Affichage des articles dont le libellé est Joe Dante. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Joe Dante. Afficher tous les articles

mercredi 13 mars 2019

The Hole (Joe Dante, 2009)

Le 30 janvier dernier, l'acteur Dick Miller disparaissait. Dick Miller ne fait qu'une courte scène dans The Hole et encore, il ne dit pas un seul mot. Il joue un livreur de pizza qui vient livrer aux trois ados de quoi se sustenter. Traverser les films de Joe Dante c'est aller à la rencontre de Dick Miller. Pour moi, c'est sans doute dans The 'Burbs qu'il trouve son rôle le plus marquant dans un film jouissif, celui d'un éboueur dans une banlieue typique du cinéma. Dick Miller est l'acteur signature du cinéma de Joe Dante

C'est dans ce même genre de banlieue que Dane (Chris Massoglia), son petit frère Lucas (Nathan Gamble) et leur mère (Teri Polo) viennent vivre. Chaque fois que Joe Dante filme une banlieue, en général bien conformiste, très WASP, sans aspérité comme dans Gremlins et The 'Burbs, quelque chose de monstrueux surgit, quelque chose de démoniaque est enfoui en son sein. Dans The Hole, pour ne pas changer, c'est dans la cave que les deux frères découvrent un trou. Un trou pourtant fermé par une trappe scellée de six cadenas.

Ils s'empressent de prendre un caméscope, de l'accrocher au bout d'une corde et d'aller filmer le trou. Il faut surtout cacher tout ça à leur maman, c'est un secret de frangins, une activité entre eux. Par contre, ils en parlent à leur jeune voisine Julie (Haley Bennett) qui vient se joindre au duo. Le film joue aux caractères opposés, Dane est renfrogné, l'éternel blasé, Lucas est au contraire toujours sur le qui-vive, jovial. Entre Dane et Julie, Joe Dante n'essaie pas longtemps d'esquisser un flirt qui pousserait le film vers le teen-movie.

Au contraire, il prend bien soin de ne pas se détourner de ce trou. Il montre sur la télé du salon ce que le caméscope a enregistré. Distraits par leur mère, les frangins ne voient pas ce que le spectateur voit sur l'écran télé : un œil qui les observe, un œil qui vit dans ce trou obscur. C'est pile quand il apparaît qu'ils ont détourné le regard. C'est ballot, s'ils avaient regardé, ils n'auraient peut-être pas cherché à savoir ce qui se cache là-dedans et ne se seraient pas lancé à corps perdu dans la gueule du démon.

Dans cette terreur démoniaque, il ne faut chercher de la subtilité. Joe Dante se contente de faire sursauter le spectateur. C'est bien le moins. La beauté de sa mise en scène se cache dans deux séquences, celle de la rencontre avec Creepy Carl (Bruce Dern), surnom sur lequel bute chaque fois Dane (il l'appelle Freaky Freedy). Ce Carl, l'ancien habitant de la maison au trou, s'est réfugié dans une usine désaffectée. Il s'est entouré dans ce lieu immense de lampes qui le rassurent. Car malgré son nom, Carl n'est pas celui qui fait mais c'est lui qui a peur.


La peur, voilà le mal dont souffre nos trois jeunes héros. Une poupée clown ici, un souvenir d'enfance là et un père absent et violent. La plongée littérale dans le trou est l'occasion de Joe Dante de remonter aux origines de la peur au cinéma : le cinéma expressionniste allemand en général et Le Cabinet du Dr. Caligari en particulier à qui le grand finale tarabiscoté rend hommage. Une chute dans le subconscient aussi brillante que la traversée des tableaux de maîtres dans Les Looney Tunes. Depuis ce film, le dernier à être sorti en France, Joe Dante a surtout tourné pour la télé.





















jeudi 29 décembre 2016

Gremlins 2 La Nouvelle génération (Joe Dante, 1990)

Six ans plus tard, Billy (Zack Galligan) et Kate (Phoebe Cates) ont quitté leur petite ville de banlieue et sont en couple. Bizarrement, elle dit vouloir attendre pour se marier d'avoir plus d'argent. Ils vivent désormais à New York et bossent pour CCN dont le patron Daniel Clamp (John Glover), un golden boy inspiré de Donald Trump (y compris son nom), a imposé à ses employés de nouvelles règles. Tout d'abord une surveillance constante, prolongeant la thématique lancée par L'Aventure intérieure. Ainsi un pauvre employé se fait virer pour avoir fait une pause (on pense à Charlot dans Les Temps modernes qui fume une clope et se fait engueuler par son patron). Les inventions du père de Billy sont ici remplacées par la technologie défaillante dont est équipé le building.

Il est le pendant moderne et ultra libéral de Madame Deadle la mégère du premier Gremlins. Il veut construire à Chinatown un complexe ultra-moderne (paresse stéréotypée du scénario) en chassant le vieux marchand (Keye Luke) propriétaire du mogwai. C'est Billy qui dessine les plans de cette immense pagode qui va remplacer la modeste boutique du vieil homme. Dans Gremlins 2 La Nouvelle génération, Joe Dante ne s'embarrasse pas de raccords scénaristiques. Il fonce et fait venir le petit Gizmo dans le building où travaille Billy et Kate (elle fait visiter l'immeuble à des touristes). Gizmo se retrouve au dernier étage dans un laboratoire étrange où l'on pratique des recherches génétiques. Malin, il s'échappe, mais pas futé, il se fait mouiller. Et c'est reparti pour un tour.

Rarement Gizmo n'aura été aussi insipide, d'ailleurs il cède vite la place aux méchants gremlins et quand il apparaît, c'est avec des effets spéciaux d'une rare laideur. Les gremlins sont laids comme des gargouilles, vicieux, démoniaques mais leur chef est plus malin. Dans ce laboratoire secret dirigé par un savant forcément fou incarné par Christopher Lee et assisté par deux jumeaux (Don et Dan Stanton), les gremlins ingurgitent toute sorte de produits et l'un acquiert la parole, un autre se transforme en électricité, un troisième en arachnide géante ou encore un en vampire effrayant qui attaque ce pauvre Murray Futterman (Dick Miller) venu rendre visite à Billy. La chasse commence. Tout aura lieu dans le building de Clamp qui sera petit à petit détruit.

Dans cette année 1990 où le film sort, Joe Dante fait référence à quelques films récents, bien sûr la franchise Batman relancée un an plus tôt par Warner Bros grâce à Tim Burton, mais cet immeuble et les événements qui s'y déroulent rappellent aussi Piège de cristal. Gizmo revêt un bandeau à la Rambo 2 après avoir vu le film à la télé (encore un effet désastreux du petit écran) mais on pense plus à John MacLane. Gremlins 2 La Nouvelle génération aborde également le passage dans les médias américains à la tyrannie du direct et à l'immédiateté de l'info. Deux émissions télé sont présentés comme des produits épouvantables, celle des recettes de cuisine avec une Kathleen Kennedy totalement ivre ou le vieux présentateur déguisé en Dracula qu'est Robert Prosky.

Les gremlins s'amusent à parodier les films des années 1930, l'un d'eux grimpe sur une maquette de gratte-ciel tel King Kong, un autre porte un masque tel le Fantôme de l'opéra, ou celui-ci déguisé comme une vamp d'avant l'application du code Hayes (elle va d'ailleurs draguer un sbire du savant fou). Mais soudain, sans crier gare, les bestioles prennent le pouvoir sur le récit. La pellicule se met à brûler en direct et le film s'interrompt, Joe Dante brise le quatrième mur de son film, se rend dans une salle de cinéma où des spectateurs protestent de l'arrêt du film, mais les gremlins veulent voir, encore une fois, Blanche Neige et les sept nains, comme leurs ancêtres six ans plus tôt, même si cela ne leur a pas porté chance.

Brûler la pellicule au milieu d'un film n'est pas une nouveauté même si c'est rare, Ingmar Bergman le faisait dans Persona en 1966, Monte Hellman dans Macadam à deux voies en 1972. Plus de 25 ans après le film, voir un DVD de Gremlins 2 La Nouvelle génération évoquer ainsi la pellicule 35mm, la croyance dans le cinéma est fort réjouissant. Joe Dante en profite pourtant pour faire l'état des lieux du cinéma américain de la décennie écoulée, de ET à Batman, celle du cinéma pour ados boutonneux, de ses références cinéphiles, de ses rapports à la critique (l'interview du chroniqueur Leonard Maltin qui avait descendu dans son journal Gremlins) comme au public amateur de suites et remakes (cette salle qui veut toujours revoir le même film).






















samedi 24 décembre 2016

Gremlins (Joe Dante, 1984)

Le petit bout d'Amérique que filmait Joe Dante en 1984 dans Gremlins, c'était déjà celui qu'il filmera dans The 'Burbs, un village de gentils petits blancs qui s'apprêtent à fêter Noël en famille et qui se réjouissent déjà d'ouvrir leur cadeau au pied du sapin. 1984, plus que le titre du roman d'Orwell, c'est la fin de la première présidence Reagan et ce fut dans cette première moitié des années 1980, le règne de l'argent, du fric, du pognon. Les personnages de Gremlins ne parlent que de ça, l'argent est le sujet central du film.

Le boulot de Billy Peltzer (Zach Galligan) consiste à travailler dans la banque de la petite ville, il est un aimable guichetier même quand la terrible Madame Deagle (Polly Holliday) double tout le monde à la queue pour retirer ou déposer de l'argent, pour se plaindre que le chien de Billy a cassé un objet chez elle. Non, elle ne veut pas être remboursée, elle veut la peau du gentil toutou. Elle semble posséder tout le village et réclame son dû aux pauvres (la gentille maman et ses deux mômes malades).

Le formidable personnage de Madame Deagle est bien entendu directement inspiré de celui de Lionel Barrymore dans La Vie est belle. La maman de Billy regarde d'ailleurs le film, sempiternelle rediffusion du classique de Frank Capra à la télé, pendant la préparation du repas. Madame Deagle est une femme acariâtre, égoïste, mesquine. Elle est l'inverse même de Gizmo, peluche toute en douceur, toute en rondeur, tout en sourire quand elle est une grande gigue, une vieille femme aigrie qui ne sourit jamais, bien au contraire. Mais quel personnage fascinant.

Pour supporter le ton à la Capra de film pour enfants de Gremlins, il faut attendre que les trois règles édictées par le petit-fils du vieux Chinois qu'incarne Keye Luke dans le prologue soient bafouées. Celle de l'eau est causé par le gamin que joue Corey Feldman, hop, une ribambelle de gizmos dégénérés naissent instantanément. Puis, la transformation en créatures démoniaques, à l'image de Dr. Jackyll et Mr. Hyde. Et évidemment, ce sont ces affreux gremlins qui sont intéressants plus que Mogwai, comme la vieille Deagle est plus intéressante que ce fade Billy.

Le monde que décrit Gremlins est un monde en péril. Chômage partout. Murray Futterman (Dick Miller) vient de perdre son boulot et accuse les étrangers de tous les maux. Consumérisme à tout crin. Le père de Billy (Hoyt Axon) cherche à vendre sa camelote, ses produits inutiles à toux ceux qu'il rencontre. Dettes. Kate (Phoebe Cate) aide bénévolement au bar. Gaspillage effréné des ressources naturelles, le vieux Chinois en fin de film affirme clairement que cette histoire d'eau sur Mogwai doit faire réfléchir sur la gaspillage de l'eau et sur l'exploitation des animaux.

Les gremlins sont ainsi la conscience de l'Amérique, leur âme noire. Une mauvaise conscience qu'incarne le gremlin Stripe au nom qui évoque le drapeau américain (Stars and Stripes, des étoiles et des bandes). La mise à sac de la ville commence au cinéma lors de la projection de Blanche Neige et les sept nains, mais elle était annoncée avec L'Invasion des profanateurs de sépultures qui passe à la télé et se termine dans un centre commercial, sans doute là où les peluches de Gizmo et autres produits dérivés ont été vendus, telle une mise en abyme sarcastique du propos du film.