Au
milieu du film, Leonard Nimoy vient jouer Spock, un Spock vieux et
exilé sur une planète couverte de glace, blanche comme une page sur
laquelle J.J. Abrams vient écrire sa nouvelle histoire, sa version
de Star Trek.
Spock reconnaît le capitaine Kirk (Chris Pine) mais pas l'inverse.
Le Vulcain demande s'il est le Capitaine de l'USS Enterprise, Kirk
répond par la négative, tout comme il affirme qu'il n'est
absolument pas l'ami de Spock qui a pris le commandement du vaisseau
et l'a éjecté sur cette planète inhospitalière, pour le
sanctionner de son insubordination. Spock, avec toute la logique qui
caractérise son personnage, réfléchit puis comprend qu'il s'agit
d'une faille spatio-temporelle. Ce qui existait dans la série
originelle puis dans les films réalisés par Robert Wise et ensuite
par Leonard Nimoy lui-même est un récit et des situations
totalement différents de ce qui se déroule depuis plus d'une heure
dans Star Trek.
Le
récit en forme de palimpseste permet d'inventer la genèse de Kirk
et Spock (Zachary Quinto). Le trauma de la naissance de Kirk dans un
vaisseau au milieu d'explosions, la mort de son père, son enfance
délinquante puis son inscription à l'Académie militaire de
Starfleet. Spock est troublé par le racisme subie par sa mère
(Winona Ryder) humaine qui a épousé un ponte de la planète
Vulcain. Plutôt que subir l'ostracisme des élites qui le traitent
de handicapé, il s'engage également à Starfleet et devient un
éminent instructeur. Le film ne s’embarrasse pas de décrire la
formation, préférant une ellipse de trois ans. Spock a abandonné
sa famille et Kirk trouve un père de substitution, Spike (Bruce
Greenwood), la capitaine de l'Enterprise. L'animosité entre Spock et
Kirk a sa racine dans le test du Kobayashi Maru (vu dans Star
Trek 2, la colère de Khan en
1982) censé être une épreuve phare pour devenir capitaine. Test
infaillible selon Spock, créé pour évaluer le stress, mais Kirk
triche et se retrouve devant un conseil de discipline.
Le
caractère opposé du duo de Star
Trek, soit l'impulsivité de
Kirk et l'esprit logique de Spock, n'est qu'un élément du système
des contraires qui draine toute le récit et les images du film.
James T. Kirk met autant d'importance à connaître le prénom de
Uhura (Zoe Saldana), la petite amie de Spock, qu'à chercher à
vaincre Nero (Eric Bana), le chef romulien qui veut détruire Vulcain
et la Terre. On passe d'un plan dans l'espace intersidéral d'une
beauté sidérante à un gros plan de visage dans un bar de l'Iowa,
toujours avec des lense flares en abondance. L'horizontalité se
détraque lors de la destruction de la planète Vulcain et la
verticalité devient une scène d'action avec le plongeon de Kirk et
Sulu (John Cho) lors du forage. Le passé se confronte au présent et
se transforme en futur grâce à un trou noir qui semble réinventer
le temps tout autant que l'espace. Les bruyantes explosions des
vaisseaux sont coupées par le silence de l'espace. McCoy (Karl
Urban) s'exprime en dictons et Chekov (Anton Yelchin) baragouine
l'anglais.
L'astuce
scénaristique, d'une rare intelligence, de Star
Trek consistant à oblitérer
les habitudes de la série et des films permet à J.J. Abrams de ne pas
se focaliser sur la présentation des personnages, habituel écueil
du cinéma d'action à personnages nombreux. Un grand nombre de
spectateurs connaît les membres de l'équipe de l'USS Enterprise,
les leitmotive (« téléportation Scotty », « energize »
dans ce film). Ainsi l'apparition de Montgomery Scott (Simon Pegg) en
même temps que Leonard Nimoy annonce l'arrivée de la comédie dans
le film. Personnage râleur, bavard et accompagné d'une créature
tout en écaille, Scott est une combinaison de Kirk et Spock dans son
caractère. Cette astuce autorise aussi à lancer immédiatement le
nœud du récit, soit la guerre contre Nero. Ce dernier cherche à se
venger de Spock (mais lequel?) et à lui faire subir la même
souffrance que Nero a subi lors de l'explosion de sa planète. Là
aussi J.J. Abrams étonne en ne donnant pas le rôle des méchants aux
Klingons, il s'agissait pour lui de se réapproprier totalement Star
Trek et d'inventer un nouvel
univers.
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