Affichage des articles dont le libellé est Woody Allen. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Woody Allen. Afficher tous les articles

jeudi 10 octobre 2019

Meurtre mystérieux à Manhattan (Woody Allen, 1993)

Dans le couple Lipton, les opposés s'attirent. Larry (Woody Allen) adore le sport, Meurtre mystérieux à Manhattan commence au Madison Square Garden à un match de hockey, il est palpité par le match alors que Carol (Diane Keaton) s'ennuie ferme. En échange de ce match, il a promis d'accompagner sa femme à l'opéra. Il ne tiendra pas un acte entier, c'est à cette occasion qu'il déclare cette phrase désormais célèbre « quand j'entends trop de Wagner, j'ai envie d'envahir la Pologne ».

S'ennuyer ensemble est ce qui reste à ce vieux couple de bourgeois qui vit dans un grand appartement au bord de Central Park. Pour Diane Keaton et Woody Allen, c'est un retour à leur duo dès années après Manhattan, quelques mois après le scandale de la séparation entre le cinéaste et Mia Farrow qui a fait tant coulé d'encre alors que Woody Allen se réinventait avec Maris et femmes en utilisant la caméra portée à l'épaule pour la première fois. C'est ce procédé qu'il pratique à nouveau, la caméra va suivre dans leur vie Larry et Carol.

Il suffit d'un voisin pour relancer la fiction du film, pour faire de Carol une enquêtrice qui soupçonne son débonnaire voisin Paul House (Jerry Adler) d'être un assassin. Ce voisin et son épouse, Carol et Larry ne les avaient jamais croisés dans leur immeuble, c'est après le match de hockey sur glace qu'ils se croisent. Larry ne veut pas aller chez eux, Carol insiste, ce qui permet de vérifier la topographie de leur appartement, ça servira plus tard quand elle se faufilera pour chercher des preuves.

Si elle pense que ce papy a tué sa gentille petite femme, c'est que dès le lendemain de la mort de cette dernière, il ne semble pas vraiment en être affecté. Au contraire, il est tout sourire dans la rue, il les invite même à venir chez eux. Plus tard, en volant les clés au concierge, elle ira fouiller pendant l'absence du voisin, mais oubliera ses lunettes chez lui. Ah, l'idiote, il faut trouver un nouveau prétexte pour aller chez les House et encore inventer une histoire pour aller dans leur chambre.

Demander des conseils à des amis. D'abord à Ted (Alan Alda), un proche du couple, célibataire depuis après son divorce qui relance l'action en prodiguant des conseils à Carol, au grand dam de Larry. Ce dernier tente, avec succès, de mettre dans les bras de Ted une écrivaine qu'il veut publier, Marcia Fox (Anjelica Huston, dans un de ses meilleurs rôles), une mystérieuse femme aux grandes lunettes de soleil. Elle jouera au poker avec Larry dans l'une des scènes les plus drôles, et le film après deux drames, est souvent hilarant.

Autant le dire, Carol s'invente une histoire de toutes pièces et Larry est effondré de l'obsession qui grandit chez sa femme. Elle prend des risques et l'excitation, quasi sexuelle, est à son comble. Meurtre mystérieux à Manhattan est le film de Woody Allen où il y a le plus de scènes de chambre, comme si le lit conjugal d'où s'extrait chaque nuit Carol pour mener ses investigations, était une source de vie. Et les films qu'ils voient corroborent les soupçons de Carol, dont Assurance sur la mort de Billy Wilder, la preuve est dans le film !

C'est le cinéma qui guide les pas de nos enquêteurs en herbe, le jeu des citations est permanent dans un slalom entre les clichés purs et leur réinvention (les filatures, les surveillances dans la voiture où on oublie d'apporter à manger). Larry se substitue parfois à Ted ce qui aggrave sa jalousie maladive mais reviendra aider Carol aux moments les plus dangereux car leur voisin Paul House, en dépit des apparences, n'est pas un doux agneau, c'est plutôt un saigneur prêt à tout pour se couvrir.


C'est ce mélange entre la comédie pure grâce à l'abattage de Diane Keaton et le film noir dans la plus grande tradition que les récit de Meurtre mystérieux à Manhattan développe. On traverse la ville à la poursuite de Ted jusqu'à ce que Carol et Larry ne traversent le miroir dans le superbe grand finale dans une salle de cinéma de quartier où est projeté La Dame de Shanghai d'Orson Welles. C'est cette séquence qui porte Meurtre mystérieux à Manhattan parmi les classiques de Woody Allen, son dernier chef d’œuvre.























lundi 30 septembre 2019

J'ai aussi regardé ces films en septembre


Ad astra (James Gray, 2019)
Certains cinéastes ont une mise en scène « invisible », c'est-à-dire qu'on est tellement pris par l'histoire qu'on ne voit pas les efforts incroyables pour justement ne pas montrer toutes les coutures. James Gray pense être de ces cinéastes mais sa volonté de faire invisible est telle, dans une aspiration de devenir un cinéaste classique (lisez Positif pendant 3 mois, vous comprendrez la subtilité) que tout est grossier. Ainsi cette musique omniprésente n'est pas seulement là pour créer une ambiance mais aussi pour palier l'absence de silence de l'espace car la peur du vide sonore risque d'éloigner des spectateurs (les gens ont pris peur dans Interstellar lors des scènes interstellaires, ils pensaient que les projecteurs étaient en panne). On ajoute une voix off, sans oublier quelques réflexions sur la religion (dites par Tommy Lee Jones) que certains ont vues comme anti-religieuses (ben tiens) et le tout avec le sur-jeu du sous-jeu de Brad Pitt. La séquence de cours poursuite sur la lune n'est pas plus originale que la course-poursuite sous la pluie dans La Nuit nous appartient. Pour être honnête, je continue de penser que James Gray est la plus grande esbroufe des 25 dernières années, sauf The Lost city of Z que j'aime beaucoup.

Un jour de pluie à New York (Woody Allen, 2018)
bon, voilà, un nouveau film de Woody Allen ni vraiment mieux ni tout à fait moins bien que les 5 précédents. Ça cause beaucoup mais des discussions de vieux avec des corps de jeunes, Timothée Chalamet, Elle Fanning et Selena Gomez, cette dernière emporte chaque fois le morceau volant la vedette à ses partenaires. Bien-sûr, Woody Allen a le droit de filmer la nouvelle génération de Hollywood même si les acteurs ont regretté d'avoir joué dans le film, mais il semble ne rien comprendre à la jeunesse d'où un flottement constant du récit qui rappelle le ratage intégral de Celebrity en 1999 où il utilisait si mal Leonardo Di Caprio. On ne sortira jamais des clichés sur le cinéma avec le réalisateur Liev Schreiber, le scénariste Jude Law et l'acteur star Diego Luna. Aucune fantaisie pourtant les spectateurs adorent et sortent ravis.

Port Authority (Danielle Lessowitz, 2019)
Petit film indépendant sur Paul un jeune couillon de Pennsylvanie qui débarque à New York, se fait tout piquer, se fait éberger par un type antipathique dont le métier consiste à expulser les pauvres qui ne paient pas leur loyer (De battre mon cœur s'est arrêté en bandoulière). Voilà pour le premier récit qui s'imbrique dans un autre avec un élégance évidente et un savoir-faire indéniable. Le deuxième implique la découverte par ce jeune gars (toujours aussi têtu) d'un groupe de danseurs queer et transe qui pratiquent le voguing. Or cette famille vit justement dans un appartement tout en ayant du mal à payer le loyer. Ce sont les séquences de voguing qui sont les meilleures, les scènes entre Paul et Wye, danseuse qui a tapé dans l’œil du jeune homme et réciproquement qui font décoller le film.

Les Petits maîtres du grand hôtel (Jacques Deschamps, 2019)
Tout cela se passe à Grenoble, dans un hôtel connu où les étudiants en BTS font leur formation. On se vouvoie, on porte de belles tenues, on se tient droit mais les jeunes ont du mal, ils sont indolents, feignants et un peu ignares. Tout cela est donné avec une bonne dose d'humour proche de Strip-tease. Et soudain, ils chantent puisque c'est une comédie musicale, certes ce n'est pas la première fois mais c'est amusant. Tout le monde ne chante pas juste loin de là. Ces chansons expriment ce qu'ils pensent, leurs sentiments sur leur formation, leur lassitude et leur espoir. Une petite dizaine de chansons en tout. C'est un peu superficiel mais souvent drôle.

jeudi 7 décembre 2017

Zelig (Woody Allen, 1983)

Zelig précède de quelques mois Spinal Tap de Rob Reiner, ce qui fait du film de Woody Allen l’un des plus anciens mockumentary de l’histoire du cinéma. Défiant ses habitudes, le générique d’ouverture ne donne que le titre, escamotant les noms des acteurs, il cherche avant tout à faire comme si son film était un vrai documentaire en incluant un carton de quelques lignes, aujourd'hui, on dirait que c'est tiré d'une histoire vraie. Il enchaîne immédiatement avec l'intervention, face caméra, assise sur un fauteuil de la psychanalyste Susan Sontag. D'autres viendront parler du cas Zelig, notamment, pour ne parler que du plus connu, Bruno Bettelheim.

Ce personnage étrange qu'est Zelig, bien entendu incarné par Woody Allen, a eu ses débuts dans l'histoire de New-York en 1928. Passant de la couleur pour les interviews de 1983 au noir et blanc, les anecdotes et les témoignages commencent à se multiplier sur Leonard Zelig. La première décrit Zelig dans une soirée mondaine où il discute avec les gens riches et vante le Part Républicain, plus tard, il parle avec les cuisiniers et défend les Démocrates. C'est à grand renfort de photographies, de films d'époque et de coupures de journaux que 1928 est reconstitué, des images où Woody Allen est habilement incrusté.

Le récit, narré par une voix off comme dans un documentaire de télévision (celle de Patrick Horgan), s’emballe avec la notoriété acquise par Zelig, vite repéré par une flopée de psychiatres qui ont tous des diagnostics opposés. Eudora Fletcher (Mia Farrow) est le médecin qui aura la charge de suivre le cas que constitue Zelig. Woody Allen commence alors à les filmer tous les deux comme dans un film de 1928 (mais au format cinémascope), avec ces voix chevrotantes comme à ces débuts du parlant et ces images noir et blanc pleines de traits, de poussières, de ratures. En 1983, la vraie Eudora, 55 ans plus âgée (en fait une actrice) se rappelle cette histoire.

La vie de notre personnage fait l'objet d'une enquête où le commentaire fait preuve d'une ironie mordante, mais dite sur le ton le plus sérieux possible. Le récit de son enfance, par exemple, est décrite de manière quasi surréaliste, avec des détails croustillants et des entretiens avec quelques personnes qui ont connu Zelig ou sa famille qui frôlent constamment le non-sens. C'est que l'accumulation des malheurs de Leonard Zelig crée immanquablement une augmentation de l'humour, un humour noir et blanc qui reflète parfaitement le sentiment de l'époque où Francis Scott Fitzgerald côtoie, dans les images d'archives, une manifestation du Ku Klux Klan.

C'est suffisamment rare pour le signaler, le cinéaste utilise des chansons spécialement composées pour lui en plus des morceaux de jazz. Ces morceaux reflètent le vedettariat de Leonard Zelig qui fait les choux gras de la presse. Immédiatement, Hollywood s'intéresse à son destin d'homme caméléon (à côté d'un Noir, il devient Noir, d'un Chinois ses yeux sont bridés, d'un gros il devient obèse, de deux rabbins une barbe lui pousse sur le visage). Le film s'appelle The Changing man. Les chansons sont titrés Chamelon Day, Reptile Eyes. Le business, décrit avec minutie, comprend des jeux de société, des livres, des disques. Business is business.

Mais revenons à la psychanalyse, c'est tout de même le sujet favori de Woody Allen. Le Dr Fletcher cherche à percer le mystère et Zelig avouera que « c'est sécurisant d'être comme les autres. Je veux être aimé ». Il plaide son manque total de personnalité et qu'imiter ceux qui l'entoure est un moyen d'exister. Face à Eudora, il se prend pour son psychiatre et la considère comme sa patiente. Comme dans tout film de Woody Allen, par un transfert typique de la psychanalyse, ils tombent amoureux l'un de l'autre. Mais surtout, elle inverse le cerveau sans personnalité de Leonard Zelig qui devient, à l'inverse, un homme avec un avis sur chaque sujet.


La célébrité ne dure qu'un temps et le temps de la chute de popularité va commencer quand sa vie précédente le rappelle à la réalité. Il serait polygame, un escroc, un chauffard. La justice s'en mêle et il prend la fuite. C'est grâce aux actualités d'époque que Eudora le retrouve au côté du Pape ou derrière Hitler. Pour Woody Allen, c'était l'occasion d'un changement radical de registre, il avait déjà fait des films en costumes mais en conservant son ton habituel et c'était une manière de parler politique à l'aune du spectacle médiatique, d'une période où les Etats-Unis sont passés de l'insouciance totale au réveil brutal de la crise sans sa soucier des fascismes. Zelig est le réceptacle de cette insouciance et de ce réveil.