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samedi 12 décembre 2020

Um clássico, dois em casa, nenhum jôgo fora (Djamal Limongi Batista, 1968)

Découvert grâce à Didier Roth-Bettoni qui cherche inlassablement tout ce qui peut augmenter son livre somme sur l'homosexualité au cinéma (pour une éventuelle sortie en 2021), Um clássico, dois em casa, nenhum jôgo fora, court-métrage fauché d'un jeune étudiant en cinéma brésilien a été tourné, avec les moyens du bord (caméra 16 mm, noir et blanc, son non direct) en pleine dictature militaire. A l'époque – comme maintenant d'ailleurs – les gouvernants brésiliens ne rigolaient avec les images des amours homosexuelles, alors Djamal Limongi Batista est à la fois très direct et s'amuse de l'interdit.

Le direct est le corps de son jeune acteur, Eduardo Nogueira étoile filante du cinéma brésilien, que le cinéaste se plaît à filmer le plus nu possible (le maximum est le slip comme simple vêtement dans les premières secondes). En fond sonore, un match de foot, la vraie religion brésilienne (ce qui évoque le um clássico du titre, à traduire par « match de foot classique »). Un autre jeune homme finit de s'habiller, une fois sa cravate mise, il sort et laisse Antonio seul dans son lit. La chambre est décorée de photos de femmes (chanteuses, actrices, je ne le sais pas). Le jeune cravaté descend et prend le petit déjeuner avec la famille.

C'est ensuite au tour d'Antonio d'aller dans la cuisine, il apparaît derrière une porte, dans l'obscurité, tel un Nosferatu. Sa mère lui sert le café, le père – un bon costaud au visage rustre – est déjà parti, la sœur passe le balai. La maman cajole son fiston qui part en ville (le film est tourné à São Paulo). La caméra se balade dans les rues de la ville, notamment une rue très passante, les visages sont scrutés (parfois les passants sont étonnés) tandis qu'au milieu Antonio semble perdu à lui-même, il ne reconnaît à peine le jeune homme avec qui il a pourtant passé la nuit. Antonio continue son chemin dans un immeuble en construction.

Des effets de modernité abondent dans le court-métrage, des regards caméra, des faux raccords abondent (toujours pour marquer la confusion d'Antonio), un hommage important à Jean-Luc Godard (des affiches publicitaires qu'observe Antonio), un plan en « positif », avec une idée politique, celle du faux qui envahi son espace, toutes ces gens qui sourient alors que la dictature les soumet, peu importe, ils vivent librement, un match de catch et la publicité donc comme indices du faux, de le consommation facile, du spectacle permanent pour oublier la vie quotidienne. Antonio tente de participer à ce simulacre de vie, en vain.

Cela se poursuit avec la main d'Antonio qui manipule un appareil de projection. Là encore l'idée de Godard de la vérité du cinéma. La toile de cinéma est un drap tendu par un jeune amant rencontré par hasard et séduit immédiatement (beau panoramique en regard caméra). Le drap cachait sa nudité, il sert à s'affirmer. Les dernières minutes du film sont les plus sensuelles, le cinéaste poursuit son idée de filmer deux corps avec force évocation, certes les corps sont nus mais ce sont les mains qui simulent l'acte sexuel. Les dernières secondes évoquent Pier Paolo Pasolini, comme pour Godard, il n'est pas certain que ce jeune cinéaste de 18 ans avait vu leurs films mais c'est probable.































dimanche 25 octobre 2020

La Flèche ardente (Joris Ivens, 1912)

Commençons par le commencement et le film d'adolescence de Joris Ivens, tourné à 13 ans dans la maison familiale avec frères, sœurs, père et mère. Le seul livre qui parle de la vie de Joris Ivens est le catalogue édité par le Centre Georges Pompidou pour une rétrospective en 1979. La biographie du cinéaste est très succincte, elle ne donne que des points factuels mais ce court-métrage de 10 minutes La Flèche ardente en dit un peu plus, il suffit de lire entre les plans de cette histoire d'Indiens du western.

Le livre indique que le père Ivens avait offert une caméra au fiston parce qu'il en vendait. J'imagine que ça ne devait pas arriver dans toutes les familles qu'on laisse un gamin utiliser une caméra, sans vraiment savoir si c'était une rareté. Mais ce que déclare le film est que le western, que les aventures avec des Indiens étaient suffisamment populaires en 1911 que le petit Joris décide de s'approprier le genre. Ce qui est d'autant plus rare dans sa longue filmographie, lui qui se destinera plus tard au documentaire, La Flèche ardente est une de ses rares fictions.

Non pas un, mais deux Indiens. Un méchant et un gentil, le premier Aigle Noir kidnappe une fillette, le deuxième aide les parents européens à la sauver. Je suis à peu près sûr que Joris Ivens incarne ce bon Indien nommé Flèche Ardente. Il est très loin de l'histoire de La Prisonnière du désert mais ce qui ressort est qu'un bon Indien est un Indien obéissant aux Blancs, qui collabore avec eux. Il est facile de penser que la pensée politique de Joris Ivens n'est pas encore développée, cela va sans dire. Cela viendra au court de ses nombreux voyages.

La seule chose étonnante dans son court-métrage est l'apparition de panoramiques pour suivre les personnages qui traversent le cadre. D'autant plus étonnant que c'était très rare à l'époque du muet qu'un cinéaste ose bouger sa caméra. Le petit Joris invente un procédé, probablement jamais vu, pour sa mise en scène. Après son histoire, toute la famille Ivens apparaît avec un effet spécial visuel bien connu cette fois, l'arrivée dans un même plan de chacun. Puis il ne reste que Joris, tout sourire avec ses dents du bonheur, qui salue son spectateur.
















 

jeudi 15 octobre 2020

J'ai aussi regardé ces films en octobre


Parents d'élèves (Noémie Saglo, 2020)

Jusqu'à présent, on ne peut pas dire que les films de Noémie Saglo avaient dépassé le stade du cliché sur chaque sujet qu'elle abordait. Pareillement, le jeu de Vincent Dedienne manquait de finesse dans Terrible jungle, mais dans Parents d'élèves. Concept simple : le babysitter qui déteste les enfants et l'école devient le père d'un enfant. Il s'ensuit tout un déluge de mensonges qui engendrent des quiproquos. L'art de la vanne de Vincent Dedienne, son débit hyper rapide, son air éberlué permettent de passer toutes les incohérences et invraisemblances du scénario. Avec un peu de travail, il pourrait devenir un bon acteur de cinéma. Pour une fois, les enfants jouent bien avec des répliques d'enfants.

Lupin III, the first (Takashi Yamazaki, 2019)

Dans l'animation japonaise, il n'y a pas que les dessins de l'école traditionnelle. Cette aventure d'Arsène Lupin est bien dans la veine des séries télé qu'on voyait dans le Club Dorothée mais la méthode est plus limpide tout en gardant une souplesse graphique. Le célèbre cambrioleur se modernise mais reste le même avec son adversaire éternel (le flic colérique) et ses complices. Pas franchement destiné aux enfants, Lupin III va se promener en France et prend régulièrement ses bouts de scénario dans les Indiana Jones, modèle de cette nouvelle version. Le film est très marrant, relativement épuisant puisque tout est mouvement rapide. On verra dans quel pays Lupin ira dans The Second.

La Première marche (Hakim Atoui & Baptiste Etchegaray, 2019)

Aux cancres qui pensent encore qu'un documentaire ne fait que retranscrire la réalité, il faut rappeler que tout est mise en scène dans le cinéma, documentaire, fiction comme expérimental. Malgré sa banalité, La Première marche est mangé par l'un de ses personnages, l'étudiant Youssef qui prend toute la place. Les deux réalisateurs pensaient tourner un film collectif sur quatre étudiants qui organisaient la première gay pride en banlieue parisienne, ils tentent de laisser la parole à tous mais assez vite, à chaque fois que l'un des trois autres causent devant la caméra, on roupille en attendant Youssef. Il est politique, très politique, tout en développant un sens comique irrésistible. Tant qu'à faire, le film aurait dû se concentrer sur lui. Tant pis pour les autres.


lundi 12 octobre 2020

Libre et assoupi (Benjamin Guedj, 2014)

Pour reprendre une expression toute faite, certains films ne trouvent pas leur public. Ça ne vaut pas dire grand chose. On ne dirait jamais que certains films ont perdu leur public (ça pourrait vouloir dire qu'on s'est fait arnaqués sur la marchandise) même s'il est vrai que Libre et assoupi a été peu vu à sa sortie, mais ce qui compte c'est que ceux qui l'ont vu aient envie de le revoir et de partir ce petit plaisir de voir cette comédie française sur une utopie inversée qui rappelle le besoin de révolution des années 1970.

La révolution de Sébastien (Baptiste Lecaplain) est de ne RIEN faire. Si possible dans un lit douillet. Le jeune comédien n'a jamais eu de chance avec le cinéma, il a toujours fait des mauvais choix dans des films pourris (ces films qui perdent leur public). Sébastien est pour l'instant le rôle de sa vie parfait pour son débit rapide et cette voix un peu chantante. Grand corps, cheveux mi-longs, il est assis dans sa première apparition dans Libre et assoupi, parlant des femmes qui l'inspirent. Inspirer pour lui est provoquer une érection et se masturber.

Il explique ça à son colocataire Bruno (Félix Moati) assis à sa droite sur le canapé. Petit brun aux cheveux bouclés, Bruno passe d'un petit boulot à un autre pendant tout le film. Lui est incessamment dans le mouvement. Le choc entre le mouvement et son absence fournit l'essentiel du récit. Enfin, récit, il faut le dire vite. Le film trouve une forme proche de la suite de sketches où les bizarreries de chacun étonnent l'autre, avec ce que cela implique, certains sont meilleurs que d'autres. Le tout est concentré dans un appartement parisien où Sébastien vient d'emménager.

Bruno est amoureux de la propriétaire des lieux, Anna (Charlotte Le Bon). Parmi le meilleur sketch se cache le journal intime de la jeune femme. Elle sait que Bruno le lit chaque jour, Bruno ne sait pas qu'elle a deux journaux intimes, l'un bien caché où elle écrit ce qu'elle veut, l'autre mal caché destiné à Bruno. Le jeu consiste à influencer la vie de l'amoureux timide. Elle écrit qu'elle aime les pantalons en cuir, le lendemain il porte un pantalon en cuir. Ce qui fait rire Anna et Sébastien mis au courant par elle.

La douceur extrême du film passe par cette nonchalance de ses personnages qui vivent comme dans un film d'Agnès Varda, ils sautent du coq à l'âne dans leur conversation (sur tout et sur rien, surtout sur rien), leur jeu (visiter un musée en slip), leur alimentation (Sébastien mange essentiellement des biscuits, Bruno met ses chips au frigo). Reste la vie amoureuse avec un trio théâtralisé où, paradoxalement, personne n'arrive à faire le premier pas, où les allants de Bruno sont brimés tandis que l'amour d'Anna pour Sébastien se solde par une incompréhension.

Ne rien faire consiste à ne pas trouver un travail salarié. Ce n'est pas très à la mode, tous les films français sont construits autour du travail. Les personnages doivent avoir un boulot ou en trouver un ou en perdre un (encore et toujours ces notions de trouver et perdre – comme pour le public). Non, Sébastien non seulement ne veut pas de travail, ni de salaire mais il est bien forcé, ne serait-ce que par Anna qui ne comprend pas. Il va bien falloir qu'il paye son loyer, c'est dans ces petites brèches sociales que se glisse le réalisme du film.

Le RSA va aider Sébastien et son agent RSA est un type qui va partager sa passion du Rien. Denis Podalydès est cet agent qui va passer du temps en slip, assouvir sa passion, mais surtout apprendre à lire. Là est la finalité du film, l'éloge de la lecture et l'amour du livre comme aboutissement du bonheur. Certes Benjamin Guedj – qui n'a pas encore pu tourner de deuxième film – se permet quelques facilité, notamment pour boucler sa boucle, mais Libre et assoupi est tellement charmant qu'il faut qu'il trouve un peu son public six ans après sa sortie.