Avant
Dernier train pour Busan,
Yeon Sang-ho avait réalisé The Kings
of pigs,
son premier film, présenté
à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2012. Malgré
ses qualités, ce film d'animation coréen (chose rare) n'est jamais
sorti, sans doute à cause de la bronca de la presse cannoise :
« drame du bizutage traité en film d'animation pour faire
passer la pilule de la double fascination de l'humiliation et des
bourreaux. L'homme est un loup pour l'homme ? Merci du scoop »,
lisait-on dans les Cahiers du Cinéma. The
King of pigs n’est
pas un film pour les enfants bien que ce soit son sujet principal. Et
il y a fort à parier que le récit soit en partie autobiographique
tant l’urgence narrative est palpable.
Jeune
écrivain, Jong-suk (voix de Yang Ik-june) vient de se faire
engueuler par son éditeur après lui avoir fait lire le début de
son nouveau roman. C’est justement ce premier chapitre qui ouvre le
film. On voit un homme prendre sa douche, s’avancer nu et découvrir
dans le reflet son visage transformé en monstre. Cette séquence
initiale donne le ton âpre et sombre de tout le film. De retour chez
lui, prostré dans l’obscurité, il s’engueule violemment avec sa
petite amie et quitte furieux l’appartement. Il reçoit alors un
coup de téléphone. Kyung-min (voix de Oh Jeong-se) l’appelle
après quinze ans sans s’être vus. Il veut lui parler et ils
décident de se retrouver.
Un
long flash-back démarre qui va plonger les deux hommes dans leur
adolescence quand ils étaient collégiens. Etonnement, ce sont des
actrices (Kim Hye-na et Park Hee-bon) qui donnent leurs voix aux
personnages enfants. Jong-suk et Kyung-min ne sont pas très
populaires. Le premier est pauvre, ne mange jamais de viande à son
repas de midi. Le deuxième, binoclard – ce qui lui vaut des
moqueries – est au contraire riche mais son père tient un karaoké
(comprendre une maison close). Ils sont les souffre-douleurs du
délégué de classe ventripotent qui entend faire régner sa
discipline de faire à tous, à se faire respecter et à perpétuer
la hiérarchie instituée par les plus grands du lycée.
Les
deux ados reçoivent quelques coups et souvent des insultes quand ils
ne se font pas palper l’entrejambe par le délégué pour se moquer
d’eux. Tout change quand Chul Kim (voix de Kim Kkobbi), qui refuse
de se laisser faire, se met à tabasser le délégué qui a découpé
l’arrière du pantalon de Jong-suk. Ce dernier, pauvre comme je
l’ai expliqué, n’a pas d’argent pour un pantalon et porte donc
les vieux pantalons de sa grande sœur. Ce sera un sujet de moquerie.
Chul fracasse la tête de plusieurs élèves avec la boucle de sa
ceinture et se fera expulsé pour cela. A son retour, les
représailles ne cessent pas et c’est l’escalade des coups des
deux côtés. Chul ne se laisse pas conter son attitude. C’est une
guerre sourde, sans les adultes, qui se prépare au lycée.
Chul
Kim devient le meilleur ami des deux laissés pour compte. Ce qui
augmente encore les moqueries. L’arrivée d’un nouveau en classe,
Park Chan-young (voix de Jo Yeong-bin), qui porte lui aussi des
lunettes, offre un nouvel espoir aux deux ados. Peine perdue, le
délégué a tôt fait de la mettre sur le droit chemin après
l’avoir aspergé de pisse dans les toilettes. Chul espère défaire
l’engeance qui veut lui nuire. Il entraîne les deux garçons dans
une maison désaffectée et tue un chat à coups de couteaux, dans
une séquence à la fois forte en émotion et terrible de brutalité
rentrée. Les trois garçons vivent cette épreuve comme une
catharsis tout en sachant qu’ils ne peuvent pas grand-chose contre
l’autorité du délégué.
Le
film, grâce à l’animation, permet de découvrir ce passé hyper
violent caractérisé ce chat crevé revient comme un fantôme dans
l’imaginaire de Jong-suk. Parfois c’est le visage de Chul qui se
transforme quand il pense à se venger des autres élèves.
L’animation dans The
King of pigs est très
basique, archaïques, saccadée accentuant le sentiment de malaise
des trois personnages. De nombreuses scènes sans musique sont très
émouvantes, touchent au cœur par leur simplicité. Le désespoir
des ados est parfaitement ressenti. La violence et les humiliations
quotidiennes décrivent une Corée qui fabrique des monstres. Le film
ménage également un suspense sur le destin de Chul et un finale de
grande tenue. Il ne reste plus qu'à trouver un distributeur pour
faire découvrir ce film.
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