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mercredi 13 septembre 2017

Good time (Josh & Benny Safdie, 2017)

Pendant toute la durée de Good time, Robert Pattinson ne prendra jamais le temps de s’asseoir. Connie, son personnage, ne tient pas en place dans ce récit en temps réduit, 24 heures de la vie d'un homme aux abois qui ne voulait au départ que partir avec son frère Nick (Benny Safdie), légèrement handicapé mental, enfin quitter le Queens, ne plus croupir à New York et aller à la campagne loin des lamentations de leur mère castratrice et critique de leur vie minable.

Tous ceux qui avaient vu Mad love in New York se rappellent l'incroyable scène d'ouverture en mode voyeuriste, sans dialogue distinct mais d'une force incroyable. Good time renouvelle ce silence dans la première séquence, un casse, Nick et Connie décident, masqués, de dévaliser une banque. Sur un petit bout de papier qu'il tend timidement, Connie a écrit ses instructions (65000 $), somme que la caissière n'a pas, elle sera forcée d'aller dans le coffre fort dans l'arrière boutique.

Dès que les masques tombent (deux prothèses à la peau noire qu'ils surmontaient de lunettes de soleil, des masques comme s'ils étaient jumeaux), les deux frères reprennent la parole, le flot ininterrompu de Connie face à l'élocution lente de Nick se confrontent dans le taxi, le premier offrant des paroles apaisantes au second qui a du mal à cacher son anxiété. Satisfaits de leur coup, ils sourient dans leur Uber, ouvre le sac et une encre rouge se répand sur les billets.

Ce rouge ne va jamais cesser d’apparaître et de contrecarrer le doux projets des deux frères. Leur visage est aspergé, ils se nettoient mais ce qui les liait était ce rouge vif, cette couleur, qui une fois enlevée, les oblige à se séparer pendant tout le film. Le générique, au bout d'une vingtaine de minutes, peut s'enclencher et la folle course de Connie à travers le Queens démarre, une course contre la montre pour payer la caution de Nick qui s'est fait arrêté par les flics.

La balade de Connie donne le rythme au film, à ce jour le plus fort et prenant des quatre longs-métrages de Josh et Benny Safdie. Il s'agit pour le personnage de Robert Pattinson, aussi méconnaissable que dans Lost city of Z, de fuir, de ne jamais s'arrêter comme je le disais plus haut, toujours en mouvement, toujours debout, sauf quand il arrive à trouver une bagnole pour avancer un peu. C'est un jeu de l'épuisement qui se trame derrière ses déplacements, jusqu'au bout de la nuit, avec sueur, fatigue et grise mine.

D'un lieu à un autre, dans ce jeu de piste, Connie croise du monde. Sa mère, un courtier pour faire sortir Nick, un petit malfrat (Buddy Duress) à la gueule cassée qu'il kidnappe dans un hôpital, une gamine (Taliah Webster) chez qui il s'incruste, un gardien de parc d'attractions (Barkhad Abdi). Les frères Safdie sont arrivés à un point de maîtrise de leur cinéma qu'il suffit de quelques plans, de quelques regards échangés pour créer les personnages. L'économie de dialogue fait la force de l'action.

L'ironie du titre Good time se comprend à la manière de Josh et Benny Safdie jouent sur les codes du film noir qui passent par toute une série de transformations. Déguisement, teinture, usurpation d'identité, confusion de personne, Connie tente en vain de mettre en scène un homme qui n'existe que pour faire bonne figure devant son frère, il avance masqué. La musique encercle ce pauvre Connie dans une atmosphère poisseuse comme les deux cinéastes new-yorkais savent si bien la créer.

vendredi 5 février 2016

Mad love in New York (Josh & Benny Safdie, 2015)

La magie du cinéma, c'est de pouvoir passer dans la journée d'un bon blockbuster comme Chocolat à un film indie new-yorkais comme Mad love in New York. En fait, en ce moment, c'est pas vraiment facile de choisir entre les 20 films qui débarquent chaque mercredi dans les salles. Moi, je regarde des films, mais est-ce que le film me regarde moi ? En ce moment, j'ai plutôt tendance à a rabattre sur des films faits par des gens dont j'ai déjà vu quelques films. Avec les frères Safdie, c'est Lenny and the kids (je préfère le titre VO Got get some rosemary) et The Pleasure of being robbed, j'ai une vague idée de ce que je vais voir, de leur petit univers. Et puis, j'aime regarder New York.

L'une des questions qui m'obsèdent depuis un bon bout de temps, c'est celle du réalisme et de ses multiples réponses. Est-ce que c'est ça la vraie vie ? C'est réaliste, crédible, vraisemblable ? En quoi on peut connaître l'authenticité d'une scène ? Dans Mad love in New York, dans le premier quart d'heure, on est mis à rude épreuve et Harley finit à l'hôpital. On nage en pleine authenticité, quand tout à coup, une violente dispute s'enclenche. Harley est agressée par une femme, puis une autre, et elle se prend encore des coups. Mais les frères Safdie choisissent de couper le son des dialogues et de les remplacer par de la musique électro.

Pour beaucoup de cinéastes et d'acteurs, une scène de dispute est l'occasion en or de montrer son talent, son sens du dialogue, son impressionnant jeu d'acteur et direction, les Oscar. En supprimant les dialogues entre Harley et ses agresseurs, Josh et Benny Safdie stimulent l'imaginaire du spectateur, cherche à aiguiser sa curiosité. Mais elles lui veulent quoi à cette pauvre droguée ? Pourquoi elles l'emmerdent ? Jusqu'à présent, on avait un peu l'impression que c'était une victime, mais, à y réfléchir, elle semble plutôt être une fouteuse de merde dont les autres ne veulent plus, d'où la dispute et la baston.

Harley, c'est Arielle Holmes, et inversement. Elle a écrit un livre sur sa vie de SDF droguée dans les quartiers chics de Manhattan où les bons libéraux donnent quelques dollars pour qu'ils survivent. Les Safdie ont adapté son livre et elle incarne son propre rôle, avec une simple inversion sonore pour le prénom. Mad love in New York fait partie de ces films qui plongent directement dans le bain, sans même apprendre à nager. Une étreinte en très gros plan entre Harley et Ilya son chéri (Caleb Landri Jones), un chantage amoureux au suicide filmé en plan très large, la taillage des veines d'Harley et cette scène à l'hôpital.

On ne sait rien du passé des deux personnages, on ne sait pas de quel milieu ils peuvent venir, et on s'en fout un peu. On sait que ces jeunes n'ont pas vraiment d'avenir parce qu'ils vivent au jour le jour. Ilya et Harley ont l'amour fou. Les rupture sont violentes, avec son lot de hurlement, de phrases interrompus et d'arguments fallacieux. Les regards haineux de Harley, le dédain dominateur de Ilya. Les retrouvailles sont tout autant sportives, avec des poursuites dans les rues, des rencontres dans Central Park dans cet fin d'hiver où la neige peine encore à fondre.

Ilya et Harley n'ont qu'une seule obsession : leur shoot d'héroïne quotidien. Harley, les yeux semi-clos fait vaguement la manche pour acheter à Mike (Buddy Duress) sa dose. Tout ceux que Harley rencontre ne lui parle que de Ilya, on a l’impression que c'est presque un jeu pour ces gars de faire perdre la raison à Harley. Au milieu de cette énergie destructrice et cauchemardesque, Josh et Benny Safdie ne s'autorisent qu'une fois à illustrer les effets de la drogue sur le couple. Ilya lance le portable qui leur permettait d'appeler leur dealer. La lumière de l'écran du smartphone se transforme dans le ciel étoilé en feu d'artifice.