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mardi 18 juillet 2017

Tricheurs (Barbet Schroeder, 1984)

Entre Koko le gorille qui parle et Barfly, Barbet Schroeder tourne Tricheurs, son film le plus faible. Je l'ai vu comme un galop d'essai à Barfly justement, que le cinéaste se désespérait de ne pas pouvoir tourner faute de production, comme si dans ce duo que composent Jacques Dutronc et Bulle Ogier, il esquissait les prémisses de celui, largement plus convaincant, que formeront trois ans plus tard Mickey Rourke et Faye Dunaway. Tricheurs peut aussi se voir comme un succédané de More. En 1969, c'était l'île d'Ibiza, en 1984, celle de Madère où se déroule l'essentiel du film. C'était la drogue, c'est le jeu avant d'aller explorer une troisième addiction, l'alcool dans Barfly.

Lui, c'est Elric, flambeur impénitent, fantôme des casinos (celui où est tourné le film est une création d'Oscar Newmeyer, en forme d'araignée qui tient ses proies). Elle, c'est Suzie, venue là pour affaires, comme elle dit, qui porte ce soi-là où il perd encore tout son argent un t-shirt avec le chiffre 7 inscrit dans le dos. Pile quand elle passe devant lui, il gagne sa mise. Il la poursuit, la retrouve dans un bar exactement à 7h07 devant une pub 7Up. Il ne lui en faut pas plus pour exiger qu'elle devienne « son fétiche, sa mascotte ». C'est ainsi que Barbet Schroeder embraye son récit, sur les effets du hasard, somme toute c'est bien logique pour un film sur les jeux de hasard.

Plus qu'un récit réellement charpenté, Tricheurs est la chronique de ce joueur, une histoire inspirée de la vie de Steve Baès qui joue le directeur du casino de Madère. Le film esquisse bien une histoire d'amour entre Suzie et Elric mais la véritable maîtresse de ce dernier est la roulette. Sa vie avec Suzie est un temps suspendue avec la rencontre de l'arrogant Jorg (Kurt Raab), fort en gueule peu discret. Ensemble ils écument les casinos du monde entier qu'Elric énumère sur un atlas. Plus tard, Suzie élabore elle-même un plan pour tricher avec l'un des croupiers grâce une boule truquée pour la roulette.

Jacques Dutronc est magnifique en perdant chronique, basculant d'une table à l'autre pour jouer la forte somme qu'il vient de gagner. Il perd la boule dès qu'il a quelques jetons à poser sur la table, il accomplit chaque fois le même rituel. Le film débute d'ailleurs par l'un d'eux, une promenade nocturne sous le béton du casino, comme si Elric se mettait à prier le dieu des jeux. Il joue les mêmes chiffres y compris lorsqu'il perd. Barbet Schroeder filme cette folie avec nonchalance pour finir avec un happy end, oui, définitivement pas son meilleur film.
















mercredi 5 juillet 2017

Maîtresse (Barbet Schroeder, 1976)

Du passé d'Olivier (Gérard Depardieu) qui débarque Gare d'Austerlitz, on ne saura qu'une chose, il a travaillé dans les abattoirs (en fin de film on le voit d'ailleurs aller inspecter l'un d'eux). Il grimpe sur sa mobylette et traverse Paris à la recherche de son ami Mario qui passe son temps dans les bistros. Mario embarque Olivier dans ses combines. Aller sonner chez des gens, faire croire qu'ils vendent des bouquins, mais surtout repérer les appartements vides pour aller cambrioler.

C'est dans un quartier sans passants qu'ils aperçoivent que le quatrième étage de cet immeuble a les volets clos, il ne leur en faut pas plus pour aller au cinquième, sonner à la porte et se faire ouvrir par Ariane (Bulle Ogier) qui les invite chez elle, non pas pour acheter des bouquins mais parce qu'elle a un problème de tuyauterie. Sa baignoire fuit. Mario et Olivier réparent ce petit souci ménager, s'en vont gentiment et entrent par effraction dans l'étage du dessous.

L'idée merveilleuse de Barbet Schroeder pour faire visiter l'antre secrète d'Ariane est de laisser la lumière éteinte, les deux gars, torche à la main, découvrent des objets dont ils n'avaient sans doute jamais entendu parler. Menottes, chaînes, masques, cravaches, talons très hauts, croix de Saint-André, cagoules, tenues en latex. La parfaite panoplie du SM est devant leurs yeux mais à peine visibles, dans une obscurité mystérieuse.

Entre les deux étages d'Ariane, celui où elle vit, ouvert sur le jardin, sur les arbres, aux grandes fenêtres et celui où elle pratique ses activités de maîtresse de bondage aux couleurs criardes, se trouve un escalier amovible. Elle le descend en majesté pour surprendre ces deux visiteurs, alertée par son doberman qui répond au doux nom de Texas. Si Mario s'enfuit en courant, Olivier reste et se permet même d'inviter Ariane au restaurant.

La belle scène de découverte des objets du SM était la théorie, Maîtresse passe maintenant à la pratique. C'est l'aspect documentaire qui rend le film aujourd'hui encore regardable. La blonde Ariane revêt son latex et une perruque brune et va accomplir ses sévices sur ses clients et clientes. Même en pleine période de triomphe du porno comme l'était l'année 1976 (près de 20% des sorties en salles), ce réalisme, grâce aux performances de Bulle et Depardieu, impressionne encore maintenant.

Ce sado-masochisme est une histoire de mise en scène, de contrat entre les protagonistes (l'un des clients dira à Olivier venu le questionner que ce n'est pas dans le contrat). Avant de rentrer en scène, Ariane se maquille longuement dans sa loge. Barbet Schroeder multiplie dans Maîtresse les miroirs, les reflets, rappelant la distance entre la réalité et le fantasme. Les parties de bondage sont également très codifiées, celle du château où le propriétaire déguisé en valet est la quintessence de ces codes.

Le personnage d'Olivier est un candide, comme le spectateur de Maîtresse. Sa romance avec Ariane est également un contrat. Ils passent du temps au lit, à se promener en décapotable (ils se disputent pour savoir qui aura le volant, donc la maîtrise du récit, c'est assez fascinant), mais ils sont à égalité, elle est aussi costaude que lui (elle lui donne même un coup de boule), ils deviennent complices jusqu'à ce qu'il veuille en savoir plus sur sa vie et son passé.

Dans l'appartement, Ariane est aidée par Lucienne (Nathalie Keryan), toujours vêtue de noir, peu loquace, à la fois femme de ménage et secrétaire (incroyable scène où elle nourrit le chien puis verse du canigou pour un des « clients » d'Ariane). Comme si cela ne suffisait pas, le récit s'encombre de Monsieur Gautier (Holger Löwenadler) pour encore épaissir le mystère de la vie d'Ariane. Mystère que veut percer à toute force Olivier mais qui tourne en rond.

Une source pour Maîtresse pourrait être Belle de jour, je pense à la séquence de SM que doit observer Catherine Deneuve, François Maistre se fait punir par l'une des filles. Ce serait, dix ans plus tard, un Belle de jour actualisé, bien plus cru que Luis Buñuel n'aurait pu le tourner. C'est peut-être aussi pour cela que Manoel de Oliveira engagea Bulle Ogier en 2006 dans Belle toujours pour reprendre le rôle, mais ceci est une autre histoire.























mercredi 7 juin 2017

Le Vénérable W. (Barbet Schroeder, 2017)

La petite voix bouddhiste, comme cela est indiqué dans le générique, de Bulle Ogier énonce, avec douceur et nonchalance, quelques préceptes bouddhistes. C'est par elle, en off, que débute Le Vénérable W., soulignant ce que l'on connaît de cette religion, sa paix, sa félicité, sa tolérance. Tout cela pour mieux contraster avec ce que va décrire par le menu Barbet Schroeder, le destin exceptionnel de ce moine birman auquel il consacre un portrait comme il l'avait fait pour le Général Idi Amin Dada et Jacques Vergès.

Le W est pour son nom, Wari Thu et le vénérable pour son titre de dirigeant d'un monastère du centre de la Birmanie. Né en 1968 à Kyaukse, il ne pensait pas devenir moine si longtemps, raconte-t-il face caméra au cinéaste. Et la foi l'a attrapé. Comme la voix de Bulle Ogier, le moine en robe safran parle avec un grand calme, avec douceur mais ce qu'il dit est tout l'inverse de ce que l'on imaginait du bouddhisme et de ses préceptes. Le sermon qui lance le film devant des moines en prière désigne ses ennemis.

Chronologiquement, Barbet Schroeder fait l'histoire de son ascension dans le paysage politique. Ses débuts comme simple moine, sa prise de pouvoir dans son monastère, la création du parti anti-musulman 696, la dissolution de ce parti par la junte militaire, ses années de prison. Ce sont des images d'archive que le cinéaste a recueillies, qu'il met bout à bout, des vidéos souvent filmées par des amis de Wari Thu, par ses partisans de plus en plus nombreux et que Barbet Schroeder commente parcimonieusement, sur un ton neutre.

La petite voix de Bulle Ogier ne suffit pas pour contrer le vénérable moine. Deux témoins, occidentaux, Matthew Smith, un Américain, et Carlos Sardina Galache, un Espagnol, connaisseurs de l'état de la Birmanie, s'expriment. Car le souci est que l'on ne connaît guère l'histoire de ce pays, il faut beaucoup de renseignements et de données pour appréhender ce génocide et cette haine qui se développe en Birmanie depuis deux décennies sans que personne ne veuille regarder ce qui se passe.

C'est tellement loin la Birmanie. C'est devenu un nouvel eldorado pour les touristes et l'imagerie de Aung San Suu Kyi, la Lady de Luc Besson récipiendaire du Prix Nobel de la Paix, permet qu'on ne s'intéresse guère au sort de la minorité musulmane (4% de la population) dans ce pays à 90% bouddhiste. Proche du Bengladesh, la minorité Rohingyas, dans l'Etat du Arakan, est considérée par Wari Thu et ses fidèles comme des envahisseurs. La Birmanie aux Birmans, la Birmanie et ses racines bouddhistes.

Barbet Schroeder donne la parole à Abdul Rasheed, l'un des leaders des Rohingyas, une parole de désespoir et de tristesse devant les attaques répétées de Wari Thu. C'est lui qui lance des accusations sur les Musulmans : violeurs et voleurs, envahisseurs et ennemis du Bouddhisme clame-t-il dans ses prêches, dans les DVD qu'il donne (personne ne sait d'où vient l'argent qui lui permet de financer cela). C'est une propagande grossière qui flatte ceux qui croient être menacés, Wari Thu les a convaincus qu'ils sont menacés par les Rohingyas.

Sans avoir la force de Général Idi Amin Dada (le dictateur ougandais délirait de mégalomanie) ou celle de L'Avocat de la terreur (Vergès maître de son Barnum médiatique), Le Vénérable W poursuit cette l'exploration de la fabrication d'un monstre satisfait de son propre mal, mal qu'il considère comme juste et bon. Il se met moins en spectacle et ne prête jamais à sourire, par défaut, contrairement aux deux autres guignols. Evidemment, on songe à tous ces leaders politiques européens d'extrême droite qui rêvent d'appliquer ce programme raciste.

mercredi 24 mai 2017

La Vallée (Barbet Schroeder, 1972)

Caché par les nuages « obscured by cloud » est-il écrit sur la carte qui permet à Gaëtan (Jean-Pierre Kalfon) et ses amis de se rendre dans la vallée perdue de la Papouasie Nouvelle Guinée. Personne n'a jamais pu cartographier cette contrée que les premiers Blancs, des Australiens en l'occurrence, sont allés visiter pour la première fois en 1954. Moins de 20 ans plus tard, Barbet Schroeder embarque sa troupe, acteurs et techniciens, pour ce voyage.

Deux femmes, Monique (Monique Giraudy) et Hermine (Valérie Lagrange), un enfant, deux hommes, Gaëtan et Olivier (Michael Gothard). C'est ce dernier que Viviane (Bulle Ogier) rencontre dans un magasin de souvenirs papous, masques, tissus et plumes d'oiseaux rares. Les plumes sont l'obsession de Viviane, épouse d'un diplomate à Melbourne venue faire quelques courses pour ses amies parisiennes.

C'était la première fois que Barbet Schroeder travaillait avec son épouse et il prend un malin plaisir à faire de Viviane une vraie pimbêche. Elle négocie dans la boutique, elle se croit tout permis tel un colon en terre conquise, elle est choquée par l'amour libre que vivent Gaëtan et Monique. Et surtout, elle cause « petit-bourgeois », avec plein de manières et de clichés. Olivier la trouve à son goût et va l'embarquer dans son voyage.

Il faut bien le reconnaître, ce deuxième film de Barbet Schroeder, après More, n'est pas le meilleur de cette décennie. Par ailleurs, les morceaux de Pink Floyd (album Obscured by clouds) ne sont pas aussi bonnes et enlevées que celle de More. Cette galerie de personnages de hippies égarés dans un paradis vert amuse un peu. Mollement, il leur arrive quelques mésaventures, la voiture enlisée, des européens braconniers et rancuniers quand Viviane les surprend à chasser un oiseau rare.

La jeune femme blonde s'acclimate petit à petit à abandonner sa civilisation, ainsi que son obsession des plumes bariolées. Elle déserte son confort pour la rudesse de la jungle luxuriante et s'intègre au collectif. Elle devient vite l'amante d'Olivier mais le naturel revient au galop quand il couche avec Monique. Elle participe à la cueillette des fruits, dessine sur le capot du camion et se couvre de boue quand elle aide à dégager le véhicule.

La puissance documentaire prend le dessus quand ils arrivent dans la « zone interdite » et qu'ils rencontrent la tribu des Mapuga. Barbet Schroeder filme les rituels, les peintures sur les corps, les danses, la cuisson des cochons après les avoir occis d'un coup de gourdin, l'acclimatation du groupe à leur contact. Cette longue séquence ethnologique pleine de chants et de danses papous, est la meilleure de La Vallée.