samedi 30 novembre 2019

J'ai aussi regardé ces films en novembre


Proxima (Alice Winocour, 2019)
Chanson douce (Lucie Borleteau, 2019)
Knives and skin (Jennifer Reeder, 2019)
A couteaux tirés (Rian Johnson, 2019)
Le Mans 66 (James Mangold, 2019)
Je suis un peu embêté dans cette deuxième quinzaine de novembre parce que aucun de ses films ne m'ont donné vraiment envie d'écrire.
Prenons Proxima, a priori un sujet qui peut me passionner, la conquête spatiale, l'idée du voyage intersidéral mais le film reste dans la minuscule fiction familiale sur les rapports maman fillette. Je me suis demandé pendant la dernière demi-heure comment aurait-pu être le récit si l'astronaute avait eu un garçon plutôt qu'une fille. Quant on en est à se poser ses questions c'est que le film ne va pas. Quant à la part documentaire du film, c'est encore plus plan-plan. D'abord, elle passe par une voix off ensuite parce que j'avais vu Thomas Pesquet l'étoffe d'un héros sorti en août. Tout ce qu'on voyait dans ce film se retrouve dans Proxima.
J'aime beaucoup Karin Viard mais j'ai l'impression qu'on ne veut lui donner que des rôles border line. Cette nounou est bizarre, ça se voit dès l'affiche du film de Chanson douce (sous le vernis qui se craquelle se cache quelque chose d'inquiétant). Là, j'ai pensé à Tatie Danielle (diable, le film a déjà 30 ans), à cette femme indigne persuadée qu'elle a raison. Bref, il faut offrir des nouveaux personnages à Karin Viard.
Impossible de ne pas penser à David Lynch devant Knives and skin. Tiens, la dernière fois que j'ai vu un film de David Lynch c'était en 2001 et je vais continuer comme ça, y compris avec ses succédanés.
J'adore les films à la Agatha Christie (c'est dû à une tradition familiale, je les regardais avec ma mère, bien évidemment en VF). A couteaux tirés, avec son lot d'acteurs has been et never been, ressemble à ces vieilles choses que tournait Peter Ustinov mais le récit est trituré dans tous les sens pour faire moderne. La scène de crime vient en courts flash-backs dans une veine tentative de créer du suspense. Tiens, l'actrice principale vomit quand elle ment. Voilà l'idée la plus médiocre vue depuis un bon bout de temps.
Le Mans 66 s'appelle en VO Ford v. Ferrari. Effectivement, le film a parfois un côté John Ford. J'imaginais bien par moment John Wayne dans le rôle de Matt Damon et Ward Bond dans celui de Christian Bale. Les rapports entre eux rappellent les Ford des années fécondes (1946 – 1955) composés de franche camaraderie, de disputes flamboyantes et de souvenirs partagés. Le film de James Mangold a une patine agréable. En revanche, le côté Ferrari, c'est-à-dire les courses automobiles sont ennuyeuses comme un tartine de rillettes du Mans sans pain frais.

vendredi 29 novembre 2019

François 1er (Christian Jaque, 1937) + Le Bon roi Dagobert (Pierre Chevalier, 1963)

J'ai commencé le mois de novembre avec Fernandel, le le finis avec lui. 25 ans séparent François 1er du Bon roi Dagobert, la durée du règne de Fernandel sur le cinéma français. Les deux films couvent le même fantasme de l'Histoire de France, sa gloire passée, son prestige, ses souverains flamboyants. Fernandel fait un voyage dans le temps, en pleine Renaissance – mais sans croiser les artistes qui y contribuent – dans François 1er et dans l'ère mérovingienne dans Le Bon roi Dagobert, le tout avec l'accent provençal.

Ça chante au début de François 1er, c'était la mode dans les années 1930. il faut dire que Honorin, le personnage de Fernandel incarne un artiste de spectacle, ou plutôt un sous-fifre dans un cabaret ambulant et parce que le comédien a une rage de dents, Honorin reprend le rôle mais se trompe dans les paroles de la chanson sur François 1er (il dit confis d'oie au lieu de confie-toi, hilarant n'est-ce pas). Pour mieux connaître la période, sujet du spectacle, il se fait hypnotiser et se retrouve par miracle à Amboise chez la Belle Ferronière.

Ce qui m'avait marqué étant petit, quand j'ai découvert François 1er, était qu'il était parti avec son dictionnaire Larousse. Moyen bien commode de raconter le passé aux personnages historiques, dont François 1er ou Henri VIII, le roi d'Angleterre venu rendre visite à son cousin, mais aussi leur avenir. Le Larousse était toujours ouvert dans la maison familiale, comme le Quid, l'ancêtre de Wikipédia. Honorin rencontre aussi La Palice et quelques autres. Chacun de ses personnages est joué par ceux de l'époque d'où il vient.

La film a horriblement vieilli, j'en gardais un excellent souvenir, j'aurais peut-être pas dû regarder le film. Mais c'est fait. Le comique de Fernandel réside ici dans sa maladresse, ses hésitations, ses crocs-en-jambe de l'histoire, mais au lieu de le desservir, cela l'aide à se sortir de situations périlleuses, dont la plus célèbre est la torture. L'inquisition fait lécher les pieds d'Honorin par une chèvre. Pauvre bête, elle n'avait rien demandé. Cela faisait rire. Notre homme est sauvé par un fantôme qui errait par là.












Le bond dans le temps de plus de 1300 ans du Bon roi Dagobert met Fernandel dans le rôle titre face à Gino Cervi dans celui de Saint Eloi, sans sa moustache de Peppone, il est à peine reconnaissable. On évoque bien entendu la culotte à l'envers de Dagobert et aussi les inventions de Saint Eloi qui rêve d'inventer la poudre à canon. L'essentiel du comique réside dans les anachronismes, au 7ème siècle, on agit, on cause, on discute comme au 20ème siècle et on se plaint de l'absence des objets du 20ème siècle.

Le film est rarement drôle mais le casting détonne. Marthe Mercadier joue l'une des épouses du souverain (on était polygame ) l'époque. Pascale Roberts (décédée le 26 octobre) joue une espionne à la solde du frère félon du roi qu'incarne, non sans mal, Dario Moreno. L'espionne est aidée par un Jacques Dufliho qui passe une partie du film déguisée en femme de compagnie. On trouve aussi dans des petites rôles Michel Galabru en conseiller du roi, Dary Cowl en bourreau, chacun offrant sa partition habituelle.














jeudi 28 novembre 2019

Gloria mundi (Robert Guédiguian, 2019)


Je ne chronique pas sur mon blog tous les films que je vois, certains ne méritent pas une ligne. Par exemple Joyeuse retraite que j'ai vu la veille de Gloria mundi. Voilà, alors que s'approche justement la grande grève du 5 décembre sur les retraites, que le gouvernement nous serine sur une prétendue et fallacieuse égalité, sort un film aux relents macronistes. Tourné à Troyes dans l'Aube avec Michèle Laroque, la femme du maire de Troyes, Joyeuse retraite entend montrer un couple de bourgeois qui veulent quitter la France pour s'installer au Portugal.

Ce premier film, ni fait ni à faire, mal fichu jamais amusant, regorge des idéologies de la France de la droite sociale, comme disaient les journalistes des chaînes info, Borloo, Barouin, Raffarin et Juppé. Et bien entendu Macron. Oh non, il ne s'agit pas d'expatriés qui fuient l'impôt, mais on ne parle que pognon. Nicole Ferroni, chroniqueuse amusante de France Inter joue là-dedans, elle conspue une institutrice qui refuse de prendre ses enfants en retard. Mais GAG, si l'institutrice refuse, c'est parce qu'elle est en grève. On se marre bien.

Sylvie (Ariane Ascaride) refuse elle aussi de faire la grève que tente de lancer le délégué syndical. Sylvie fait partie de ces femmes dont parlaient Ruffin, celles qui nettoient la merde des autres avant que ces autres n'arrivent à leur boulot. Ces femmes qu'on aperçoit à peine. Elle se fait traiter de briseuse de grève, ce qu'on appelait jadis un « jaune » ( sans gilet). On pourrait l'accuser de ne pas prendre en compte les revendications de ses collègues mais Robert Guédiguian vient de passer une bonne partie de Gloria mundi à expliquer pourquoi elle ne peut pas faire grève.

Ce nouveau film du cinéaste marseillais prend l'exact contre pied de La Villa. On était dans un lieu calme et clos où les générations se retrouvaient, on est dans une ville bruyante, dévastée, sale où la vie est aussi sinistre que dans Les Misérables. Les scènes extérieures sont d'une tristesse incroyable. Le petit hôtel minable où va vivre Daniel Ortega (Gérard Meylan) à sa sortie de prison n'est guère mieux que sa cellule, mais ça lui convient. Il a passé 20 ans en prison, à Rennes, et il retourne dans sa ville pour découvrir sa petite fille.

Gloria mundi commence avec la naissance de Gloria, scène lyrique, la seule du film. Ça commence par une naissance et le récit est construit pour finir à une mort. C'est la force inéluctable. Je ne dirai pas qui meurt en fin de film, il n'y a pas de suspense, on peut le deviner. Je dirais même qu'on comprend. C'est terrible d'ailleurs, on en a envie, on a une irrépressible envie de foutre des claques à ces jeunes gens complètement intoxiqués au libéralisme, à la flexibilité, à l'auto-entreprise, ce piège délétère inventé avec cynisme par Chirac et Sarkozy et tant vanté par les éditorialistes.

Il faut observer les tenues des personnages. Prenons le premier couple, Mathilda (Anaïs Demoustier) et Nicola (Robinson Stévenin), elle est la maman de Gloria et elle travaille justement dans une boutique de fringues, l'un de ces magasins dans un immense centre commercial où tout est de la camelote. Mathilda avec sa jupe courte court après la mode. Nicolas lui porte un beau costume noir pour se lancer dans Uber. On dirait un croque-mort. Il passe, en début de film, des minutes pour s’apprêter, reprochant à sa copine d'à peine le regarder.

Mathilda est la fille de de Sylvie et Daniel, mais c'est Richard (Jean-Pierre Darroussin) qui l'a élevée comme sa fille naturelle. Avec Sylvie, il a une autre fille Aurore (Lola Naymark), on la déteste dès qu'on la voit avec ses fringues motif panthère (une panthère siège devant sa boutique de cash converter), elle est cassante avec ses « clients » qui viennent vendre pour rien leur camelote. Elle est mariée à Bruno (Grégoire Leprince-Ringuet). Le couple fait peur, son discours donné au premier degré, fait peur et tout inspire le mépris chez eux.

Bruno avec sa petite chemise chic (ou qu'il croit chic) et sa doudoune sans manche, fonce d'une endroit à un autre dans ces quartiers pauvres sur son scooter. Il trace sur les trottoirs en sens interdit. Parfait connard, il signe de la coke, trompe sa femme et exploite quelques types au noir. Certaines scènes en sa présence sont indécentes, rarement on n'a eu l'occasion de voir dans un film français un type aussi complaisant, aussi antipathique qui expose sa vision du monde de cette façon. A part peut-être dans la presse ultra libérale. C'est tout pour lui et rien pour les autres.

Les réunions familiales dans le salon de Sylvie et Richard sont une illusion. On imagine le couple anciens communistes, je dis ça parce qu'ils ont encore des canapés et fauteuils rouges, ça n'a l'air qu'un détail de décor mais je suis convaincu que Robert Guédiguian soigne à l'extrême tous ces détails de fringues comme d'accessoires. Et en 20 ans, ce temps où Daniel était absent, ils ont changé, c'est ce changement radical et terrifiant, depuis Marius et Jeannette en 1997 que le cinéaste a filmé dans Gloria mundi. Ainsi passe la gloire du monde.

mercredi 27 novembre 2019

Dragon lord (Jackie Chan, 1981)

Au lieu d'étudier les arts martiaux, la calligraphie et la poésie chinoise, Dragon (Jackie Chan) passe son temps à faire l'école buissonnière avec son meilleur ami Cowboy (Mars, il a là l'un de ses rares premiers rôles) qui lui rechigne à apprendre le piano. Le duo part de chez leurs pères, la mère n'est plus vivante, de la bonne société. On n'est plus dans une école de kung-fu comme dans La Hyène intrépide et La Danse du lion et aucun des deux jeunes hommes ne sont orphelins. Ils sont en revanche de sacrés chenapans qui n'en font qu'à leur tête.

Ce sont les facéties qui occupent Dragon et Cowboy. Il faut bien le reconnaître, les deux acteurs sont déjà trop vieux pour leur rôle, ils font semblant d'avoir 18 ans et d'être des gamins alors qu'ils en avaient 10 de plus. Leur jeu favori est de draguer les jeunes femmes, surtout Alice (Suet Lee) et de pisser dans la rivière. Pour cela, ils vont la voir au bord de la rivière où elle lave le linge avec d'autres femmes. Il faut surtout que Dragon et Cowboy évitent leur père respectif, M. Ho (Tien Feng) et M. Wang (Paul Chang). C'est un jeu du chat et de la souris.

Ces moments de comédie lancent le film avec un certain entrain. C'est aussi que les deux amis sont un peu couillons et semblent se complaire dans leur adolescence en se chamaillant constamment. Ils ne veulent pas grandir mais leurs hormones (ils tombent amoureux de la même jeune fille) et leur père les forcent à grandir. Le gag le plus amusant est celui du fusil de M. Wang que Dragon et Cowboy manipulent. Les deux idiots ne savent pas ce que c'est, on dirait qu'ils découvrent un hochet. Quand le coup part, le plafond leur tombe sur la tête.

Pendant ce temps, des contrebandiers ont volé des antiquités et des objets rares pour les vendre. Ce patrimoine ne doit pas quitter la Chine déclare Tigre (Michael Chan) et il va faire la guerre à ces anciens mercenaires tout juste sortis de la guerre civile (dit un des dialogues). Hélas, ses comparses ne voient pas cela d'un bon œil. Tigre s'enfuit dans la campagne tandis que le contrebandiers dirigé par un type à seul œil (Wang In-shik) font la chasse à l'homme rencontrant les deux jeunes qui eux faisaient la chasse au faisan en toute insouciance.

Les progrès faits par Jackie Chan entre La Danse du lion et Dragon lord sont énormes. Finis les zooms violents et intempestifs pendant les scènes de combat (le seul zoom est celui sur l’œil mort du chef des méchants en fin de film). Cela est surtout visible dans la première grosse scène, celle du volant d'or, soit une variation de match de football avec un volant orné de plumes. En place des zooms, Jackie Chan choisit le panoramique qui permet de filmer l'ensemble de la scène et tous les jeunes gens qui se déplacent à l'intérieur du cadre.

Ce long match trouve un écho en fin de film avec un jeu entre quatre équipes. Ils doivent d'abord aller chercher un ballon ovale en haut d'une pyramide en bambou (les corps glissent beaucoup, c'est cette scène qui figure dans le générique de fin comme bêtisier) puis ils se battent sur le terrain, là les corps volent et virevoltent. C'est d'une rapidité et d'une efficacité redoutable mais aussi d'une certaine violence et d'une brutalité primaire, du rugby primitif. Cette séquence ultime de Dragon lord est totalement déconnectée du reste du film.


Le récit est chaotique, mal ficelé, Jackie Chan passe d'une situation à une autre sans transition. Il oublie un pan narratif (celui d'Alice) et y revient 30 minutes plus tard. À vrai dire, peu importe, ce qui compte dans son troisième film est le peaufinage de son style et l'élaboration de ses chorégraphies. Dans La Danse du lion, comme dans un Shaw Brothers, le combat final était en pleine nature, dans Dragon lord, il se déplace dans un entrepôt pour utiliser les objets qui se trouvent sous sa main. C'est pas encore abouti mais c'est déjà très réussi.