vendredi 30 juin 2017

J'ai aussi regardé ces films en juin (quels navets !)

La Momie (Alex Kutzmann, 2017)
Méga navet. La Momie cherche à renouer avec la formule de l'aventurier baroudeur, ici donc Tom Cruise en voleur d'antiquités en Irak. Là, Universal qui avait produit La Momie de 1933 fait revenir un démon (une femme). Evidemment, elle veut faire venir l'enfer sur terre mais Tom Cruise se transforme en super héros jusqu'à sa rencontre avec Dr. Jekyll et Mr. Hyde joués par un Russell Crowe hors de tout contrôle. On s'ennuie tellement, il ne se passe jamais rien malgré tous les retournements de situations, les explosions et les bastons, que c'est horrible. On n'avait pas vu Tom Cruise aussi mauvais depuis, au choix, Rock of ages ou Jack Reacher 2.

Baywatch (Seth Gordon, 2017)
J'ai toujours détesté Alerte à Malibu comme je détestais la série 21 Jump Street, mais j'ai beaucoup aimé le film 21 Jump Street. Baywatch cherche à faire comme le film de Lord & Miller, un second degré constant (les insultes de Dwayne Johnson à Zac Efron qu'il n'appelle jamais par son nom mais par des litotes) et des gags quatrième mur (les actrices qui avancent au ralenti). La différence majeure entre les deux films étaient que l’enquête policière dans 21 Jump Street (et sa suite) était secondaire, un pur prétexte à faire vivre les personnages de Channing Tatum et Jonah Hill, deux adultes immatures dans un monde de grands gamins. Ici, rien de tout cela, les héros baraqués veulent seulement faire partie de la police. Le premier film de l'ère Trump. On attend bientôt l'adaptation de CHIPS, énorme bide aux USA à sa sortie en mars dernier.

Les Ex (Maurice Barthélémy, 2017)
J'enchaîne les navets, là un film choral qui veut faire aussi nul que les derniers Garry Marshall (la « trilogie des sourires crétins » Valentine's day, Happy new year, Joyeuse fête des mères, l'horreur cinématographique). Dialogues sur-écrits (avec les prénoms à chaque réplique, histoire qu'on comprenne bien), schéma narratif banal (6 couples, 6 fois rencontre rupture réconciliation), gags éculés. Tout se termine dans un mariage à l'église, avant de passer à la mairie oubliant que c'est juste pas comme ça qu'on procède en France (la dernière fois que j'avais vu cette erreur grossière, c'était Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu, ce genre de choses était possible à l'époque des Aventures de Rabbi Jacob, plus maintenant). Les Ex, dans son caractère invraisemblable est le frère jumeau de Chacun sa vie, le dernier Claude Lelouch.

mercredi 28 juin 2017

Wallay (Berni Goldblat, 2016)

Embarquement immédiat pour le Burkina Faso. Il faut à peine 5 minutes à Berni Goldblat (jeune cinéaste suisse né en Suède installé depuis des années au Burkina Faso) pour qu'on comprenne que son jeune héros Ady (Makan Nathan Diarra) est le prototype du petit con qui fait du boucan sur un scooter sans casque le soir. Pour calmer ses ardeurs et lui éviter des ennuis avec les flics, son père (le film commence en banlieue lyonnaise) décide de l'envoyer chez l'oncle du gamin.

Voilà donc Ady, solitaire dans son monde, écouteur sur les oreilles, Reebok aux pieds, fringues de marque, au milieu d'un village africain où il n'a pas encore compris la leçon que veut lui donner son paternel. Ady est persuadé qu'il est là en vacances, pour le week-end et qu'il va rentrer rapidement à Lyon. Il parade, arrogant, dans les rues, fier de ses signes extérieurs de richesse, au milieu des maisons de tôle de Goa. Il est d'ailleurs ravi de retrouver ses racines africaines.

C'est son cousin Jean (Ibrahim Koma) qui vient le chercher à l'aéroport et lui fait comprendre qu'il n'est pas en vacances. Et l'oncle Amadou (Hamadoum Kassogué), qui lui ne parle pas un mot de français – en tout c'est ce qu'il fait croire – a comme mission de changer les habitudes d'Ady. Solution toute trouvée de l'ado, appeler son père et rentrer en France. Problème, son père ne répond pas aux appels. Qui plus est, Ady n'a pas d'argent pour payer le téléphone.

Il fait tout pour contredire son oncle. Ce dernier lui suggère de bosser pour gagner cet argent pour téléphoner. Trop dur pour Ady, il préfère chercher à vendre ses affaires, ses écouteurs, ses chaussures, ses fringues. Il va bien devoir se résoudre à calmer son caractère. Berni Goldblat filme cette évolution tout en douceur au travers de quelques étapes où Ady va rencontrer sa grand-mère (Joséphine Kaboré), l'un des éléments de comédie du film.

C'est la grande naïveté de l'adolescent qui constitue le second élément comique. Jean le fait traverser la brousse pendant deux jours pour se rendre chez la grand-mère. Cela permet au film de sortir du village de briques et d'explorer de plus jolis paysages. La grand-mère habite à quelques mètres du village mais c'est ce détour qui comptait, loin de la facilité dans laquelle Ady se complaisait. Ils ne parlent pas la même langue, mais ils se comprendront immédiatement.

Cette grand-mère aimante et décontractée (qui ne cesse de critiquer Amadou de sa fierté exacerbée) va devenir la confidente d'Ady, elle l'appelle « mon petit mari ». L'adolescent va draguer la jeune voisine, un peu plus âgée que lui, là encore convaincu de son charme naturel. On découvrait le gamin en parfait insolent, en petit crétin et on se prend de sympathie pour lui. Il est admirablement dirigé, un film à hauteur d'enfant qui, malgré quelques longueurs, séduit petit à petit.

mardi 27 juin 2017

La Vierge des tueurs (Barbet Schroeder, 1999)

« On s'est beaucoup civilisés pendant mon absence ». 30 ans que Fernando (German Jaramillo) avait quitté Medellin et le voilà de retour dans sa ville natale. Sa première visite, il la fait dans l'appartement cossu d'un de ses anciens amis, une partie fine est organisée (on reconnaît Barbet Schroeder, figurant le temps d'un plan), des hommes plutôt âgés se tapent des petits jeunes. Ce bon ami de Fernando lui présente immédiatement Alexis (Anderson Ballesteros), 16 ans. Ils filent dans une chambre, Fernando lui demande de se déshabiller, il sort de son pantalon un flingue, Barbet Schroeder enfile la métaphore flingue = sexe avec allégresse.

Fernando et Alexis ne se quitteront plus. Le sexagénaire, un écrivain, l'invite chez lui. Contrairement à l'appartement de la scène d'ouverture, celui-ci est vide. Pas du tout réplique Fernando à son jeune amant, il y a une table et quatre chaises dans le salon et un lit pour baiser dans la chambre. Alexis veut une chaîne hi-fi, c'est parti pour acheter une chaîne hi-fi. Il écoutera du rock assourdissant. Fernando balancera la chaîne hi-fi de la terrasse qui surplombe tout Medellin, vue imprenable sur la ville. Tiens, un feu d'artifices. C'est ainsi que les narco trafiquants célèbrent une expédition réussie de cocaïne aux USA.

Du haut de l'immeuble au plancher des vaches, couché dans le lit avec Alexis et en promenade dans les rues de la ville, la part documentaire de La Vierge des tueurs tient une place importante. Barbet Schroeder a été, en 1999, l'un des premiers cinéastes à filmer en numérique (cela se voyait alors beaucoup à l'image). Cet équipement léger lui permet de circuler avec une certaine tranquillité dans Medellin, d'aller dans les quartiers sur les collines, des bidonvilles où les taxis n'osent pas se rendre, dans les églises que visite le couple, plus occupées par des accrocs au crack que par des fidèles, de se rendre dans des restaurants.

Tourné vers un passé qu'il ne reconnaît pas, Fernando abreuve Alexis d'anecdotes sur sa ville sur un ton professoral. En rigolant, le jeune homme boit les paroles du vieil écrivain et ce dernier boit la gnôle versée de la bouche d'Alexis. Tout a changé, avant ici il n'y avait aucune lumière, là se trouvait son restaurant préféré, ailleurs une église dans laquelle il n'est jamais entré. Fernando découvre chaque coin de rue comme la première fois, il découvre la violence galopante, il voit des enfants qui sniffent de la colle, des pauvres qui mendient et, à la télé, le président de la Colombie qui fait des promesses électorales. Fernando l'insulte copieusement par écran interposé.

Le film passe de l'humour caustique à la violence sourde. Ces fameux taxis colombiens ont tous la même habitude, foutre la musique à fond. Fernando demande à baisser le son, le chauffeur s'énerve. Le cinéaste filme ces trajets en taxi comme des gags récurrents, jusqu'à ce que Alexis sorte son revolver et flingue le chauffeur insolent. Le jeune homme dégaine sans réfléchir et Fernando lui reproche son impulsivité avant d'accepter ses meurtres. Mais quand il s'agit d'achever un pauvre chien blessé, Alexis fait preuve d'une soudaine réserve, il en est incapable. Plus que les hommes abattus, c'est ce retournement qui fait froid dans le dos.

Si Fernando accepte que Alexis tue, c'est parce qu'il est lui-même en quête de la mort. Barbet Schroeder multiplie les images funestes, les personnages secondaires aux surnoms symboliques de La Plaga (le fléau), El Funeste (le revenant), celui qui annonce à Alexis sa mort prochaine, recherché qu'il est par des gangs rivaux de bidonvilles voisins du sien. Le discours nihiliste de Fernando se fait plus fort à chaque séquence, il critique les hommes « les tuer, c'est les délivrer, tu aurais dû les laisser vivre leur vie de merde », il conspue Dieu à chaque réplique, ce qui en fait un personnage dans la droite ligne de ceux des autres films du cinéaste, des hommes au dessus de la morale.

Je crois que si Barbet Schroeder a choisi de tourner à Medellin, c'est parce que la ville se prononce presque comme Madeleine. Dans sa dernière partie, La Vierge des tueurs rend un hommage évident à Vertigo. Comme chez Alfred Hitchcock, Fernando subit la mort de l'être aimé et un sosie d'Alexis, telle Madeleine, vient le remplacer. Ce nouvel amant, rencontré au coin d'une rue, est Wilmar (Juan David Restrepo). Le film semble alors recommencer, Wilmar agit comme Alexis (l'appartement vide, la chaîne hi-fi, tuer pour un rien), mais le récit s'emballe, se précipite, se cristallise dans un désespoir mortifère glaçant et sans complaisance.























lundi 26 juin 2017

Le Grand méchant renard et autres contes (Benjamin Renner & Patrick Imbert, 2017)

C'est l'été, il fait chaud, très chaud, c'est la fête du cinéma, les salles sont climatisées, l'occasion d'aller voir cette compilation de trois courts-métrages (80 minutes au total) qu'est Le Grand méchant renard et autres contes. Le dessin est d'une grande simplicité, tout en rondeur et en couleurs chaudes. Le décor : une ferme sur une colline où quelques animaux doués de la parole, mais pas toujours bien futés, vont défiler pour trois histoires. Le tout est entouré d'un rideau de théâtre qui s'ouvre et et se ferme.

Le premier dessin animé est mon préféré. Un beau matin, une cigogne bien paresseuse abandonne un bébé à cette ferme. Le nourrisson (une petite fille) doit être rendue à ses parents, en ville loin de la campagne. Le canard et le lapin se proposent de faire le voyage. Mais le cochon, celui qui est intelligent, se rend vite compte que ses deux comparses frôlent la catastrophe. Exemple, ils construisent une catapulte pour expédier l'enfant en ville. La troisième histoire, autour de Noël enneigé, est encore une fois avec ces trois animaux, canard et lapin veulent remplacer le Père Noël.

La deuxième histoire, celle du titre du film, repose sur le fait que les poussins considèrent comme leur mère la première personne vue, ici donc un renard un peu lâche. Il a suivi le conseil du loup : voler les œufs d'une poule rousse (et pas commode le volatile) de la ferme. Il élèverait les poussins en poulets et pourrait ensuite les manger. Evidemment rien ne va se passer comme prévu et le pauvre renard est pris à son propre piège. D'abord, les trois poussins le traitent de « maman, maman, maman », ensuite il se retrouve coincé à la ferme déguisé en poule et enfin il commence à aimer ces poussins.

Le plaisir du film vient de la variété des caractères des animaux, un anthropomorphisme qui d'habitude me gène beaucoup, mais que Benjamin Renner parvient à hisser vers un burlesque cartoonesque. Pas de mièvrerie mais plutôt de l'ironie face aux facéties d'animaux qui se croient plus malins que d'autres, parfois du sarcasme (le cochon sait parfaitement le manier). Ce sont les voix des doubleurs qui emportent tout, subtilement ajustées à chaque personnage. Plutôt qu'aller voir les blockbusters navets du moment, je suggère d'aller voir Le Grand méchant renard.

samedi 24 juin 2017

L'Opéra Mouffe (Agnès Varda, 1958)

Une femme nue de dos, assise. Un léger voile la rend éthérée. La même de profil, elle est enceinte, c'est Agnès Varda qui pose pour son deuxième court-métrage, L'Opéra Mouffe consacré à la rue Mouffetard. Plus tard, dans un jardin d'une maison un peu décrépie, un homme et une femme se promènent nus, ils sourient, se courent après, se câlinent, se regardent. Elle est Dorothée Blanks, il est Antoine Bourseiller, le compagnon de l'époque d'Agnès Varda et le père de Rosalie. Ce film a une part d'autobiographie de leur couple qui va s'achever dès la naissance de leur fille.

Ces quelques scènes d'une grande poétique des corps, la cinéaste les prolongent avec une volonté quasi surréaliste (après tout, elle est née en 1928, l'année de la création de Un chien andalou de Luis Buñuel). Un chou rouge coupé en deux (les enfants naissent dans les choux), un poussin tout juste éclos dans un verre, un pigeon dans un globe, des enfants portent des masques de Carnaval, une femme mange une rose. Ces plans sont d'une grande beauté, dans un beau noir et blanc où l'absence de parole, de dialogue fait d'autant plus ressortir le sens du cadre, donc de l'incongruité de ses plans.

Elle découpe son film en chapitres (des amoureux / du sentiment de la nature / de la grossesse / quelques uns / les chers disparus / joyeuses fêtes / de l'ivresse / des envies). On pense à Las Hurdes, toujours de Buñuel, quand elle filme les indigents de la rue Mouffetard qui viennent faire leur marchés, les vieilles bigleuses, les ivrognes titubants, les estropiés, les femmes épuisées par le marché, les habitants de ce quartier, de cette année 1958, et soudain au détour d'un plan, un slogan pour la paix, contre la guerre en Algérie inscrit sur un mur devant lequel passe une femme indifférente.