

Hibou (Ramzy Bedia, 2016)

Comme j’apprécie ce que font Eric et Ramzy, ensemble ou en solo, je vais voir les films qu'ils font. Six mois après La Tour 2 contrôle infernale par Eric Judor, que j'avais qualifié de film au futur antérieur, voici Hibou de Ramzy Bedia, un film, pour sa part, au conditionnel. Sur le mode de ces jeux pour enfants « alors, on dirait que je suis un hibou et toi on dirait que tu es un panda ». Mais avant que le costume de hibou n'enveloppe Ramzy Bedia et que celui de panda ne couvre Elodie Bouchez, on fait connaissance avec les personnages sans déguisement.

Ramzy est Rocky. Même lettre de début et de fin, idéal pour un prénom qui roule. Rocky a un boulot dans une entreprise de pharmacie. Il contrôle les notices des médicaments. Son bureau est un foutoir improbable où les modes d'emploi tous froissés s'amoncellent sur son espace de travail. Il est intéressant de voir que son ordinateur est un iMac, ces vieux Apple en forme d'escargot qui faisaient fureur au début du millénaire. Il est bordélique, il oublie toujours son pass pour le portique, sous le regard méprisant de Christel, l'hôtesse « d'accueil ».

J'aime beaucoup les regards que lance Rocky à ses collègues qui ne daignent pas jeter un œil sur lui. La « charmante » Christel prend une photo à chaque gaffe de Rocky, les quatre collègues de son bureau ouvert prennent le café ensemble, le déjeuner ensemble, passent le week-end ensemble, sans que jamais ils ne pensent à l'inviter ou lui proposer de participer. Rocky s'incruste dans les conversations, balance une blagounette, répond à une question. Personne ne fait attention à lui. Rocky est « seul one ».

Plus qu'un scénario vraiment développé, Hibou prend la voie buissonnière avec des petits détails insignifiants mais qui constituent les personnages. Rocky ne mange que des boîtes de conserve de thon, de toutes les recettes, de toutes les variétés. Son placard en est rempli. Rocky porte des pantalons trop courts, ce qui sur un grand échalas comme Ramzy Bedia confère un aspect enfantin qui rappelle Pee-Wee Herman. Rocky dort sur son canapé et son réveil a une drôle de sonnerie. Et un matin, un hibou est là à le regarder.

Pourquoi un hibou ? La seule réponse valable est : pourquoi pas ? Un hibou, surtout ce grand duc, c'est très beau. Il lance son petit cri, il tourne la tête, il ouvre ses grand yeux jaunes et noirs. Et ça mange quoi un hibou ? Direction l'animalerie tenue par Etienne Chicot (et la voix d'Elodie Bouchez). Ça mange des souris. Va pour les souris. Rocky va décider de porter ce costume de hibou pour attirer l'attention sur lui, mais personne ne va même remarquer la différence, sauf cette fille qui porte un costume de panda.

Les acteurs québécois (le film a été tourné au Canada) jouent tous des personnages falots. Le film développe, à côté de son récit gentiment surréaliste, une galerie de personnages farfelus. Le patron irascible (François Rollin), le père musicien retraité (Guy Marchand), le voisin du dessous (Philippe Katerine) chanteur de la Banane, un bénévole associatif (Franck Gastambide) et bien-sûr Eric Judor en vendeur de café. Le film a la bonne idée d'être court, il trébuche parfois, il est inégal, on sourit un peu, c'est tout en douceur. J'attends son deuxième film.