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dimanche 14 octobre 2018

Le Cavalier électrique (Sydney Pollack, 1979)

Willie Nelson chante a cappella une chanson « Mamas, don't let your babies grow up to be cowboys ». Cow-boy, le pire métier des Etats-Unis, le court prologue montre le destin de Sonny Steele (Robert Redford) de 1969 à 1979, champion du monde de rodéo à cinq reprises, vedette du grand ouest, il devient rapidement l'image de marque d'une grosse boîte AmpCo, il est sur toutes les boîtes de céréales et fait la promo déguisé avec des guirlandes électriques. Il est très populaire mais devenu alcoolique et ingérable.

Willie Nelson joue Wendell, le meilleur ami de Sonny, une sorte d'imprésario qui fait en sorte, avec un troisième comparse Leroy (Timothy Scott) de surveiller Sonny, de faire en sorte qu'il arrive à peu près à l'heure, à peu près sobre et à peu près de bonne humeur à ses rendez-vous et à ses galas. En ouverture du Cavalier électrique, c'est à Las Vegas pour une conférence de presse organisée par AmpCo. « Pourquoi êtes-vous arrivé avec 45 minutes de retard » demande Hallie Martin (Jane Fonda), une journaliste new-yorkaise qui a décidé de se payer le cow-boy.

Le mec traîne une sale réputation, preuve à l'appui par Sydney Pollack qui le montre connaissant à peine le texte, pourtant simpliste voire infantile, de sa publicité. C'est une critique acerbe, mais aussi naïve de l'industrie, du commerce, de la publicité, il est montré le cynisme lors d'une discussion avec le patron de AmpCo, le cravaté et peu souriant Hunt Sears (Jon Saxon), un homme d'affaires sans vergogne toujours accompagné de ses avocats. Son prochain coup est de faire un show à Las Vegas avec un pur-sang nommé Rising Star.

Seulement voilà, dès le premier coup d’œil, Sonny remarque que le cheval est sous stéroïde, totalement anesthésié, tout ça pour qu'il ne s'excite pas sous les lumières, à côté des danseuses aux tenues aux couleurs criardes, à la musique kitsch. Sonny s'énerve, d'autant qu'il constate que le tendon du cheval est abîmé. Il grimpe sur la monture, allume ses guirlandes et traverse la scène, sous les applaudissements avant de s'enfuir du casino et de Las Vegas, sans rien dire à personne. Son long périple dans le désert pour rendre sa liberté au cheval commence.

Hallie est intriguée par la fuite de Sonny. Elle le trouve peu sympathique, il l'a même giflée lors de leur deuxième rencontre. Mais elle est d'autant plus intriguée qu'elle a encore moins de sympathie pour Sears et AmpCo qui décide de pourchasser Sonny comme un criminel. Hallie pose deux trois questions à Wendell et Leroy, qui disent ne pas savoir où Sonny se trouve mais elle avance rapidement dans ses recherches, bien plus vite que la police. La voilà qui se retrouve à quelques encablures de Las Vegas dans une grotte où Sonny soigne le cheval.

Elle va donner l'occasion à Sonny de dire sa vérité, elle a apporté sa caméra, elle postera une cassette à la télévision. Puis, elle va revenir voir Sonny et le suivre dans une longue pérégrination vers le nord, du Nevada à l'Utah. Hallie, peu expérimentée, habituée aux voitures, au métro new-yorkais et au confort a eu l'idée saugrenue de mettre des bottes au talon haut. Et elle râle et lui maugrée, ils n'arrêtent pas de se chamailler. Ils sont donc faits pour s'entendre et vont le comprendre petit à petit, élaborant une romance douce et aux atours comiques.


La partie politique, à Las Vegas, était un peu candide, la partie montagne et randonnée (puisque Sonny abandonne la camion dans lequel il transportait Rising Star) est superbe, les belles chansons de Willie Nelson parsèment le récit. Une course poursuite amusante (cheval contre voiture de police), de beaux paysages, des habitants du coin qui soutiennent l'initiative de Sonny, la deuxième partie est sereine et calme, souvent amusante avec ce duo qui devient complice, chacun apprivoisant l'autre tels deux chevaux sauvages qui découvrent une nouvelle liberté.





















dimanche 7 octobre 2018

Tout va bien (Jean-Luc Godard & Jean-Pierre Gorin, 1972)

« On a raison des séquestrer les patrons / Grève illimitée ». Le patron est joué par Vittorio Caprioli. L'acteur italien est peu connu mais a quelques rôles marquants, outre l'homme du marché aux puces dans Zazie dans le métro, on le reconnaît dans Le Magnifique, il est le patron de la maison d'édition de Belmondo et aussi le méchant dans les récits d'aventure qu'il écrit, dans L'Aile ou la cuisse il est le restaurateur frustré qui oblige Louis de Funès sa choucroute en disant « c'est dégueulasse, hein ? » avec une pointe d'accent italien. Pour Godard et Gorin, Vittorio Caprioli est idéal en patron, forcément dégueulasse, l'homme qui dirige cette entreprise de charcuterie industrielle depuis 1967.

Mai 1972, quatre ans après mai 68, son usine est occupée par ses ouvriers. Il n'entre en scène qu'au bout de 10 minutes, éjecté de son bureau telle la foule de la cabine dans Une nuit à l'opéra des Marx Brothers. Ici, il s'agit d'un autre marxisme, tendance léniniste. Godard et Gorin présentent dans ces dix premières minutes leur projet pour Tout va bien, avec un générique, chose qui n'était pas arrivé dans le cinéma de Godard depuis La Chinoise. Son travail dans le Groupe Dziga Vertov s'achève avec ce film, tout comme sa vie avec Anne Wiazemski qui apparaît en fin de film. Au générique pour la première fois apparaît le nom d'Anne-Marie Miéville.

Deux voix dans ces dix premières minutes s'interrogent sur ce qu'il faut pour faire un film, ça consiste d'abord avec un budget (les chèques que le producteur signe – Jean-Pierre Rassam, le beau-frère de Claude Berri), les acteurs engagés, Yves Montand et Jane Fonda et le sujet « les bourgeois qui bourgeoisent, les paysans qui paysannent et les ouvriers qui ouvrièrent ». Quelques vignettes en plan fixe, comme dans un burlesque muet, décrivent les classes sociales de la France pompidolienne, celle qui écoute RTL, Europe 1 qui regarde Léon Zitrone à la télévision donner des nouvelles de Lecanuet et de Mitterrand. C'est cette France assoupie que décrit Tout va bien.

L'usine est occupée, Tout va bien se passe dans cette usine découpée en tranches comme la maison du Tombeur de ces dames de Jerry Lewis. Avec sa caméra, les cinéastes traversent toutes les pièces de cette maison de poupées, en haut à gauche le bureau du patron qui est séquestré avec Suzanne (Jane Fonda) et Jacques (Yves Montand), elle est journaliste à ABS, une radio américaine, il est cinéaste, il n'arrive pas à tourner un film, alors il fait des pubs pour les slips et collants Dim, on les voit sur leur lieu de travail respectif, elle enregistre des chroniques en anglais (pas de sous-titres), il fait danser des filles sur une estrade et les filme.

Parce que ses collègues la désignent comme la spécialiste du gauchisme en France, Suzanne est allée dans cette usine, elle voulait poser des questions au patron, mais elle se retrouve dans la même pièce que le patron, avec Jacques aussi, ils sont enfermés. Dans la pièce à côté, on déchire à grande joie les dossiers, dans l'escalier à droite, on entonne des chansons révolutionnaires, entre l'escalier et cette pièce, on discute politique, Parti Communiste, délégation syndicale, CGT, on s'amuse à ne rien faire. Une ouvrière cause au téléphone avec son mari pour lui annoncer que, comme lui le mois précédent, elle occupe l'usine.

Godard et Gorin veulent aussi montrer les conditions de travail. Malins, ils mettent Montand et Fonda dans l'usine, elle fabrique des saucisses, il découpe des carcasses de porc, après tout ce sont des acteurs, ils peuvent tout jouer même si ce sont des stars. Encore plus malins, les cinéastes montrent par l'absurde le harcèlement du patronat. Le patron veut aller pisser, un ouvrier lui déclare qu'il doit le faire dans les mêmes conditions que lui, 3 minutes chrono pour aller de son bureau jusqu'à l'autre bout de l'usine. C'est une petite revanche mais ça en dit long sur la vie des ouvriers spécialisés comme on dit.


Au bout de quelques chansons, de quelques engueulades, de quelques disputes, cinq jours se sont passés. Nos deux stars se retrouvent chez elles, c'est le Godard plus classique (et Tout va bien est un film fait pour être classique) qui se dessine avec les querelles de couple et la conscience de la vacuité de leur propre boulot. Le film se termine par un long plan séquence de près de 10 minutes sur les cadences infernales dans une grand surface Carrefour. Une bande de gauchistes vient tout renverser avant que des CRS n'interviennent et remettent tout en ordre. Godard lui en aura finit avec son cinéma politique et partira ailleurs, à Grenoble avec Anne-Marie Miéville puis en Suisse.























lundi 1 octobre 2018

On achève bien les chevaux (Sydney Pollack, 1969)

Ce mois d'octobre est celui de Jane Fonda qui va recevoir le Prix Lumière à Lyon. Quelques films vont être projetés dans une bien meilleure qualité, j'en suis sûr, que ce vieux DVD mal fabriqué avec lequel j'ai vu On achève bien les chevaux (dans la version française, Jane Fonda se double elle-même, avec son léger accent américain, c'est assez étonnant). Je connais mal les films de Sydney Pollack, j'en ai peu vus, alors je me lance sur ce récit de longue haleine à bride rabattue situé en 1932 dans les Etats-Unis du Herbert Hoover, le président qui avait choisi de ne rien faire avant que Roosevelt ne le batte à plate couture et lance le New deal.

Un coin des Etats-Unis, l'Americana comme dirait Michel Ciment, au bord de l'océan, une salle de spectacle avec une piste où des pauvres s'engagent pour se lancer dans un marathon de danse. Ce sont d'abord les inscriptions des candidats où des médecins et des infirmières confirment si l'homme ou la femme peut participer au concours dont la récompense est 1500 $. Ici un homme a une angine, il est recalé, là une femme est enceinte (Bonnie Bedelia) elle peut concourir. Ce défilé des candidats permet à Sydney Pollack de se focaliser sur quatre duos de danseurs parmi la centaine mais aussi de montrer le maître de cérémonie, l'animateur du marathon, Rocky (Gig Young).

Cette femme enceinte Alice est accompagnée de son mari James (Bruce Dern), les autres regardent le couple avec un certain mépris, mais c'est de Gloria (Jane Fonda) que viendront les plus grands reproches. Gloria était venue avec cet homme qui a l'angine, seule, elle va se rabattre sur un gars timide, un peu paumé, venue du trou du cul de l'Amérique. Robert (Michael Sarrazin) est l'antithèse de Gloria, elle est cynique, vindicative, ne laisse pas marcher sur les pieds, Robert est timide, taiseux, faible de caractère mais ils vont faire équipe, bon gré mal gré. Robert le confie vite, il ne sait pas danser mais peu importe il faut rester debout et en mouvement.

Le marathon de danse dure dans On achève bien les chevaux quelque 44 jours, avec des régulières pauses scandées par une sonnerie stridente. Il ne restera qu'une dizaine de couples. Sydney Pollack s'intéresse à deux duos, un vieux marin (Red Buttons) et sa partenaire, Alice (Susannah York) une actrice en devenir blonde comme une vamp. Chacun va à tour de rôle faire une show en solo sur l'estrade et récolter quelques pièces lancées par les spectateurs venus soutenir, encourager et applaudir les danseurs. Parmi ces supporters, une vieille dame, Madame Laydon (Madge Kennedy) qui est persuadée que Gloria et Robert vont gagner le marathon.

Le marathon entraîne la fatigue, la rancœur augmente, surtout celle de Gloria quand elle se confronte à Rocky avec une idée simple, est-ce un concours ou un spectacle. Rocky enchaîne les épreuves humiliantes et éliminatoires tel le derby où les candidats doivent courir pendant 10 minutes, une course menée jusqu'à l'épuisement, filmée avec une caméra immergée au milieu des danseurs, c'est dans cette forme entre la vitesse du spectacle et la lenteur du concours que Sydney Pollack trouve son rythme jusqu'au finale double d'une grande cruauté, on connaît les perdants du marathon mais pas les gagnants.


Jane Fonda a beau être la star du film, ce n'est pas elle qui possède le point de vue sur le récit mais plutôt le candide Robert. Ce dernier est cet enfant des grandes plaines en ouverture du film, un enfant qui observe son père abattre un cheval qui s'est blessé (la dernière phrase est celle du titre, dite par Robert). Tout au long du film, on retrouve Robert dans un flash-forward très stylisé, à l'opposé du réalisme du reste du récit. Il est arrêté, jugé et emprisonné sans que le spectateur ne sache de quoi il retourne, histoire d'apporter un léger mystère, pas forcément très utile, dans ce parcours du combattant.