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mardi 13 décembre 2016

Salt and fire (Werner Herzog, 2016)

Je ne sais pas ce qui nous vaut l'honneur de la sortie en salles de Salt and fire plutôt que Queen of the desert, présenté au Festival de Berlin 2015 avec Nicole Kidman dans le rôle titre et James Franco, Robert Pattinson et Damian Lewis à se côtés. Je me demande bien ce que ce dingue de Werner Herzog aurait pu faire avec eux. Mais un film de Werner Herzog, c'est toujours bon à prendre, d'autant que le cinéaste se fait un peu rare, sauf en DVD puisque Potemkine sort presque tous ses films (et c'est eux qui distribue Salt and fire). Pour le cinéaste allemand, c'est un retour en Amérique du sud, sa destination de prédilection (Aguirre la colère de dieu, Fitzcarraldo, Cerro Torre), au beau milieu d'un désert de sel situé en Bolivie.

Avant d'arriver dans ce désert, les personnages sont dans un avion. Trois scientifiques dépêchés par l'ONU. La solaire Paula Sommerfeld (Veronica Ferres) mène sa troupe avec poigne. On les découvre d'abord assis sur leur siège de première classe à boire du Champagne, mais dès qu'ils se lèvent, on se rend compte qu'elle est immense à côté des deux hommes de petite taille (Herzog joue avec malice sur leur différence), à sa gauche le Dr. Fabio Cavani (Gabriel Garcia Bernal), dragueur balourd qui ballade ses mains partout et se fait rembarrer, à sa droite le très sérieux Dr. Meier (Volker Michalowski). Ils viennent enquêter sur une catastrophe écologique de grande envergure que Laura appelle Diablo Blanco, chiffres, tableaux et graphiques à l'appui sur sa tablette.

Le film est coupé en trois parties, la première est consacrée à ce voyage dans l'avion et à d'autres trajets (avion, bagnole) vers une propriété isolée où un étrange homme en fauteuil roulant (Lawrence Krauss) les kidnappe et les mène en bateau (un étrange comique de situation a lieu sur les bagages). La deuxième partie voit Meier et Cavani disparaître du champ. Laura se confronte au commanditaire de l'enlèvement. Riley (Michael Shannon, de retour chez Herzog après le bizarre mais raté My son, my son what have ye done) n’apparaît d'abord que portant une cagoule noire (mais on reconnaît sa voix). L'affrontement est assez banal et pour tout dire décevant, le suspense et la tension sont mous.

Une discussion entre eux semble résumer le cinéma de Werner Herzog. Ils observent des tableaux dont le sens n'apparaît pas au premier coup d’œil. « Tout est confus et déformé mais quand on déplace son regard, on découvre le sens ». C'est ce que Werner Herzog pratique dans la dernière partie totalement différente du reste du film. Laura se retrouve au milieu du désert que le cinéaste filme magnifiquement. Un simple montage sol blanc et ciel noir, jour et nuit, rappelle qu'il est un grand esthète et un formaliste. Laura est abandonnée avec deux garçons aveugles aux prénoms incas. Rien que cette demi-heure d'une puissance visuelle, alors qu'il ne se passe presque rien, mérite la vision de Salt and fire.

lundi 21 décembre 2015

Gasherbrum, la montagne lumineuse (Werner Herzog, 1984)

Ils sont tout sourire avec leurs cheveux longs, leurs barbes et leurs sacs à dos à poser pour la caméra de Werner Herzog. Ils s'appellent Hans et Reinhold, ce sont deux alpinistes du Tyrol, ils dépensent en 1984 tout leur argent pour grimper, l'un à la suite de l'autre, deux montagnes de l'Himalayah, les Gasherbrum qui culminent à 8000 mètres d'altitude. Un projet délirant et jamais entrepris. Werner Herzog dans son commentaire en voix off estime que cette ascension est une pure folie, mais cette folie le réjouit tout particulièrement, elle inspirera son long métrage suivant, sorti en 1987, Cerro Torre.

Ce sont d'abord les préparatifs qui accaparent les deux amis. Il faut trouver des porteurs dans cette région du Pakistan qu'ils connaissent déjà. Reinhold a déjà grimpé l'un des deux Gasherbrum. Ils retrouvent Razi Ali, leur cuisinier, qui va se charger de trouver des hommes qui feront, à pied, les 150 km qui relient le village du pied des montagne. Un parcours abrupt et ravineux ponctué de pauses où Hans et Reinhold se baignent dans les sources chaudes avant de se lancer, en duo, dans les glaciers et neiges éternelles. Ils sourient encore, répondent aux questions inquisitrices du cinéaste qu'il assène sur son habituel ton monocorde.

Les porteurs sont morts de trouille pour eux, les prières à Allah devraient aider Hans et Reinhold. Ce dernier craque devant la caméra la veille du départ en duo. Herzog lui a demandé comment il a annoncé la mort en montagne de son frère à sa mère. Il veut quand même partir y compris quand il croise deux alpinistes espagnols qui ont échoué dans l'ascension. Le cinéaste n'accompagne pas Hans et Reinhold dans leur montée, ils ont une caméra pour filmer. Mais le suspense est artificiellement maintenu par Herzog après la déclaration des deux hommes qui ne veulent pas qu'on parte à leur recherche s'ils ne reviennent pas d'ici quinze jours.









La Soufrière (Werner Herzog, 1977)

Quand Werner Herzog apprend que le volcan La Soufrière menace d'entrer en éruption, il décide de partir en Guadeloupe pour filmer cet événement exceptionnel. C'était à la fin de l'été 1976. Les autorités françaises, sans aucun doute échaudées par le drame vécu en Martinique des décennies plus tôt, organisent l'évacuation de la population (73000 personnes). L'éruption catastrophique de la Montagne Pelée en 1902, Werner Herzog la raconte avec des photos de presse de l'époque. Avec son sens de la contradiction, il se moque de la rapidité de l'évacuation de 1976 tout autant que de l'inertie de 1902. Il constate qu'en 1902, le seul survivant était un prisonnier mis au cachot.

Ce qu'il découvre est une ville et ses alentours totalement vidée de sa population. Il filme les rues désertes, la gendarmerie sans gendarmes, les usines abandonnées. Dans certaines maisons la télévision fonctionne encore, les feux de signalisation n'ont pas été désactivés. Seuls quelques animaux affamés se promènent, deux ânes, un chien famélique. C'est un paysage digne d'un film apocalyptique, un pur décor de cinéma que film Werner Herzog qui rappelle tout autant le cinéma de science-fiction que les images de la télévision de l'époque quand les Khmers Rouge ont évacué par la force Phnom Penh un an plus tôt.

Werner Herzog, qui a souvent filmé l'instinct de mort dans ses fictions, part avec sa petite équipe à la rencontre du volcan. Il veut voir ce qui se passe, être le seul à pouvoir témoigner de l'éruption. Las, les routes sont coupées, l'air s'est chargé d'une irrespirable odeur de soufre et la visibilité est restreinte. Au détour d'un chemin, le cinéaste rencontre un vieil homme qui a choisi de ne pas quitter sa maison. Il roupille tranquillement avec son chat au pied d'un arbre. En créole, il explique qu'il fera bien ce que Dieu a choisi pour lui. Le païen qu'est Werner Herzog l'écoute avec une pointe d'amusement. Finalement, la volcan n'entrera pas en éruption.

Les captures d'écran sont issues du DVD « Les ascensions de Werner Herzog » édité par Potemkine Films en 2015.








La Grande extase du sculpteur sur bois Steiner (Werner Herzog, 1974)

Durant l'hiver 1972, Werner Herzog filme Walter Steiner. Le jeune Suisse alémanique, à l'accent à couper au couteau et aux R qui roulent, est un champion de saut à ski. Ce grand et filiforme montagnard de 21 ans est aussi sculpteur sur bois, mais son métier n'intéresse guère le cinéaste. Ce qui le passionne ce sont ces sauts à ski qu'il pratique sans casque et sans peur. Il s'occupe de ses skis de 2,50 mètres de long avec un soin tout particulier (c'était l'époque où les coachs n'avaient pas encore pris le pouvoir), les bichonnant tout autant que ces sculptures. Steiner est toujours souriant même après une chute qui lui érafle le visage. De son côté, Werner Herzog se fait commentateur sportif, se fond dans la masse des journalistes.

Werner Herzog filmait un monde qui n'existe plus. Les compétiteurs viennent d'Union Soviétique, de RDA et le championnat du monde a lieu en Yougoslavie, sur le tremplin de Planica. Assez vite, le skieur comprend qu'il sera l'attraction de ce premier championnat du monde de saut à ski (ou de vol à ski comme le dit Herzog) et que le comité yougoslave a tout fait pour que la compétition soit une attraction majeure donnée au « peuple yougoslave ». 50000 spectateurs se pressent pour admirer ce spectacle. Peu importe que Steiner soit mis souvent en danger, le sport est l'opium du peuple de Tito. Steiner, qui saute largement plus loin que ses compétiteurs, se plaint de la taille trop courte de la rampe de lancement, ce qui le menace d'atterrir hors de la piste.

Cette extase du jeune Steiner, Werner Herzog la filme avec plusieurs caméras installées tout au long du parcours. Il filme les sauts à plusieurs vitesses, normale ou en ralenti. Steiner s'élance tel un oiseau (un corbeau sans doute, il aime cet oiseau) et vole, la bouche grande ouverte. Ses grands skis traversent le cadre, le scinde en deux dans l'horizon avant de revenir à la réalité de la vie. C'est-à-dire soit un saut victorieux (il sera champion du monde avec 20 mètres de plus que les autres) soit un gamelle que Herzog commente avec un sens du suspense retords. Ces envolées lyriques sont accompagnées d'une musique de Popol Vüh, le groupe fétiche du cinéaste, qui a composé une partition planante et extatique.

Les captures d'écran sont issues du DVD « Les ascensions de Werner Herzog » édité par Potemkine Films en 2015.