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jeudi 6 septembre 2018

Crazy stupid love (Glenn Ficarra & John Requa, 2011)

En 2011, il fallait choisir entre Drive et Crazy stupid love. Choisir entre deux films avec Ryan Gosling, ou ne pas choisir. C'est cette année que l'acteur canadien, à 31 ans, est devenu la coqueluche de Hollywood. Jusqu'à ce moment-là, cette année-là, jusqu'à la présentation de Drive de Nicolas Winding Refn au Festival de Cannes (en compétition), Ryan Gosling restait cantonné au cinéma indépendant tendance Sundance hardcore.

Ses choix se sont portés vers cette forme, après Calculs meurtriers de Barbet Schroeder (le film où je l'ai découvert) en 2002, après The Notebook de Nick Cassavetes (que devient-il?), il fait des films un peu mous, pas franchement enthousiasmants et pour certains totalement oubliés, où sa nonchalance naturelle (Half Nelson), où son autisme feint (Lars and the real girl), où son romantisme désuet (Blue Valentine) ont fait merveille.

J'imagine que venant d'où Ryan Gosling vient, le Disney Club comme Britney Spears, Justin Timberlake ou Christina Aguilera, d'une série adolescente couillonne (Young Hercule, dans le rôle éponyme) l'acteur a voulu s'en éloigner le plus possible. Il a voulu se faire oublier du public qu'il a si longtemps diverti. Il est remarquable de noter que ce changement de ton chez Ryan Gosling vient d'un couple de cinéastes gays et d'un réalisateur danois.

Nicolas Winding Refn filmait avant Drive des corps massifs (Mad Mikkelsen, Tom Hardy) avant de donner à Ryan Gosling une seconde peau, ce blouson iconique avec un scorpion brodé sur le dos. Glenn Ficarra et John Requa choisissent de placer l'acteur au centre d'une comédie du remariage, après le délicieux I love you Phillip Morris, il sera le témoin de la déliquescence du couple et moteur de sa reconstruction.

La dichotomie que subit Jacob le personnage de Ryan Gosling est composée de la nudité simple de l'acteur et de costumes extrêmement chic. Quand il est habillé, Jacob est un séducteur né. Il lui suffit de murmurer à l'oreille des demoiselles pour finir la nuit avec eux. Sémillant, le jeune trentenaire remarque un quinquagénaire qui échoue à draguer. C'est Carl (Steve Carell) qui vient de se séparer de son épouse Emily (Juilanne Moore).

Séparation difficile qu'il espère oublier avec les femmes. Jacob va devenir son professeur et commence par lui apprendre à revêtir une nouvelle peau, c'est-à-dire à devenir Jacob lui-même, à s'habiller avec de beaux costumes, à changer de coiffure et à redresser son corps. Crazy stupid love est un immense traité sur le corps et Jacob le montre, dans un vestiaire, dans le plus simple appareil, exposant sa nudité et son sexe à son ami qu'il a pris sous son aile.

Le film est une suite de quiproquos et de faux-semblants. L'un d'eux est la place d'Hannah (Emma Stone) dans ce vaudeville amoureux. Jacob la drague mais elle résiste et tandis que Carl devient un séducteur, Jacob tombe amoureux d'elle et arrête de draguer. Comme le faisaient les Wachowski avec Channing Tatum dans Juspiter ascending, Ryan Gosling est réduit à un simple objet de désir, rôle dévolu à Hollywood aux actrices.

Hannah demande à Jacob d'enlever sa chemise (elle reste habillée pendant toute la scène), il reste ainsi pendant toute la séquence sans que cela n'ait de raison valable si ce n'est d'admirer ce torse nu (« on dirait une image photoshop » dit-elle les yeux écarquillés) dans une mise en scène queer et camp. C'est dans ce double mouvement, l'homme dur mais juste de Drive et dans cette nudité décomplexée et digne d'un album beefcake que la carrière de Ryan Gosling s'est forgée et épanouie.

Le couple Emma Stone Ryan Gosling se reformera dans La la land de Damien Chauzelle pour partition totalement différente, largement plus prude où s'exprime clairement un haine du corps. Crazy stupid love tentait de former un duo des années 1930, mettons Gary Cooper et Marlen Dietrich dans Désir de Frank Borzage, Cary Grant et Katharine Hepburn dans Bringing up baby de Howard Hawks. J'exagère un peu là, je sais, mais j'aime beaucoup de film.




























jeudi 1 septembre 2016

I love you Phillip Morris (Glenn Ficarra & John Requa, 2009)

L'image de Jim Carrey qui apparaît au premier plan de I love you Phillip Morris, dans une blouse d'hôpital allongé sur un lit, renvoie au talent dramatique de l'acteur (Man on the moon de Milos Forman en 1999 comme Eternal sunshine of the spotless mind de Michel Gondry en 2004), un personnage malade. Puis, on le découvre en policier évoquant sa puissance comique comme dans Fous d'Irène des frères Farrelly (2000). Enfin, la voix off intérieure se présente. Il est Steven Russell, un bon père de famille, marié à Debbie (Leslie Mann) à qui il fait l'amour en pyjama, un bon chrétien qui joue de l'orgue à l'église.

Tout ce beau portrait d'une vie bien rangée est vite mis à la poubelle. Enfant, Steven apprend qu'il a été adopté. Et quand il jouait avec les petits voisins à imaginer les formes des nuages, il ne voyait pas des nounours ou des fleurs, mais un sexe en érection. On est un peu dans l'idée narrative du Roman d'un tricheur de Sacha Guitry où le héros raconte sur un ton placide et ironique tout le mal qu'il a fait dans sa vie. Tout ça parce qu'il ne résiste pas au plaisir d'offrir à l'homme qu'il aime une vie de luxe et de volupté. Steven quitte sa femme pour vivre avec Jimmy (Rodrigo Santoro), un bel éphèbe aux abdos saillants.

C'est peu de dire que Glenn Ficarra et John Roqua ont eu beaucoup de difficultés à parvenir à faire leur film. Les studios ne voulaient pas voir Jim Carrey en homosexuel prédateur et escroc. C'est donc Luc Besson qui a financé le film. Et pour être homo, Steven l'est. Gay, gay, gay, dit-il tandis qu'il chevauche en levrette un moustachu, tout en sueur et extase. Et avec Jimmy, il promène fièrement leurs chihuahuas sous le soleil de Floride. Pour mener une vie de luxe, Steven ne compte pas sur son petit boulot de magasinier, il élabore des plans d'arnaque à l'assurance. Il a volé tant d'argent qu'il se fait arrêter et se retrouve en prison.

Les deux cinéastes nous font croire deux minutes que la prison pourrait ressembler à celle de Oz. Mais c'est le lieu, au contraire, de l'épanouissement amoureux de Steven dès qu'il rencontre Phillip Morris (Ewan McGregor), petit blond timide et crédule qui a passé sa vie à se faire avoir par ses amants. Steven va prendre soin de lui. Les lettres enflammées vont circuler de main en main, de couloir en couloir, d'un bloc à un autre pour garder le contact. Steve, même en taule, a de l'entregent. Il réussit à se faire muter dans la cellule de Phillip. C'est le temps des mamours, de la tendresse et des steaks en forme de cœur spécialement cuisinés pour eux.

Le petit nid douillet de la prison, c'est mignon, mais ça n'est pas assez pour Steven. C'est là que le génie de Jim Carrey se décuple avec une flamboyance inégalée. Pour s'évader puis pour assurer le train de vie qu'il promet à Phillip, il multiplie les rôles, avocat pour faire libérer son amoureux, homme d'affaires pour avoir un poste bien rémunéré. Allers retours en prison, évasions à gogo sur un rythme effréné proche du cartoon. Et puis, la grande vie, les belles bagnoles, la villa luxueuse. Phillip, tout en naïveté, est heureux jusqu'à ce que tout s'effondre. Retour à la prison, retour à des plans d'évasion. C'est un festival de twists et, pour une fois, j'en redemande.