jeudi 18 août 2016

Star Trek (J.J. Abrams, 2009)

Au milieu du film, Leonard Nimoy vient jouer Spock, un Spock vieux et exilé sur une planète couverte de glace, blanche comme une page sur laquelle J.J. Abrams vient écrire sa nouvelle histoire, sa version de Star Trek. Spock reconnaît le capitaine Kirk (Chris Pine) mais pas l'inverse. Le Vulcain demande s'il est le Capitaine de l'USS Enterprise, Kirk répond par la négative, tout comme il affirme qu'il n'est absolument pas l'ami de Spock qui a pris le commandement du vaisseau et l'a éjecté sur cette planète inhospitalière, pour le sanctionner de son insubordination. Spock, avec toute la logique qui caractérise son personnage, réfléchit puis comprend qu'il s'agit d'une faille spatio-temporelle. Ce qui existait dans la série originelle puis dans les films réalisés par Robert Wise et ensuite par Leonard Nimoy lui-même est un récit et des situations totalement différents de ce qui se déroule depuis plus d'une heure dans Star Trek.

Le récit en forme de palimpseste permet d'inventer la genèse de Kirk et Spock (Zachary Quinto). Le trauma de la naissance de Kirk dans un vaisseau au milieu d'explosions, la mort de son père, son enfance délinquante puis son inscription à l'Académie militaire de Starfleet. Spock est troublé par le racisme subie par sa mère (Winona Ryder) humaine qui a épousé un ponte de la planète Vulcain. Plutôt que subir l'ostracisme des élites qui le traitent de handicapé, il s'engage également à Starfleet et devient un éminent instructeur. Le film ne s’embarrasse pas de décrire la formation, préférant une ellipse de trois ans. Spock a abandonné sa famille et Kirk trouve un père de substitution, Spike (Bruce Greenwood), la capitaine de l'Enterprise. L'animosité entre Spock et Kirk a sa racine dans le test du Kobayashi Maru (vu dans Star Trek 2, la colère de Khan en 1982) censé être une épreuve phare pour devenir capitaine. Test infaillible selon Spock, créé pour évaluer le stress, mais Kirk triche et se retrouve devant un conseil de discipline.

Le caractère opposé du duo de Star Trek, soit l'impulsivité de Kirk et l'esprit logique de Spock, n'est qu'un élément du système des contraires qui draine toute le récit et les images du film. James T. Kirk met autant d'importance à connaître le prénom de Uhura (Zoe Saldana), la petite amie de Spock, qu'à chercher à vaincre Nero (Eric Bana), le chef romulien qui veut détruire Vulcain et la Terre. On passe d'un plan dans l'espace intersidéral d'une beauté sidérante à un gros plan de visage dans un bar de l'Iowa, toujours avec des lense flares en abondance. L'horizontalité se détraque lors de la destruction de la planète Vulcain et la verticalité devient une scène d'action avec le plongeon de Kirk et Sulu (John Cho) lors du forage. Le passé se confronte au présent et se transforme en futur grâce à un trou noir qui semble réinventer le temps tout autant que l'espace. Les bruyantes explosions des vaisseaux sont coupées par le silence de l'espace. McCoy (Karl Urban) s'exprime en dictons et Chekov (Anton Yelchin) baragouine l'anglais.

L'astuce scénaristique, d'une rare intelligence, de Star Trek consistant à oblitérer les habitudes de la série et des films permet à J.J. Abrams de ne pas se focaliser sur la présentation des personnages, habituel écueil du cinéma d'action à personnages nombreux. Un grand nombre de spectateurs connaît les membres de l'équipe de l'USS Enterprise, les leitmotive (« téléportation Scotty », « energize » dans ce film). Ainsi l'apparition de Montgomery Scott (Simon Pegg) en même temps que Leonard Nimoy annonce l'arrivée de la comédie dans le film. Personnage râleur, bavard et accompagné d'une créature tout en écaille, Scott est une combinaison de Kirk et Spock dans son caractère. Cette astuce autorise aussi à lancer immédiatement le nœud du récit, soit la guerre contre Nero. Ce dernier cherche à se venger de Spock (mais lequel?) et à lui faire subir la même souffrance que Nero a subi lors de l'explosion de sa planète. Là aussi J.J. Abrams étonne en ne donnant pas le rôle des méchants aux Klingons, il s'agissait pour lui de se réapproprier totalement Star Trek et d'inventer un nouvel univers.






























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