C'est
un film époustouflant, d'une beauté sidérante et je regrette de ne
pas être allé le voir à sa sortie au cinéma (parce qu'il passait
alors dans un cinéma de ma bonne ville de Grenoble où les
projections sont terriblement médiocres). Le plus incroyable dans
Cosmos,
cet ultime film d'Andrzej Zulawski, est qu'il retranscrit avec
bonheur la fougue rythmique de l'écriture de ce cher bon vieux
Gombro. Le résultat est hors-norme, totalement à l'opposé des la
plupart des films français (ici en co-production avec le Portugal
grâce à Paulo Branco), ma surprise était d'autant plus grande que
je connais très mal l'œuvre de Zulawski, je n'ai vu que quelques
films français, L'Important
c'est d'aimer, Possession
et L'Amour braque.
Marcher,
avancer sans cesse, aller d'un point à l'autre, et causer pendant
que l'on marche. Cosmos est un film entièrement au présent.
Quand les deux jeunes hommes débarquent dans le cadre, discutant
entre eux en se vouvoyant parce qu'ils ne se connaissent pas, Andrzej
Zulawski ne prend à peine le temps de présenter ses personnages. Il
fonce comme Witold (Jonathan Genet) un étudiant venu réviser et
écrire un livre et Fuchs (Johan Libéreau) en vacances, lui bosse
dans la mode. Ce qui frappe immédiatement, ce sont leurs tenues,
Witold est tout en noir, cheveux longs, Fuchs arbore des costumes
colorés (surtout pourpre) et des mèches blondes. Ils ont trouvé
une maison d'hôtes tenue par Sabine Azéma et Jean-François Balmer,
respectivement Madame et Léon.
Il
serait très présomptueux de raconter l'histoire de Cosmos,
comme de résumer un livre de Wiltold Gombrowicz. Zulawski se plait à
ne jamais arrêter de lancer des pistes narratives, de les saborder,
de les rendre mystérieuses, de les rendre comiques, de changer de
ton et de point de vue. Witold remarque un oiseau mort pendu par un
fil, avec Fuchs, il se lance dans un jeu de pistes. Ils suivent les
signes d'un râteau posé là, ils observent une limace, le chat qui
déambule dans les couloirs et escaliers de la pension de famille,
véritable dédale dans lequel ils s'enferment avec un plaisir non
feint. Fuchs se demande si la blessure au coin des lèvres de
Catherette (Clémentine Pons) la domestique, est factice.
Les
scènes les plus intrigantes de Cosmos ont lieu pendant les
repas qui suivent le même rituel mais où tout se dérègle de plus
en plus. Léon apporte les plats, madame s'assoit en parlant très
fort puis s'interrompt, comme stupéfaite, visage sans mouvement et
reprend sa conversation comme si de rien n'était. Witold est
intrigué et attiré par la belle Léna (Victoria Guerra) qui, dès
qu'elle est assise, allume une fine cigarette. A côté d'elle, son
fiancé, le timide Lucien (Andy Gillet) à qui Fuchs fait les yeux
doux et de grands sourires, d'autant plus que les verres de vin qu'il
ne cesse de se servir le désinhibent. Chacun des deux invités
semblent fantasmer sur ce couple. Après ces repas, Witold écrit sur
son ordinateur en lisant à haute voix.
Après
avoir visité chaque pièce et chaque recoin, observé les murs
décrépis et enquêté tel deux limiers sur ces animaux pendus,
Andrzej Zulawski fait sortir Witold et Fuchs de la maison. Ils
partent d'abord sur la plage, la mer est houleuse mais des jeunes
jouent au basket et Fuchs ne résiste pas à l'occasion de se frotter
à ces hommes. Witold ira dans l'eau armé de son parapluie. Puis,
c'est à toute la troupe d'embarquer en voiture pour une petite
maison où ils sont accueillis par le deuxième personnage que joue
Clémentine Pons. Son mari, habillé comme Tintin, attire encore plus
Fuchs. Dans les paysages alentours, où la neige tombe, Léon devient
le guide du film, bâton à la main, prend le pouvoir narratif,
déclamant ses étranges dialogues où il fait se terminer de
nombreux mots en latin.
Witold
s'appelle comme ça car sa « mère aimait lire du Gombrowicz »,
étonnante mise en abyme qui se poursuit avec des réflexions sur la
littérature et le cinéma entre lui et Fuchs. On cause de Grenoble,
de Stendhal, de Jean-Paul Sartre, de Madame de Rénal. Fuchs achète
le DVD du Rouge et le noir
« il est beau garçon ce Gérard Philipe, on en fait plus des
comme lui ». Fuchs préfère le cinéma, t-shirt avec le visage
de Jean Gabin, serviette avec celui de James Dean. Fuchs se sent
comme le visiteur de Théorème
de Pasolini (il court séduire les hommes sur la plage et il revient
couvert de bleus) et va câliner Witold. Et quand l'un affirme que
l'important c'est d'aimer, l'autre répond « quel titre
débile ». Je suis sorti épuisé de ce film généreux et
sublime, mais j'ai maintenant envie de me replonger dans l’œuvre
du cinéaste.
2 commentaires:
Ah, ça donne envie !
Il y a déjà un moment que je veux
revoir Possession.
Mais là, un film qui s'appelle Cosmos,
Gombro, ce que tu en dis ...
Enfin un film intrigant et insaisissable ?
Oh oui, ça fait du bien de voir ça.
Enregistrer un commentaire