jeudi 11 août 2016

Jason Bourne (Paul Greengrass, 2016)

Je me rappelle l'étonnement en 2002 quand Matt Damon avait été choisi pour incarner Jason Bourne. Il était considéré comme un acteur transparent et cela avait été particulièrement bien caricaturé dans Team America World Police de Trey Parker, où il était montré comme un simplet articulant à peine son nom (sa seule réplique dans le film). Matt Damon était l'acteur Koulechov par excellence, un acteur sur lequel on pouvait placer toutes les émotions grâce au montage. Son absence prétendue de personnalité permettait de développer cette histoire de mémoire disparue et les trois premiers films sur Jason Bourne fourmillaient de détails qui élaboraient, petit à petit, le puzzle de cet espion / agent secret / tueur à gages qui traversait toutes les contrées du monde.

La Mémoire dans la peau (2002) de Doug Liman, mais plus encore La Mort dans la peau (2004) puis La Vengeance dans la peau (2007) de Paul Greengrass étaient parvenu à révolutionner les scènes d'action, courses-poursuites dans les rues de Goa, chasse à l'homme où Jason Bourne bondit d'un immeuble à l'autre dans les ruelles de Tanger. Et des scènes de bagarre prises en caméra à l'épaule au plus près des acteurs. Et puis, ce qui me plaisait beaucoup, c'était les méchants des films, non pas des super vilains cherchant à dominer le monde comme ceux des James Bond, à la remorque de la franchise, mais des hommes et des femmes qui se persuadaient d'avoir une mission supérieure. On retrouve tout cela dans Jason Bourne, le méchant dirigeant des services secrets est cette fois Tommy Lee Jones, mâchoire serrée pendant tout le film.

Matt Damon trimballe son personnage tout en muscles aux quatre coins de l'Europe. Départ au fin fonds d'une ancienne république soviétique où il gagne sa vie en faisant des combats de boxe clandestins. Paul Greengrass filme les cicatrices sur son dos et son torse, des anciens impacts de balles qui se sont refermés. Ce sont des blessures du passé qui vont ressurgir, celle de la mort de son père au Liban. Jason Bourne a retrouvé toute sa mémoire, sauf ce trou de son propre récit qu'il va s'employer à éclaircir. Direction Berlin puis Londres, deux des villes les plus surveillées du monde dans les QG de la CIA par une jeune recrue, Haether Lee (Alicia Vikander). Profusion d'images satellites, de caméra de surveillance et d'agents de liaison qui surgissent de leur planque comme des diables de leur boîte pour traquer Jason Bourne.

Le film oppose les cols blancs en costumes gris (y compris Heather Lee) dans les locaux glaciaux de la CIA à Jason Bourne en jean et t-shirt qui ne cesse de marcher et courir dans les rues, les métro, les voitures. Robert Dewey, le personnage que Tommy Lee Jones joue comme l'homme à la cigarette de X Files, fait sortir de sa tanière « l'atout » (the asset), un agent dormant (Vincent Cassel) qui a un compte à régler avec Bourne. Derrière tout cela, le scénario élabore un complot franchement naïf de surveillance grâce à un nouveau réseau social qui permettra à Dewey de contrôler un milliard et demi de personnes. Paul Greengrass filme comme une décennie plus tôt ses courses-poursuites à travers les villes et s'en va détruire plein de bagnoles à Las Vegas, climax du film quand « l'atout » conduit un camion du SWAT. Jason Bourne est désormais un film à l'ancienne, à la Rémy Julienne.

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