samedi 27 août 2016

Super 8 (J.J. Abrams, 2011)

Quel que soit le bout par lequel on le prend, Super 8 est un autoportrait de J.J. Abrams. Non pas une autobiographie, mais une esquisse de son adolescence, un reflet de ses influences et une vision de sa méthode de mise en scène. La petite troupe que s'est constitué Joe Lamb (Joel Courtney) avec ses amis est autant celle des Goonies (version comique) ou de Stand by me (version tragique) que celle des amis d'adolescence du cinéaste. Au générique de Super 8, le chef opérateur Larry Fong, le producteur Bryan Burk, le cinéaste Matt Reeves ont connu J.J. Abrams quand ils avaient 13 ans.

Ce qui passionne Joe et Charles (Riley Griffiths), son meilleur ami et voisin, c'est le cinéma. Charles tourne des films de zombies avec sa caméra super 8. Joe est accessoiriste (il fabrique le sang et maquille les comédiens) et cameraman, Martin (Gabriel Basso) joue le commissaire, Cary (Ryan Lee) est spécialiste des explosifs et un zombie, Preston (Zach Mills) est figurant. Pour rendre le film plus professionnel, l'équipe décide de tourner à minuit sur le quai d'une gare. Charles a engagé Alice Dainard (Elle Fanning) pour les conduire en voiture et tenir le rôle féminin.

Alice est étonnée de voir Joe. Quatre mois plus tôt, ce dernier a perdu sa maman dans un accident. J.J. Abrams filmait en ouverture avec une économie de moyen, deux plans sans dialogues, l'annonce de cette mort et le grand désespoir de Joe qui tenait fermement dans sa main un médaillon contenant une photo d'elle le tenant dans ses bras. Son deuil, il le fait en aidant Charles à faire son film car, comme le disait Truffaut, le cinéma est plus important que la vie. Malgré les querelles de leur père respectif, Joe et Alice sont amis (et éventuellement amoureux).

Le petit film de Charles, tourné avec sa petite caméra et ses camarades de 12 ou 13 ans, avec des costumes trop grands pour eux, des effets sanguinolents primaires et des maquillages grossiers, se confronte aux grands effets spéciaux de J.J. Abrams. Devant la gare de cette petite bourgade de Lillian en Ohio, un train passe, à grande vitesse. Charles est ravi de ce hasard qui augmente la valeur de son court-métrage. Et le train explose dans un déluge de feu pour le plus grand plaisir de Cary mais les morceaux des wagons qui tombent menacent la petite troupe.

La caméra super 8 qui s'est affaissée a tout filmé. Le film fait durer le suspense pour expliquer ce qui s'est passé dans l'explosion. On sait pour l'instant que la camionnette de M. Woodward (Glynn Turman) a causé l'accident, que celui-ci a une carte montrant le trajet du train, que des cubes blancs sont éparpillés partout sur le sol, et Joe en prend un, et que l'armée arrive pour tout boucler avec à sa tête le colonel Nelec (Noah Emmerich). Les apprentis cinéastes déguerpissent et le lendemain Charles et Joe vont faire développer leur bobine, le film sera prêt dans quelques jours.

L'agitation qui secoue la ville de Lillian ne perturbe pas le tournage de Charles. Les militaires fouillent les maisons, il tourne devant eux, ils enquêtent sur le lieu de l'accident, il filme le train dévasté en arrière plan et Cary, Alice et Martin au premier plan. Pendant ce temps, les chiens fuient la ville, le shérif a disparu et son adjoint (Kyle Chandler), le père de Joe, doit répondre à une population angoissée de voir leur ville détruite et en danger. Une femme va jusqu'à soupçonner les Soviétiques (nous sommes alors en 1979) d'avoir envahi les Etats-Unis.

La question que se pose alors J.J. Abrams est de savoir quand faire apparaitre son extra-terrestre qui était séquestré dans ce train. Doit-il attendre comme dans Alien ou Rencontres du troisième type ou l'exposer immédiatement comme dans ET ou Aliens ? Plus encore, il faut caractériser sa fonction : un ennemi venu détruire la Terre, ce que ses actes de destructions laissent penser ou au contraire un explorateur pacifique ce que soutient Woodward dans un film que les ados regardent dans leur enquête parallèle, leur véritable aventure comme dans un film des années 1980.

Les militaires, comme dans tous les films d'aliens de Steven Spielberg, également producteur de Super 8, sont bornés, belliqueux et menteurs. Woodward est le pendant de Lacombe dans Rencontres du troisième type, l'homme qui connaît la vérité sur les OVNI (Truth UFO / Truffaut). Cette vérité est ineffable et puisqu'on ne peut pas parler avec l'extra-terrestre, tout passe par les regards de Joe. Ce regard d'enfant qui perd son innocence (tant mieux) et qui arrive dans l'âge adulte (tant pis), c'est le regard du spectateur qui découvre un spectacle du Merveilleux, c'est le regard de J.J. Abrams, le meilleur conteur du cinéma de ces dernières années.

PS : On découvre The Case, le film super 8 de Charles et Joe pendant le générique de fin.



























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