mardi 31 décembre 2019

Bilan 2019


L'année touche à sa fin. C'est la belle occasion de faire un petit bilan de 2019. J'ai vu beaucoup de films, sans doute beaucoup trop, mais cette année, contrairement à 2018, j'ai trouvé 10 films que j'ai aimé et que j'aurai plaisir à revoir une prochaine fois. Cette liste comporte presque que des films indépendants, à part peut-être Vice, nommé plusieurs fois aux Oscar.

1 Synonymes de Nadav Lapid
2 Parasite de Bong Joon-ho
3 Le Traître de Marco Bellocchio
4 Vice d'Adam McKay
5 Tel Aviv on fire de Sameh Zoabi
6 Give me liberty de Kirill Mikhnovsky
8 L'Amour debout de Michaël Dacheux
9 The Lighthouse de Robert Eggers
10 Viendra le feu de Oliver Laxe.

Cette année 2019, j'ai vu beaucoup de films québécois, outre les deux films de Xavier Dolan (Ma vie avec John F. Donovan et Matthias et Maxime), j'ai vu plusieurs films indépendants (Charlotte a 17 ans, Genèse) mais aussi le blockbuster local La Chute de l'empire américain de Denys Arcand que j'ai trouvé réussi et la comédie La Femme de mon frère de Monia Chokri.

A ces choix, j'ajoute des découvertes faites en salle de cinéma ou en DVD. J'ai découvert tout au long de l'année une quinzaine de films de Richard Fleischer, je n'ai jamais été déçu. J'ai vu six films de Lucio Fulci, je suis persévérant, l'an dernier c'était des films de Dario Argento. Que réserve 2020 ?

1 ma rétrospective personnelle Richard Fleischer. Quelques chefs d’œuvre sont incroyables.
2 Gran bollito de Mauro Bolognini. Le film le plus bizarre de l'année.
3 Fanny et Alexandre d'Ingmar Bergman. Je n'en reviens pas d'avoir attendu si longtemps pour découvrir ce film.
4 L'Héritage de la chouette de Chris Marker.
5 Poil de carotte de Julien Duvivier, version muette de 1925

Je ne ferai pas de liste des flops 2019, des films que je n'ai pas du tout aimé, où je me suis mortellement ennuyé. Disons pour simplifié qu'après The Visit et Split, Glass de M. Night Shyamalan m'a paru complètement à côté de la plaque. De la même manière, j'avais beaucoup aimé The Lost city of Z de James Gray et Ad astra m'est tombé des yeux. Je crois que plus le temps avance, plus Brad Pitt m'est insupportable à regarder. Derrière immense déception après Merci patron, J'veux du soleil de Gilles Perret et François Ruffin, gros pudding indigeste. En général, le cinéma documentaire a été catastrophique en 2019 (à part M de Yolande Zauberman et Etre vivant et le savoir d'Alain Cavalier), des films moches, sans perspectives, sans véritable sujet. Par pudeur, je ne dirai rien sur la comédie française ni sur les blockbusters hollywoodiens.

Alors que dire de plus, bonne année 2020.

lundi 30 décembre 2019

Charlot nudiste (Charles Chaplin, 1914)

Durant toute l'année 1914, Charles Chaplin pour sa première année de cinéma aura ainsi tourné dans 35 films et en aura réalisé la moitié. Charlot nudiste (titre français crétin pour His prehistoric past) est le dernier film réalisé pour la Keystone. Il aura beaucoup appris en un an, gagné beaucoup d'argent (car le burlesque est le genre roi en 1914) mais décide de partir pour une autre compagne (Essanay) et quitte Mack Sennett comme tous les autres acteurs de la compagnie.

Comme de bien entendu, c'est dans un parc que commence le film (ça coûtait que dalle en décors, pas fou le Mack Sennett), un banc bancal où Charlot s'endort et songe à lui-même qui se retrouve à l'époque préhistorique. Je n'ai pas vu le film, mais partout il est indiqué que Chaplin parodie un film de David W. Griffith Genesis' man (1912), sur l'origine préhistorique de l'homme, gros sujet apparemment à cette époque.

Le monde est clair : Mack Swain domine son harem, six femmes, et ses larbins, dont Al St John qui se confond en courbettes pendant tout le film, servant même de paillasson pour Charlot. Un fou du roi, aux allures efféminés mais tatoué, divertit le roi. Le bouffon du roi est d'ailleurs vite rejeté par le macho en chef qui roule des yeux quand son larbin vient chercher des faveurs. Il va préféré l'amitié virile avec Charlot qui va s'empresser de lui piquer sa favorite.

Le comique du film repose d'abord sur quelques anachronismes. Malgré les temps ancestraux, tout le monde porte des souliers et Charlot a sa canne et son chapeau. Il fume également la pipe qu'il remplit avec les poils de sa peau de bête. Lui c'est un ours, les autres ce sont des peaux de fauves, lion et panthère. Les hommes, Mack Swain et Charlot, sont munis de gourdin pourvus de piques énormes et ils assomment à tour de bras.


Mais derrière ce burlesque, Chaplin semble dire qu'il domine ce monde comique, qu'il en le chef incontesté. C'est ce que montre Charlot nudiste, il est parti de rien, il est parvenu à détrôner les comique banal (le bouffon en début de film) et met tout le monde à sa botte. La Keystone était la préhistoire de son cinéma. Ce film est donc pour l'acteur cinéaste un bilan de son année 1914, jusqu'au réveil par un policeman, dernier sursaut du modèle Keystone dans son cinéma.


















Charlot déménageur (Charles Chaplin, 1914)

Livrer des pianos, même si ce ne sont que des pianos droits et pas à queue, pour un type aussi malingre que Charlie Chaplin est une gageure. Quand son nouveau collègue, le costaud Mack Swain, le voit arriver, il se doute bien que ça ne va pas être une partie plaisir. Charlot n'est pas seulement maladroit il est aussi paresseux, dès que Mack Swain a le dos tourné, dès qu'il est seul dans l'entrepôt, il s'affale sur les touches du piano pour tenter un roupillon. Vite dérangé par cet affreux collègue qui veut le faire travailler.

Cette faiblesse du corps, on la retrouve dans la livraison même (filmée par Charles Chaplin en décors réels, au milieu de la rue, au milieu des passants qui observent le duo comique) avec cette pauvre mule qui doit tirer la carriole avec les deux employés assis mais aussi le piano. Résultat, l'animal se retrouve les quatre fers en l'air. Certes, c'est rigolo mais j'ai un peu peine pour la mule qui semble vraiment souffrir de devoir tirer cette charge comme d'être soulevé du sol par des harnais qui la compressent.


Auparavant, on aura vu Charley Chase en patron intransigeant qui doit récupérer un piano au N°666 d'une rue et en faire livrer un au N°999. D'abord chez un grand maigre ensuite chez un petit gros. La confusion entre les deux clients n'est pas aussi développée que les variations de chute qu'effectue Charlot pendant tout le trajet, il trébuche, tombe, glisse, zigzague, titube. Aucune de ces chutes n'est similaire à la précédente et pour parfaire sa dernière chute, il joue du piano dans un lac évidemment, comme dans toute comédie Keystone.

















dimanche 29 décembre 2019

Soleil vert (Richard Fleischer, 1973)

On n'a jamais été aussi proches de l'époque où se déroulera Soleil vert, 2022. Et avec l'agent orange à la tête de la Maison Blanche, cet état de fin du monde, de pollution permanente (Richard Fleischer la filme avec un filtre orange justement, comme du sable qui s'abat en permanence sur New York) et de pauvreté d'une immense majorité de la population, semble s'approcher à grands pas. Pas un jour où les informations, les reportages et les documentaires n'annoncent qu'un dérèglement climatique ne crée une catastrophe naturelle.

Ce qui s'observe d'abord dans Soleil vert est l'environnement saturé de pauvres. Quand Thorn (Charlton Heston) sort de son appartement, il doit enjamber des dizaines de personnes, hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, en train de tenter de dormir sur les escaliers. Il passe d'un appartement modeste mais vide à cette promiscuité, cette sur-population en une seconde. Voici la normalité du film que le cinéaste déroule comme dans n'importe quelle autre scène d'ouverture, il laisse son spectateur découvrir simplement ce monde.

Thorn n'a jamais connu que ce monde, pour lui tout cela est normal, mais il vit avec un vieillard Sol Roth (Edward G. Robinson, l'acteur est décédé peu après le tournage) qui a connu les animaux, les plantes, l'air pur, les forêts et la vraie nourriture. Car en 2022, la bouffe est devenue une plaque, une sorte de biscuit. Chaque jour sa couleur de biscuit et le mardi c'est le vert, Soylent green. Les gens se battent dans la rue pour acheter du Soylent. Le produit est régulièrement en pénurie, c'est l'émeute et qui dit émeute, dit police anti-émeute.

C'est sans doute l'une des scènes les plus marquantes de Soleil vert, celle de la répression de la population par des bennes anti-émeute. Des camions traversent la foule qui proteste contre la pénurie. Des pelles dentées à l'avant des camions ramassent (à la pelle, logiquement) les manifestants et les mettent dans une benne à l'arrière du camion. Il n'est jamais vraiment expliqué ce qui advient de ces protestataires, s'ils sont morts, s'ils sont en détention, mais compte tenu du reste du film, j'ai toujours imaginé qu'ils finissent eux aussi dans l'usine de soylent green.

Avant cette scène, le film fait croire que Thorn mène une enquête, il fait figure de simple film policier avec un meurtre déguisé en cambriolage qui a mal tourné. Celui d'un homme riche Simonson (Joseph Cotten). Il vit dans une luxueuse résidence. Contrairement à Thorn et Sol Roth, il a des vrais aliments. Thorn se servira dans le frigo, steak, salade pour le plus grand plaisir de Sol. Il ne profitera aussi pour boire de l'eau, grand luxe. Voici ainsi les deux environnements décrits, un monde de très pauvres, très nombreux et celui des riches, très rares.

Le film va un peu plus que la bouffe et le logement comme facteurs de classes sociales. Dans l'appartement, Thorne découvre Shirl (Leigh Taylor-Young), jeune et jolie femme brune. Shirl n'est pas l'épouse du défunt, elle est du mobilier. Il faut voir avec quelle violence Charles (Leonard Stone), le concierge de la résidence, frappe et humilie les femmes dites de mobilier qui s'étaient retrouvées chez Shirl, coups de poing dans l'estomac, gifles. Seule l'arrivée de Thorn dans l'appartement interrompt la punition de Charles sur ces femmes.

Quand le film commence, Thorn est un personnage arrogant, sûr de lui et de son bon droit. Flic sans envergure, moqué par ses pairs, mal considéré par sa hiérarchie, il ne se rend pas compte de la corruption de la société qu'il s'évertue à défendre malgré tous les avertissements de Sol Roth et les signes autour de lui. En début de film, Thorn est un homme aveugle, son champ de vision est obstrué par l'épais brouillard orange. Quand on lui demande de fermer les yeux sur la mort de Simonson, il commence à les ouvrir petit à petit.


C'est tout autant le vieux Sol Roth, vieux Juif passionné d'Histoire (la religion a une importance grandissante dans le film, le secret du film sur la fabrication du soylent est connu par un prêtre en confession) qui rejoint ses pairs pour se rappeler quand tout était vivable que Shirl qui dessille Thorn. Son arrogance se transforme en amour pour la jeune femme qui sait pourtant que rien ne pourra changer ce monde. Oui, ça approche, plus que deux ans avant que ce brouillard orange n'envahisse, que les biscuits de soylent green ne soient dans nos estomacs.