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jeudi 28 septembre 2017

Les Saisons L'Automne (Marcel Hanoun, 1972)

Quatrième et dernière saison de Marcel Hanoun, L'Automne. Comme dans L’Hiver, Michael Lonsdale est Julien, un cinéaste au travail. Bobines de film avec le titre L’Automne écrit sur la tranche, claps, maquillage, les noms des techniciens et des deux interprètes sont donnés oralement. Puis un long plan fixe de Michael Lonsdale, regard caméra sur une musique lyrique. Puis un plan noir et une conversation téléphonique. « J’ai besoin d’un assistant, si possible une femme ».

Bergman, Bresson, Dreyer, Visconti aussi et un « cinéaste trop peu connu » Chris Marker. Voilà les cinéastes qu’aime Julien au cinéma explique-t-il à Anne (Tamia), sa monteuse. Car ces regards caméra étaient ceux d’un homme qui fait le montage bobine de son film. Anne aimerait elle faire un film d’après Sade. Lui dit aimer la manière de Pasolini de filmer les tableaux, Pasolini et Sade sont évoqués dans la foulée des années avant que le premier n’adapte le second.

Le mieux serait de voir. Dans cet éloge de la modestie et de la banalité, le récit qui est raconté dans L'Automne, celui d’un film qui se construit sous nos yeux (que l’on voit) et celui que Julien a filmé et dont il ne fait que raconter des scènes (on ne les voit jamais). On n'est pas très loin d'Une sale histoire tourné cinq ans plus tard par Jean Eustache. Mozart en grande pompe sur une histoire à la Flaubert tout ça pour conclure que la scène serait meilleure sans musique.

La créativité du spectateur existe-t-elle ? Voilà la question que se pose Julien. Il pense tellement à son film qu’il s'égare. Enfin un plan en couleur, et une femme nue reproduisant un célèbre tableau et qui dit « imaginez un film politique où une femme aux seins nus duraient des slogans politiques ». Anne la monteuse dessine sur l’objectif de la caméra. Le travail du spectateur consiste dans les quatre saisons de Marcel Hanoun à reconstituer un récit à partir d’un minimum de narration, moins un puzzle qu’une énigme.

Soit le cinéaste montre tout mais ne raconte rien soit il ne montre rien mais raconte tout. Il est un authentique cinéaste du montage. Paradoxalement, L'Automne n’appuie pas sur la mise en abyme, quand Julien n’arrive soudain à ne pas dire une phrase simple « j’aime le prénom Anne », on entend un rire derrière la caméra sans qu’on sache si cette hésitation de Michael Lonsdale était écrite ou involontaire. Pas plus que l'on ne saura si c'est le rire de Marcel Hanoun.


Les quatre films se répondent les uns les autres avec des liens très ténus. Dans la dernière partie Julien se fait le porte-parole de Marcel Hanoun et parle de langage cinématographique « les films étrangers devraient être vus sans sous-titres et le spectateur le comprendrait grâce au langage du film ». Ce qu’essayent de faire les quatre saisons. Et dans les dernières scènes, Marcel Hanoun oublie la théorie et filme en couleur des forêts automnales et des mains qui se tiennent.

















mardi 26 septembre 2017

Les Saisons Le Printemps (Marcel Hanoun, 1971)

Troisième saison de Marcel Hanoun, Le Printemps. Un homme, une nouvelle fois interprété par Michael Lonsdale, court à en perdre haleine. Le souffle court, son visage s’approche de la caméra tandis que le générique défile en lettres rouges sur des images en noir et blanc. L’homme ne parle pas, il observe, il fuit, il évite les gens dans ce bois où des chasseurs passent (peut-être est-ce lui qu'ils chassent). Il passe de champ en champ, cherche un abri dans une ruine. Des trains traversent le paysage, un coucou chante, des merles s’envolent bruyamment. Le silence de notre homme n’est troublé que par ces bruits puis par un hélicoptère qui survole la zone.

Dans cette campagne, une ferme rustique, Anne, une fillette mange une crêpe son chat sur les genoux, sa grand-mère dépiaute un lapin, prépare à manger pour les poussins. Anne joue dans la cour de l'école. Le rythme lent de la vie à la campagne est scandé par le battement de l’horloge. Aux sermons du curé, aux paraboles données au catéchisme, la petite fille préfère les contes qu’elle lit puis qu’elle raconte au petit voisin. Des contes de princesses que Marcel Hanoun illustre avec des fragments de tableaux, des enluminures chinoises. Elle s’évade de cette vie un peu stricte imposée par sa grand-mère par ces récits. Une mémé aimante, cependant, qui cache des œufs dans les jonquilles et les primevères pour Pâques.

« L’homme pourrait être dangereux, peut être est-il armé, il est vraisemblable qu’il ne tardera pas à être rattrapé », entend on à la radio de la voiture que conduit Michael Lonsdale. C'est sa femme (Catherine Binet, créditée comme scénariste et co-réalisatrice) qui a mis en marche l'autoradio. On entend ce message trois fois et parmi les voix, celle de Michael Lonsdale. Cette courte scène est en couleur, comme les séquences à la ferme, signalant probablement un flashback qui propose une explication à la fuite de l'homme, mais cette voix entendue perturbe les sens, la continuité narrative. Puis les voix se mêlent, se superposent, la couleur croise le noir et blanc. Les deux récits parallèles ne se rejoindront pas, chacun garde son énigme originelle.





















samedi 16 septembre 2017

Les Saisons L'Hiver (Marcel Hanoun, 1969)

Calmement, je poursuis ma découverte des Saisons de Marcel Hanoun, aujourd'hui L'Hiver. Calmement parce que après L'Eté déjà très languide, L'Hiver se mérite tant le cinéaste prend un plaisir à noyer le semblant de récit dans ses 78 minutes. Pourtant, il est bien là le scénario : Julien (Michael Lonsdale) réalisateur de fiction est à Bruges pour tourner un documentaire. Avec son chef op' Michel (pas de générique, donc pas de nom), il flâne sur les canaux de la ville. Il fait filmer un arbre, puis le reflet de l'arbre dans l'eau. La ville est belle avec son architecture médiévale, Julien pense tout de suite à Shakespeare, et le soir, dans sa chambre d'hôtel, il lit des extraits à haute voix d'Othello ou de Roméo et Juliette, en français ou en anglais.

Filmer Shakespeare, voilà ce qu'il pourrait faire. Sur une gondole, Julien se filme lui-même dans une mise en abyme en miroir (encore les reflets sur l'eau) avec son amie Sophie, comédienne italienne qu'il a connu à Venise où elle jouait du Goldoni. Julien se désespère d'un tel conformisme. Lors d'une discussion avec son producteur, le cinéaste dira « le cinéma n'est plus une question d'anecdotes, c'est un langage en soi » et son producteur lui répliquera, non sans dépit « allez faire comprendre ça au public. Il faut une vedette, un sujet, une très belle histoire simple humaine avec des résonances ». L'art et la manière même de Marcel Hanoun dans la bouche de Michael Lonsdale, une vedette du cinéma d'auteur, après tout.

Ce langage dans L'Hiver est encore une fois un collage d'images, de plans, des juxtapositions de voix et de musique. Le film mêle le noir et blanc avec la couleur, qui ne détermine pas de quelle niveau de réalité il s'agit (la fiction, le documentaire, le film dans le film dans le film, une séquence au banc-titre). Marcel Hanoun, toujours en plans très brefs, filme les tableaux des musées de Bruges, sans doute est-ce le sujet du documentaire de Julien. Il évoque le fantôme de Sophie, sa présence mémorielle et physique, comme il le faisait avec Graziella dans L'Eté. Les personnages de ces deux films sont d'ailleurs en exil, loin de chez eux, dans l'attente de l'autre cet être aimé, dans une autre contrée, un autre temps, un autre cinéma. Prochaine étape : Le Printemps.