Je
n'avais jamais vu The Great train robbery que Maurice Bardèche
et Raymond Brasillach décrivent dans leur « Histoire du cinéma
en deux volumes » comme « le premier film narratif
américain ». Un peu moins de 11 minutes (sur le DVD Retour de
flamme Volume 3) et 14 plans sans inter-titre. Mais chaque plan
révèle un détail qui montre que le réalisateur Edwin S. Porter
n'a pas été « prisonnier de l'optique théâtrale »,
c'est-à-dire en substance qu'il ne se contentait pas de faire jouer
l'action le temps de la durée de l'enregistrement de la bobine.
Inspiré
d'une histoire vraie (déjà en 1903), celle de l'attaque d'un train
par Butch Cassidy, le film déroule son récit linéaire. Plan 1, les
gangsters pénètrent dans le bureau du télégraphe pour empêcher
l'employé de signaler l'attaque du train. Sur la droite, la fenêtre
permet de voir le train arriver en gare par un trucage, sans doute
une transparence. Ce procédé sera à nouveau utilisé dans le plan
3, toujours sur la droite, l'action se situant dans le train et cette
fois, c'est le paysage d'arbres qui défile dans le trucage pour
faire illusion que le train se déplace.
Dans
ce même troisième plan, l'un des gangsters (ils avaient grimpé
dans le train au plan 2) tire à bout portant sur l'employé du train
puis sur le coffre. La fumée du revolver est alors teinte en couleur
rouge. C'est le premier assassinat du film, le télégraphiste a
seulement été assommé. Le deuxième mort vient dans le plan 4 sur
la locomotive en mouvement, en travelling avant. Un faux plan unique,
le conducteur de la loco est tabassé par un gangster, puis jeté
hors du train. On remarque que c'est un mannequin de tissus qui a
pris la place de l'acteur dans ce montage raccord et invisible.
L'attaque
du train se poursuit (plans 5 et 6) avec le dépouillement des
passagers qui descendent des wagons les uns après les autres. L'un
d'eux tente de s'échapper, il sera abattu dans le dos et s’écroulera
sur les rails. Les bandits, leur butin en poche, s'enfuient à bord
de la locomotive (plan 7), abandonnant les autres wagons. Puis, le
plan 8 filme d'abord les gangsters sortant du train et se poursuit
par un panoramique sur la gauche qui suit les gangsters dans leur
fuite au milieu de la forêt. Ils s'enfuient à cheval (plan 9).
Mais
la justice doit reprendre son cours, c'est ainsi que Hollywood s'est
façonné. Dans le plan 10, la fille du télégraphiste, dont la robe
est teintée en violet, le libère. Pendant ce temps, en montage
parallèle (plan 11), chose inédite, le shérif et ses amis entament
une danse endiablée (là encore les fumées des coups de feu sont
teintés sur Bronco Billy qui joue le rôle du pied tendre).
L'employé du télégraphe arrive pour les prévenir. La danse
s'interrompt, les justiciers se saisissent de leurs revolvers.
Les
deux derniers plans de l'action (12 et 13) concernent la poursuite
dans la forêt d'arbres dont la verticalité évoque les barreaux
d'une prison. La poursuite à cheval procure de nombreux coups de feu
teintés. Puis, c'est l'affrontement, au premier plan, les bandits,
au fond du cadre, le shérif et entre les deux, les chevaux. Les
bandits sont abattus, le butin récupéré. Le dernier plan est le
plus célèbre du film, un gros plan coloré d'une homme moustachu
qui tire face caméra en direction du public. J'imagine qu'il a dû
terrifier plus d'un spectateur de 1903.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire