Je
me rappelle l'étonnement en 2002 quand Matt Damon avait été choisi
pour incarner Jason Bourne. Il était considéré comme un acteur
transparent et cela avait été particulièrement bien caricaturé
dans Team America World Police de Trey Parker, où il était
montré comme un simplet articulant à peine son nom (sa seule
réplique dans le film). Matt Damon était l'acteur Koulechov par
excellence, un acteur sur lequel on pouvait placer toutes les
émotions grâce au montage. Son absence prétendue de personnalité
permettait de développer cette histoire de mémoire disparue et les
trois premiers films sur Jason Bourne fourmillaient de détails qui
élaboraient, petit à petit, le puzzle de cet espion / agent secret
/ tueur à gages qui traversait toutes les contrées du monde.
La
Mémoire dans la peau (2002) de Doug Liman, mais plus encore La
Mort dans la peau (2004) puis La Vengeance dans la peau
(2007) de Paul Greengrass étaient parvenu à révolutionner les
scènes d'action, courses-poursuites dans les rues de Goa, chasse à
l'homme où Jason Bourne bondit d'un immeuble à l'autre dans les
ruelles de Tanger. Et des scènes de bagarre prises en caméra à
l'épaule au plus près des acteurs. Et puis, ce qui me plaisait
beaucoup, c'était les méchants des films, non pas des super vilains
cherchant à dominer le monde comme ceux des James Bond, à la
remorque de la franchise, mais des hommes et des femmes qui se
persuadaient d'avoir une mission supérieure. On retrouve tout cela
dans Jason Bourne, le méchant dirigeant des services secrets
est cette fois Tommy Lee Jones, mâchoire serrée pendant tout le
film.
Matt
Damon trimballe son personnage tout en muscles aux quatre coins de
l'Europe. Départ au fin fonds d'une ancienne république soviétique
où il gagne sa vie en faisant des combats de boxe clandestins. Paul
Greengrass filme les cicatrices sur son dos et son torse, des anciens
impacts de balles qui se sont refermés. Ce sont des blessures du
passé qui vont ressurgir, celle de la mort de son père au Liban.
Jason Bourne a retrouvé toute sa mémoire, sauf ce trou de son
propre récit qu'il va s'employer à éclaircir. Direction Berlin
puis Londres, deux des villes les plus surveillées du monde dans les
QG de la CIA par une jeune recrue, Haether Lee (Alicia Vikander).
Profusion d'images satellites, de caméra de surveillance et d'agents
de liaison qui surgissent de leur planque comme des diables de leur
boîte pour traquer Jason Bourne.
Le
film oppose les cols blancs en costumes gris (y compris Heather Lee)
dans les locaux glaciaux de la CIA à Jason Bourne en jean et t-shirt
qui ne cesse de marcher et courir dans les rues, les métro, les
voitures. Robert Dewey, le personnage que Tommy Lee Jones joue comme
l'homme à la cigarette de X Files, fait sortir de sa tanière
« l'atout » (the asset), un agent dormant (Vincent
Cassel) qui a un compte à régler avec Bourne. Derrière tout cela,
le scénario élabore un complot franchement naïf de surveillance
grâce à un nouveau réseau social qui permettra à Dewey de
contrôler un milliard et demi de personnes. Paul Greengrass filme
comme une décennie plus tôt ses courses-poursuites à travers les
villes et s'en va détruire plein de bagnoles à Las Vegas, climax du
film quand « l'atout » conduit un camion du SWAT. Jason
Bourne est désormais un film à l'ancienne, à la Rémy
Julienne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire