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mardi 14 avril 2020

Ne nous fâchons pas (Georges Lautner, 1966)

La musique yéyé c'est l'enfer disait en substance Luis Bunuel à la fin de son chef d’œuvre Simon du désert, exact contemporain de Ne nous fâchons pas. Cette musique yéyé est celle de cette bande de « British » comme le dit Jeff (Michel Constantin) ancien truand reconverti dans la restauration de loisirs sur la Rivier, à son vieil ami des mauvais coups Antoine Beretto (Lion Ventura). C'était également un malfrat, un peu soupe-au-lai comme le montre le prologue, il a ouvert un commerce de bateaux, ça servira pour une scène.

Georges Lautner a beau le nier dans le commentaire audio du film, mais c'est difficile de ne pas voir cette bande de jeune Anglais habillé mods, jouant de la musique dans l'immense jardin de la maison de bord de mer, se déplaçant en mobylette, une variation sur l'éducation anglaise, cette vingtaine de jeunes gens sont les choses du boss – le colonel McLean (Tommy Duggan), ses mignons qu'il récompense d'une caresse dans leurs cheveux longs, d'un petit sourire ou les punit. Imaginer cette sexualité latente ajoute au petit plaisir du film.

Le but du jeu est de confronter les deux machos, bavards impénitents, à ces jeunes garçons qui ne diront pas un mot de tout le film – tout juste se font-ils des messes basses. Jeff et Antoine bien calés dans leur confort de nouveaux commerçants vont être délogés à grands coups d'explosifs et filer à l'anglaise pour sauver leur peau. Le film ne consiste à ça et à rien d'autre, éliminer ces chevelus qui de toute façon n'existe pas en tant que personnages. Ce qui conduit dans les dernières à du burlesque explosif qui ressemble bien plus à du Bugs Bunny qu'à du Michel Audiard.

Au milieu de tout cela, comme un lien impur et dégénéré voici Léonard Michalon (Jean Lefebvre). C'est étonnant quand même que cet acteur n'ait jamais été bon que chez Lautner, ici dans un personnage de lâche, hypocrite, menteur, pitoyable vantard, tout ce qu'on peut détester. L'acteur en fait quelque chose de bien plus vivant (donc drôle) que son personnage de frère de Bernard Blier dans Les Tontons flingueurs. Seul Jean Lefebvre semble avoir compris dans quel film il joue, il joue sa lâcheté en fanfaronnant, il provoque les catastrophes (tout ce qui arrive est de sa faute) en accusant Antoine Beretto.


Mireille Darc n'arrive qu'au bout d'une heure de film, elle est Eglantine Michalon l'épouse de Léonard. Elle a compris au bout de trois jours de mariage à qui elle avait affaire. Là encore, elle joue les ingénues devant Lino Ventura et se transforme en marâtre devant son époux qui fait semblant de ne pas comprendre « elle m'adore » disait-t-il à Beretto avant qu'ils ne la rejoignent dans son ranch dans l'arrière pays. Alors pour résumé, le film (le premier en couleurs, souvent très vives, de Georges Lautner) file vers un humour qui fonctionne quand il assume sa part impure, quand il fait des cascades, quand il suit son léger scénario, il est terriblement ennuyeux.
























Les Barbouzes (Georges Lautner, 1964)

La verve des répliques de Michel Audiard dans les films de Georges Lautner atteind dans Les Barbouzes des sommets de drôlerie. Le film est à double tranchant, il est brillant dans sa première moitié avec ces dialogues ciselés pour le trio d'acteurs Francis Blanche, Bernard Blier et Lino Ventura avant de tomber dans le train-train, dans l'habitude de ce que le dialoguiste a pu écrire. D'ailleurs, le film se termine et commence dans un train, comme quoi.

Dans ce prologue dans le train, Georges Lautner entend expliquer ce qu'est un barbouze, terme d'argot pour espion, mais dont il inverse la hiérarchie du niveau de langage. Ce sera l'argot qui fera figure de jargon dans le film et il ne sera laissé à personne le soin de dire des dialogues « naturels ». Ce registre du vrai faux – soit l'art de l'espion – se voit avec les premiers personnages du train qui ressemblent de loin à Ventura et Blier.

Les vrais sont ensuite présentés en voix off avec une ribambelle de surnoms ridicules tout en oxymore, leur déclinaison caractérise leurs qualités et leurs personnalités. Cette fois encore ils se présenteront comme auprès d'Amaranthe (Mireille Darc) comme des amis proches, forcément proches, de feu son époux. Lino Ventura devient le « cousin Ludo » que le gouvernement a chargé d'une mission : acheter les brevets.

Evidemment, aucun spectateur même pas sans doute celui de 1964 ne s'intéresse à cette histoire d'héritage. Il veut entendre Bernard Blier en pasteur suisse toute en onctuosité, avec ce petit sourire pincé et ses yeux qui se closent à moitié quand il s'approche d'Amaranthe. L'abbé perd son rictus dès qu'arrivent les trois autres affreux jojos venus pour cette même mission. Mais il ne se sépare jamais de son missel, sauf pour tenir un flingue.

Le plus génial pour jeter la verve d'Audiard reste Francis Blanche en espion russe à l'esprit slave déchirant de sa voix aiguë le calme apparent de ces funérailles dans ce beau château bavarois. « Mon cœur saigne petite sœur » dit-il en frappant du poing son poitrail. Seulement voilà, il se trompe de petite sœur, il va consoler l'amie de la veuve, sous les rires étouffés du Suisse, du Français et de l'Allemand.

Voici donc les quatre espions installés chez elle, on peut vite passer sur l'Allemand incarné par Charles Millot moins croquignolet que celui des Tontons flingueurs, on peut s'attarder sur « le fidèle Rudolph » (André Weber) porte-flingue du mari défunt, celui du lâche qui décide, qui fait avancer au moins un temps le récit en clarifiant les situations. Il y a toujours ce genre de personnage chez Lautner, c'était Venantino Venantini dans Les Tontons flingueurs.

Ce genre de gars qui sait tout sur tout, mais distille ses conseils au compte-goutte et uniquement s'il est de bonne humeur. Cela dit, Lino Ventura ne se gêne pas pour forcer ce grand maigre à coopérer et à le mettre de son côté. Chacun va éviter les mauvais coups de l'autre, les pièges des autres espions qui n'hésitent pas à faire sauter les chambres, cacher des scorpions dans les lits et mettre des micros partout (la spécialité du Suisse)


L'emballage sonore du film est sa plus grande réussite. La musique de Michel Magne est bien meilleure quand celle des Tontons flingueurs toute en crispation de piano et cordes, en ralenti puis en accéléré. C'est le l'Américain O'Brien (Jess Hahn) « remember cash ! », qui a peu de scènes mais les plus amusantes du film, avec ses jeunes dans sa Cadillac qui arrive et s'en va avec ce klaxon arrogant non sans s'être fait expulser manu militari par les autres.























jeudi 25 avril 2019

La Valise (Georges Lautner, 1973)

Rendre un court hommage à Jean-Pierre Marielle en regardant La Valise peut paraître étonnant vu que ce n'est pas son meilleur film. Depuis la mort de l'acteur, les réseaux sociaux que je fréquente, les sujets radio que j'entends, donnent une réalité de ce que Jean-Pierre Marielle a réalisé en 40 ans de carrière au cinéma. Ils sont finalement peu nombreux à pouvoir se targuer d'apparaître presque toujours avec un visage unique et d'avoir joué des rôles si différents. Cette moustache au milieu de son visage, bien plus imposante que celle de son acolyte Jean Rochefort, était somme toute le centre du génie de son jeu.

On a beaucoup cité son personnage de musicien janséniste dans Tous les matins du monde d'Alain Corneau, beaucoup moins celui de gros beauf libidineux d'Un moment d'égarement de Claude Berri, on a beaucoup entendu des répliques merveilleuses des films de Joël Séria avec lequel il a fait plusieurs films dont l'émouvant et anarchiste Les Galettes de Pont-Aven. Ce qui ressort chaque fois est l'émotion de sa voix caverneuse dans les drames où il prêtait son corps et la délicatesse avec laquelle il parvenait à sortir les pires horreurs. On a entendu de nombreuses de ses répliques, quelques dialogues cocasses depuis deux jours.

Les deux touchent au sublime dans Tenue de soirée de Bertrand Blier. La scène mérite d'être décrite par le menu tant ce qu'il produit autour de Gérard Depardieu, Miou Miou, Michel Blanc et Caroline Silhol est digne des plus grands. Depardieu et sa bande ont cambriolé chez Marielle, un type dépressif. Ce dernier leur offre le couvert. Puis le trio veut partir mais Marielle, avec regret, sort son flingue car il veut avec sa femme une partie fine. Tous refusent mais Jean-Pierre Marielle sort à Depardieu avec un vouvoiement et un naturel que seuls les films de Blier produisent ceci : « Moi j'veux vous voir baiser ma femme, un par devant, un par derrière, Pendant ce temps-là, j'vous enculerai. »

L'acteur avait alors 54 ans et une ribambelle de succès parmi eux La Valise. Rien à voir avec le jeu de RTL mais c'est un film d'espion comme seule la France en concevait, en parodie romantique. Trois espions, trois pays, trois cultures et une seule femme, Françoise (Mireille Darc) artiste de cabaret que le commandant Bloch (Jean-Pierre Marielle), des services secrets israéliens rencontre à Tripoli. Or les Libyens ne sont pas franchement amis avec les israéliens, ou les israélites ou les juifs comme le dit le capitaine Augier (Michel Constantin). Ce dernier travaille pour la France et doit sortir Bloch de son pétrin : il s'est réfugié dans l'ambassade de France et il sera exfiltré par la valise diplomatique. Soit une vraie valise, une énorme valise qu'il va trimballer pendant tout le film.

Seulement voilà, rien ne se passe comme prévu, sans quoi le film n'aurait qu'une courte durée et serait un simple reportage sur l'espionnage. La première galère vient d'une grève à l'aéroport. Retour à l'hôtel où Bloch a rencontré Françoise. Il commence à raconter à Augier dans plusieurs flash-backs comment il l'a rencontrée, comment il l'a séduite, comment il en est tombé amoureux. La jalousie gangrène sa tranquillité voilà la nouvelle galère. Il demande à Augier d'aller la surveiller et ce qui devait se passer se passe, Augier tombe lui aussi amoureux de Françoise. Comme plus tard le milliardaire grec Baby (Michel Galabru) puis le lieutenant de l'armée égyptienne Abdul (Amidou), le tout à travers la Libye, la Tunisie et l'Egypte.


Ce qui compte dans les rapports entre les hommes et la femme ce sont les disputes continuelles qui entraînent des quiproquos, des retards dans leur itinéraire. On se déplace en voiture, en jeep, en avion, en chaloupe. Chaque fois, ce pauvre Bloch est obligé de se réfugier dans sa valise, coincé comme un couillon, engoncé et chaque fois, il peste comme un beau diable en sortant un complainte sonore particulièrement douloureuse, un « oïe yoïe yoïe yoïe » que seuls la voix et le ton de Jean-Pierre Marielle a pu créer. Ce son est hilarant, il apporte une drôlerie irrésistible à une histoire particulièrement cocasse surtout quand le cinéaste et son scénariste Francis Veber lorgnent un peu trop du côté du burlesque franchouillard facile. Logiquement ce plus qu'apporte Jean-Pierre Marielle méritait qu'il reçoive le dernier plan du film.