mercredi 17 août 2016

The King of pigs (Yeon Sang-ho, 2011)

Avant Dernier train pour Busan, Yeon Sang-ho avait réalisé The Kings of pigs, son premier film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2012. Malgré ses qualités, ce film d'animation coréen (chose rare) n'est jamais sorti, sans doute à cause de la bronca de la presse cannoise : « drame du bizutage traité en film d'animation pour faire passer la pilule de la double fascination de l'humiliation et des bourreaux. L'homme est un loup pour l'homme ? Merci du scoop », lisait-on dans les Cahiers du Cinéma. The King of pigs n’est pas un film pour les enfants bien que ce soit son sujet principal. Et il y a fort à parier que le récit soit en partie autobiographique tant l’urgence narrative est palpable.

Jeune écrivain, Jong-suk (voix de Yang Ik-june) vient de se faire engueuler par son éditeur après lui avoir fait lire le début de son nouveau roman. C’est justement ce premier chapitre qui ouvre le film. On voit un homme prendre sa douche, s’avancer nu et découvrir dans le reflet son visage transformé en monstre. Cette séquence initiale donne le ton âpre et sombre de tout le film. De retour chez lui, prostré dans l’obscurité, il s’engueule violemment avec sa petite amie et quitte furieux l’appartement. Il reçoit alors un coup de téléphone. Kyung-min (voix de Oh Jeong-se) l’appelle après quinze ans sans s’être vus. Il veut lui parler et ils décident de se retrouver.

Un long flash-back démarre qui va plonger les deux hommes dans leur adolescence quand ils étaient collégiens. Etonnement, ce sont des actrices (Kim Hye-na et Park Hee-bon) qui donnent leurs voix aux personnages enfants. Jong-suk et Kyung-min ne sont pas très populaires. Le premier est pauvre, ne mange jamais de viande à son repas de midi. Le deuxième, binoclard – ce qui lui vaut des moqueries – est au contraire riche mais son père tient un karaoké (comprendre une maison close). Ils sont les souffre-douleurs du délégué de classe ventripotent qui entend faire régner sa discipline de faire à tous, à se faire respecter et à perpétuer la hiérarchie instituée par les plus grands du lycée.

Les deux ados reçoivent quelques coups et souvent des insultes quand ils ne se font pas palper l’entrejambe par le délégué pour se moquer d’eux. Tout change quand Chul Kim (voix de Kim Kkobbi), qui refuse de se laisser faire, se met à tabasser le délégué qui a découpé l’arrière du pantalon de Jong-suk. Ce dernier, pauvre comme je l’ai expliqué, n’a pas d’argent pour un pantalon et porte donc les vieux pantalons de sa grande sœur. Ce sera un sujet de moquerie. Chul fracasse la tête de plusieurs élèves avec la boucle de sa ceinture et se fera expulsé pour cela. A son retour, les représailles ne cessent pas et c’est l’escalade des coups des deux côtés. Chul ne se laisse pas conter son attitude. C’est une guerre sourde, sans les adultes, qui se prépare au lycée.

Chul Kim devient le meilleur ami des deux laissés pour compte. Ce qui augmente encore les moqueries. L’arrivée d’un nouveau en classe, Park Chan-young (voix de Jo Yeong-bin), qui porte lui aussi des lunettes, offre un nouvel espoir aux deux ados. Peine perdue, le délégué a tôt fait de la mettre sur le droit chemin après l’avoir aspergé de pisse dans les toilettes. Chul espère défaire l’engeance qui veut lui nuire. Il entraîne les deux garçons dans une maison désaffectée et tue un chat à coups de couteaux, dans une séquence à la fois forte en émotion et terrible de brutalité rentrée. Les trois garçons vivent cette épreuve comme une catharsis tout en sachant qu’ils ne peuvent pas grand-chose contre l’autorité du délégué.

Le film, grâce à l’animation, permet de découvrir ce passé hyper violent caractérisé ce chat crevé revient comme un fantôme dans l’imaginaire de Jong-suk. Parfois c’est le visage de Chul qui se transforme quand il pense à se venger des autres élèves. L’animation dans The King of pigs est très basique, archaïques, saccadée accentuant le sentiment de malaise des trois personnages. De nombreuses scènes sans musique sont très émouvantes, touchent au cœur par leur simplicité. Le désespoir des ados est parfaitement ressenti. La violence et les humiliations quotidiennes décrivent une Corée qui fabrique des monstres. Le film ménage également un suspense sur le destin de Chul et un finale de grande tenue. Il ne reste plus qu'à trouver un distributeur pour faire découvrir ce film.

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