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jeudi 22 octobre 2015

Seul sur Mars (Ridley Scott, 2015)



Dans Interstellar, ce pauvre Matt Damon était abandonné sur une planète glacée. Le film de Christopher Nolan se plaçait dans un futur de fin de civilisation, Seul sur Mars de Ridley Scott semble se dérouler aujourd’hui mais dans un monde où l’homme aurait posé le pied sur la planète rouge depuis des années. Mars n’est pas habité, seulement étudié par une équipe d’astronautes, hommes et femmes d’une quarantaine d’années. Quand une terrible tempête menace la mission et ses membres. Superbe séquence d’ouverture qui commence dans la plus grande clarté d’horizon (on découvre les lieux avec ses montagnes et son désert rouges), pour passer à une image ultra saturée par le sable qui empêche de voir quiconque. Voilà pourquoi les cinq équipiers quittent précipitamment les lieux dans la capsule spatiale pour rejoindre le vaisseau. Ils croient Mark Watney (Matt Damon) mort. Comment pourrait-il être vivant compte tenu de la violence de la tempête ?

Watney n’est pas mort. Il ne va pas bien, il doit d’abord soigner une vilaine blessure. Puis, il doit envisager comment tenir, c’est-à-dire survivre jusqu’à l’arrivée de la prochaine mission sur Mars. Pas moins de 3 ans. Les rations ne seront pas suffisantes, il faut inventer un nouveau mode de consommation. Le film se lance dans un défi amusant : faire un documentaire sur l’agriculture sur Mars. Comment trouver de l’engrais, comment arroser les plantes, comment trouver des graines, comment fabriquer une serre. Watney s’enregistre pour la postérité. L’autre défi est de taille : faire savoir à Houston qu’il est encore vivant. La technologie moderne est obsolète, Mark Watney et les ingénieurs sur Terre vont utiliser la vieille technologie de la fin du 20ème siècle. L’ironie est superbe de devoir constater que les vieilles méthodes et les anciennes manières de faire fonctionnent mieux que les nouvelles. Symboliquement, ce cher Ridley Scott rappelle qu’il a été un pionnier du film interstellaire depuis Alien.

Par son ton placide et parfois ouvertement comique, Seul sur Mars se démarque des films catastrophe qui se passent dans un voyage intersidéral. Le sauvetage n’est pas hystérique comme dans Apollo 13 de Ron Howard, la métaphysique new-age qu’on trouvait dans Mission to Mars de Brian De Palma ou dans Interstellar est absente, Matt Damon ne fantasme pas sur l’être cher comme Sandra Bullock dans Gravity, pas de bondieuserie comme dans Contact, c’est d’ailleurs le plus étonnant. Deux coups de théâtres morcellent le récit, deux explosions, celle de la serre martienne et celle d’une navette spatiale sur Terre. Ses secousses attendues relancent le récit, mais le ton reste le même car la routine doit reprendre, notre Martien doit trouver de quoi manger et imaginer comment il va rentrer sur Terre. Les ingénieurs de Houston doivent réparer les machines. Plus qu’à ces films d’espace, Seul sur Mars me fait penser à Mad Max Fury Road, mais en mode inversé. Dans le film de George Miller, un seul moment de calme rompt la poursuite pour mieux le relancer.

Le titre français Seul sur Mars rappelle celui du film de Robert Zemeckis, Seul au monde. Matt Damon n’est pas seul comme l’était Tom Hanks. Ce dernier n’avait qu’un ballon comme compagnon. Assez vite, le personnage de Matt Damon peut communiquer avec la planète Terre. Seul certes mais pas solitaire. Le film fait un retour sur un concept un peu oublié dans le cinéma américain, celui de la dernière frontière, celui de la mythologie de la conquête d’un nouvel univers. Mark Watney est le seul habitant de Mars, en faisant pousser ses pieds de pomme de terre, il en devient le premier colon, un pionnier de la conquête spatiale. Il exprime à voix haute cette idéologie, puis enchaine sur l’idée qu’il est aussi un pirate. Le titre original The Martian, le Martien correspond bien mieux à ce concept de dernière frontière. Personne n’aurait cru, à ses débuts il y a près de vingt ans, que Matt Damon pourrait incarner ce genre de personnages, ce héros typiquement américain. Il faut se rappeler que c’était lui le soldat Ryan à sauver, finalement rien d’étonnant.

samedi 17 octobre 2015

Crimson Peak (Guillermo del Toro, 2015)

Enfant, Edith (Mia Wasikowsksa) a reçu la visite fantomatique de sa mère qui lui a dit de se méfier de Crimson Peak, la colline cramoisie. Cela a dû la marquer, car adulte elle ambitionne de devenir écrivaine. Non pas comme Jane Austen, la célibataire endurcie qui a écrit des nouvelles romantiques, mais comme Mary Shelley, la croqueuse d'hommes qui a inventé le gothique anglais. Elle va pourtant se laisser marier par Thomas Sharpe (Tom Hiddelston), un baronnet qui représente tout ce qu'elle déteste. Qui plus est, cet aristocrate est un intriguant qui cherche de l'argent pour extraire et vendre son argile. Le film se fait souvent une critique acerbe du capitalisme sournois. Mais les opposés s'attirent et elle abandonne celui qui est amoureux d'elle, le fringuant Alan McMichael (Charlie Hunnam), l'employé de son père. Elle quitte son Amérique natale pour le sinistre Cumberland. Le château des Sharpe est délabré. Le toit est en lambeau et des feuilles, puis la neige tombe sur le sol de l'entrée. Dans Crimson Peak, le château est aussi vivant que les fantômes qui encombrent les couloirs. La demeure est construite sur de l'argile rouge comme le sang, qui coule et se répand partout. Le château est aussi effrayant que la sœur de Sir Thomas. Lady Lucille (Jessica Chastain) règne en maîtresse de maison, aussi terrible que la femme de chambre de Rebecca d'Alfred Hitchcock. Chez Guillermo del Toro, la monstruosité est moins chez les revenants que chez les aristocrates engoncés dans leurs costumes étriqués de cette Angleterre victorienne. Les fantômes, ectoplasmes volants, sont dessinés comme des peintures animées, le sang volette comme lancé par un coup de pinceau. Dire que le film est sublime est un doux euphémisme. C'est tout un code de couleurs que Guillermo del Toro développe, la neige maculée de rouge, les cheveux blonds contre les cheveux noirs, les fantômes noirs et les fantômes rouges. Les secrets, tous plus atroces les uns que les autres, enfouis dans l'argile seront révélés petit à petit à cette pauvre Edith qui assume dans Crimson Peak le rôle du narrateur innocent.