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jeudi 3 novembre 2016

Contact (Robert Zemeckis, 1997)

Le Livre Guinness des records pourrait inscrire Contact dans ses pages. Robert Zeemckis filme le plus long travelling de tout le cinéma. Départ au sud est des Etats-Unis et travelling arrière dans notre système solaire, puis notre galaxie pour poursuivre dans l'espace intersidéral. Dans la bande-son, avec astuce (car cela servira plus tard), on entend les sons mêlés et discordants (presque comme dans film de Godard) de toutes les ondes transmises. Et au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la planète Terre, les sons deviennent rares et de plus plus anciens. Ce travelling s'achève au milieu de la pupille d'Ellie Arrowman, quand elle n'est qu'une enfant.

Pour dire la vérité, Contact a tout du navet. C'est un film très long, très verbeux où chaque personnage explique plusieurs fois ce qu'il fait, ce qu'il pense, dans une incapacité de la mise en scène de Robert Zemeckis d'être sobre. Le film regorge de tout un prêchi-prêcha théologique d'une rare indigence entre un prêtre, Palmer Joss (Matthew McConaughey) et Ellie (Jodie Foster). On cause avec des grands airs et des convictions de la Foi, de Dieu, de l'Univers, que des mots avec des majuscules. La romance entre eux est aussi ennuyeuse que les rivalités entre Ellie et Drumblin (Tom Skeritt) son patron.

Et pourtant, malgré tous ses défauts flagrants, j'aime à la folie Contact. Pas le film en totalité que désormais je regarde en diagonale, zappant les parties sur l'enfance d'Ellie avec son gentil papa, sa découverte des étoiles et la mort du père. Je ne regarde plus les premiers pas entre Palmer et Ellie à Puerto Rico (ridicule scène de lit), ni la partie en fin de film sur la commission d'enquête, je me concentre sur quelques séquences et mouvements scénaristiques qui me plaisent beaucoup, bref tout ce qui concerne l'espace intersidéral, la découverte du contact envoyé de Véga, le décryptage du message, la construction du véhicule et le voyage.

Quand Robert Zemeckis fait bien son boulot, il travaille sur l'opposition entre son et image, comme l'amorçait la séquence d'ouverture comme une réponse à celle, noire mais musicale, de 2001 l'odyssée de l'espace. Ce son que Ellie cherche depuis son enfance,depuis qu'elle a ce boulot au SETI : écouter une trace de vie extra-terrestre. Le son vient à ses oreilles, un bruit rugueux et répétitif similaire à celui d'une machine. Un son énigmatique que Ellie détermine comme venant de Véga, bien bien loin de chez nous, de son centre d'observation. Et là, c'est le drame, le son s'arrête, la machine lancinante ne se fait plus entendre, pour enfin reprendre. Le son annonce des chiffres premiers, eurêka, Ellie sait que cela vient d'une civilisation.

Puis, c'est Kent Clark (William Fichtner) le collègue aveugle, celui qui ne peut pas voir mais qui entend tout, un phare dans ce monde vide, c'est lui qui conçoit que derrière ce son se cache une image. Et cette image renvoie au début de la télévision et à Hitler. On dirait presque encore une fois un discours et une pensée godardiennes. Chez Zemeckis, rien n'est intellectualisé, c'est plutôt inné, viscérale, naturel pour les personnages, mais Ellie est à la recherche d'images des étoiles venues d'un lieu lointain où le son n'existe pas. Et pour cela, il n'existe qu'une seule solution : substituer à son propre corps les effets spéciaux, dédoubler son visage lors du passage dans les vortex et confondre l'espace et le temps.

L'homme qui finance la construction de la machine à voyager vers Véga est Hadden (John Hurt). J'ai toujours trouvé qu'il ressemblait au professeur Ezdanitoff dans Vol 714 pour Sidney, petites lunettes, boule à zéro, propos péremptoires sur les extra-terrestres, connaissance sans limite. Il permet à Ellie d'être l'initiée. J'adore cette idée que la capsule tombe dans la mer en une seconde, comme un projet tombe à l'eau, que Ellie ne pourra rien raconter de tout ce qu'elle va vu au fin fonds du monde, sans bouger, comme une métaphore du spectateur qui a envie de croire à l'histoire que lui raconte le cinéaste. Moi, j'y crois depuis 20 ans.



























jeudi 29 septembre 2016

J'ai aussi regardé ces films en septembre 2

Free State of Jones (Gary Ross, 2016)
Tiré d'une histoire vraie (1). Dans ce film du réalisateur du premier Hunger games (le meilleur de la franchise) et de Pleasantville, on apprend pas mal de choses sur la Guerre de Sécession. D'abord que certains sudistes, tel ce personnage de Newton Knight qu'incarne Matthew McConaughey, sont opposés à la guerre et à l'esclavage. C'est la raison de sa désertion. Il apprend à ses amis soldats que le gouvernement confédéré exempte d'armée ceux qui possèdent des esclaves. Une guerre pour les riches et non pour l'honneur. On apprend que ce sont les Démocrates qui ont instauré les lois de ségrégation dans les états du sud (ceci, Selma le rappelait aussi). Or notre héros est Républicain, comme l'était le président Lincoln. On apprend aussi, qu'une fois l'esclavage aboli, ces états ont inventé une loi sur l'apprentissage obligatoire pour faire travailler les Noirs sans les payer. Et enfin, on apprend l'existence de cet état libre de Jones fondé, non sans mal, par des pacifistes / abolitionnistes / adversaires de la ségrégation au beau milieu des marais de l'état du Mississippi. Le film fonctionne sur le réalisme le plus cru possible. Un peu trop long mais pas mal.

Blair witch (Adam Wingard, 2016)
Tiré d'une histoire vraie (2). Ce dernier avatar du film en mode found footage repose sur une aberration initiale : l'un des personnages cherche à retrouver sa sœur Heather, 20 ans après, l'une des protagonistes du Projet Blair witch (1999). Aberration parce que du coup, le film se place comme une suite directe et ne prend même pas la peine de ménager du suspense sur les raisons de cette troisième visite dans la forêt maudite. On a du mal à croire qu'il ait réussi à embarquer trois de ses potes en leur disant « hey, ma sœur est vivante depuis 20 ans, allons vite la retrouver dans une forêt infestée par une sorcière ». Pour le reste, on double les personnages (de 3 à 6), on multiplie les caméras (2 en 1999, un drone, des caméscopes, des go-pros et des caméras oreillettes en 2016). Toutes ces images donnent encore plus mal à la tête, il y en a beaucoup trop. Le film détourne l'idée de 1999 où tous tournaient en rond, là, c'est le temps qui se dérègle. Pour certains, le trip dure des jours, pour d'autres quelques minutes. Mais peut-on encore croire à un film found footage ?

La Danseuse (Stéphanie Di Giusto, 2016)
Tiré d'une histoire vraie (3). Dans mon texte sur les films Lumière, j'avais mis des images d'une danse serpentine filmée en 1897. C'était Loïe Fuller, l'héroïne de La Danseuse. Soko lui prête ses traits avec le souffle haletant à chaque dialogue, nouvel écueil du cinéma réaliste français qui veut donner de l'émotion à chaque instant. Mademoiselle Fuller est l'inventrice de cette superbe danse, épuisante mais hypnotique, que la réalisatrice s'échine à ne jamais filmer in extenso en alternant plans d'ensemble où l'on peut bien voir la magie du numéro et plans en immersion comme en caméra subjective. La première partie du film est passionnante. Fuller est filmée en plein processus de création et, pour une fois dans un biopic artistique, tout est tangible. La financement, la douleur, l'inventivité. Dans la deuxième partie, c'est la confrontation avec Isadora Duncan (que joue Lily-Rose Depp) qui est au centre du récit. Tout est appuyé, convenu et superficiel.

jeudi 28 avril 2016

Nos souvenirs (Gus Van Sant, 2015)

Les quolibets qui ont suivi les projections de Nos souvenirs au Festival de Cannes 2015 (alors simplement titré The Sea of trees) ont retardé de près d'un an sa sortie en salles. La presse aurait sifflé le film lors de sa présentation. Qu'on se rende compte, Gus Van Sant n'aurait pas fait un énième film sur des adolescents en skateboard, ou un chanteur junkie ou des lycéens meurtriers. Au lieu de ça, Arthur (Matthew McConaughey) un prof de sciences qui décide de tout plaquer pour prendre un avion sans aucun bagage, s'envoler au Japon et pénétrer dans une forêt malgré les panneaux qui en interdisent l'entrée.

Les quinze premières minutes de Nos souvenirs se présentent sans un seul mot, mais avec un beau design sonore. On n'entend que le son des pas d'Arthur sur le sol et une musique planante et inquiétante, la caméra suit son personnage dans ce parcours d'abord balisé par des pancartes, un chemin en forme de serpent composé de planches, des cordes de toutes les couleurs, jusqu'à ce panneau qui indique la fin de la promenade. Arthur franchira la barrière et s'avancera plus profondément dans la forêt, de plus en plus épaisse, avec des arbres immenses que Gus Van Sant filme comme un prison dans laquelle Arthur va s'enfermer.

Tandis qu'il s'enfonce, l'obscurité s'impose, puis c'est le froid. Et sur le sol, il remarque des objets disparates, et un corps. Dans cette forêt juste à côté du mont Fujiyama, les gens désespérés viennent se suicider. Et tout à coup, Arthur croise un homme, un Japonais (Ken Watanabe), qui – miracle – parle anglais. L'homme est blessé, il titube. Arthur lui donne sa large veste beige pour le réchauffer, il déchire une manche de sa chemise pour soigner ses blessures aux poignets. Le Japonais veut retrouver le chemin pour partir d'ici au plus vite, mais le chemin a disparu. Ce sont des naufragés au milieu de cette mer d'arbres.

Comme dans tous les films de Gus Van Sant, la marche de ses personnages est le moteur du récit, Gerry (autre film bien moqué à l'époque et qui sortit en salles deux ans après sa production, et encore grâce à la Palme d'or à Elephant) est son film où la marche est poussée dans la plus grande abstraction. Nos souvenirs souffre d'un grave défaut : tout est expliqué à grands coups de flash-backs. On découvre la vie d'Arthur dans la Massachusetts, sa vie de couple avec son épouse (Naomi Watts) alcoolique et atteinte d'une tumeur. Leurs disputes tout comme leur amour sont étalées au premier degré. De la guimauve.

Pour ma part, cette idée de deux naufragés au milieu d'une forêt peuplée de signes mortifères me plaît beaucoup plus que les séquences de la vie de couple. On remarquera que les scènes de jour au Japon s'oppose aux séquences de nuit des flash-backs, et inversement quand la nuit arrive et que l'obscurité devient totale sur l'écran. La marche d'Arthur et du Japonais dure quelques heures où ils ne cessent de trébucher, de s'esquinter, de se blesser, de crever de faim et de froid. Gus Van Sant touche à un fantastique, énonce un lieu mystérieux où l'on comprend assez vite la vraie nature du Japonais.

Le choix de Gus Van Sant de faire de Matthew McConaughey sa victime expiatoire est étonnante. L'acteur texan est plus habitué (et je ne parle que de ses films depuis Tonnerre sous les tropiques et non des ses rôles sans chemise) aux grandes gueules qui foncent dans le tas. Gus Van Sant prend un malin plaisir à le faire porter les vêtements des suicidés qu'il découvre aux recoins des bois, à le couvrir de boue et d'eau. Mais le plus important, il lui fait dire « qu'en tant que scientifique, il pense que Dieu n'existe pas », exactement l'inverse de ce que disait son personnage dans Contact de Robert Zemeckis, plus proche de ses convictions religieuses. Un vrai rôle de composition.

mardi 19 avril 2016

Richard Linklater en 12 films

Richard Linklater est un Texan, mais pas un partisan de la famille Bush, il est du genre libéral, fondateur d'une association de cinéma à Austin dès 1985 à l'âge de 25 ans, Austin Film Society qui a permis à la ville du Texas d'être une enclave culturelle au milieu d'un état éminemment conservateur. C'est à Austin que l'un des plus grands festivals du monde, South by Southwest (SXSW) a été créé, antre du vrai cinéma indépendant. Au sein de son studio, Richard Linklater a permis à certains cinéastes de s'affranchir de Hollywood : Quentin Tarantino y tourné Boulevard de la mort, Robert Rodriguez la plupart de ses films, David Gordon Green natif de l'Arkansas, producteur de Jeff Nichols, est un familier du lieu. Depuis 25 ans, Richard Linklater a tourné une vingtaine de films. C'est beaucoup, mais la plupart de ses longs-métrages ne sont pas sortis en France. Il n'est pas un grand cinéaste, loin de là, certains de ses films sont terriblement niais. Comédie musicale, thriller, biopic, animation, film noir, comédie, romance, il passe allégrement d'un genre à l'autre, comme Steven Soderbergh mais sans les afféteries ou comme Robert Altman sans le cynisme. Dénué de style propre, ses films sont cependant marqués par des motifs récurrents : la notion de hasard, le travail du temps qui passe et des bavardages incessants entre les personnages.
Slacker (1990)
A partir d'un événement traumatisant, un accident de voiture à une station de bus, Richard Linklater crée tout un mouvement de dominos. Il suit un premier personnage (lui-même) qui en rencontre un deuxième, s'en suit une longue discussion, ce deuxième personnage en rencontre un troisième ad libidum. Le film se déroule en temps réel dans un quartier modeste d'Austin. Filmé en 16mm en toute indépendance et pour quelques dollars, Slacker traverse les rues d'Austin pour s'arrêter chez des gens qui glandent, qui passent leur temps à discuter de sujets divers et variés qui ont tous un lien avec l'histoire des USA (l'assassinat de JFK, Madonna, le voyage sur la lune, les séries télé). Inédit en France, le film a été édité par Criterion entre deux classiques du cinéma japonais.
Génération rebelle / Dazed and confused (1993)
Quand Matthew McConaughey finit son speech lorsqu'il reçoit son oscar pour Dallas buyer's club, il termine par « alright alright alright ». C'était sa réplique phare dans Dazed and confused vendu en France à l'époque comme un film « grunge » avec ses jeunes héros qui entrent à l'université au milieu des années 1970 et dans la vie adulte, c'est-à-dire séduire et coucher avec une personne du sexe opposé. Cette comédie grivoise, mais pas trop, accueillait dans leur premier vrai rôle Milla Jovovich, Ben Affleck, Adam Goldberg entre autres. Le film a passablement vieilli faute d'une solide construction, Richard Linklater poursuivait sa forme de film à sketches, son grand défaut de ne pas savoir faire un scénario « en béton ». La bande originale du film, copieuse, utilise tout ce que le rock faisait de mieux en 1975.
Before sunrise (1995), Before sunset (2004) Before midnight (2013)
On peut l'appeler la trilogie des before (l'aurore, le coucher de soleil, minuit), ou la trilogie européenne (Vienne, Paris, la Grèce), ou la trilogie Ethan Hawke Julie Delpy. Dans ces trois films, les plus connus de Richard Linklater, les deux acteurs déambulent tels des touristes dans les rues romantiques de Vienne et Paris puis sur les routes ensoleillées de la Grèce dans la quête de points communs dans de longues conversations sur l'amour, la vie et les vaches. Ils se rencontrent par hasard dans un train, et comme il se doit, ils tombent amoureux dans Before sunrise. Ils racontent leur vie loin de l'autre dans Before sunset, lui a eu un fils – celui de Boyhood ?, elle est devenue écrivain dans les 8 ans qui séparent les deux films. Dans Before midnight, ils ont été en couple, ont eu deux jumelles puis se sont séparés. La petite musique de Richard Linklater est agréable et s'améliore au fil du temps. Les deux personnages de Jesse et Céline sont également dans un séquence de Waking life.
Le Gang des Newton / The Newton boys (1998)
Matthew McConaughey, Ethan Hawke, Vincent D'Onofrio et Skeet Ulrich sont les frères Newton. Première incursion de Richard Linklater dans le film d'époque (le Texas des années 1920), The Newton boys explore les exploits d'une fratrie de cow-boys devenue gang de casseurs de banque et de dévaliseur de train. Ils agissent pour la justice car, selon eux, les banques quand elles sont font dévaliser touchent une assurance. Conclusion : elles arnaquent les gens, autant leur prendre leur argent. Franchement trop long, The Newton boys coince aux entournures dès qu'il évoque la vie privée et amoureuse des frangins. La meilleure partie est dédiée à leur exil, au milieu d'une forêt, loin de la ville, des femmes et des braquages. Le film sera un gros bide.
Waking life (2001)
Premier essai à la rotoscopie, ce procédé d'animation qui consiste à dessiner à partir de prises de vues réelles, Waking life entend, à la manière de Slacker, soit une ronde de personnages disparates et sans lien les uns avec les autres, causer philosophie. C'est terriblement raté, prétentieux et mou, l'archétype du film Sundance qui pète plus haut que son cul.
Rock Academy / School of rock (2003)
Plus gros succès public de Richard Linklater, Rock Academy a la bonne idée de laisser Jack Black libre comme l'air et l'acteur ne se ménage pas à la tâche. Guitariste dans un groupe de rock, il se voit virer et décide devenir le prof de musique d'une école privée, usurpant l'identité du vrai enseignant. La rencontre entre le gros paresseux inconséquent et la future élite argentée provoque de nombreux moments comiques qui font merveille. Le but du personnage de Jack Black n'est pas d'apprendre la musique aux marmots mais de les inscrire à un concours de rock pour concurrencer son ancien groupe. Il va ainsi mentir à la directrice du collège et devenir l'idole de ses élèves. Les enfants sont admirablement bien dirigés. La meilleure comédie du cinéaste. Cas rare, les chansons (du rock bien connu) sont jouées in extenso.
Bad news Bears (2005)
Rôle parallèle à Rock Academy, Billy Bob Thornton remplace Jack Black dans Bad news Bears, avec son air grognon habituel, en tant qu'ours mal léché au milieu d'enfants qui n'en demandaient pas. Il est un ancien joueur de baseball, devenu alcoolo et dératiseur qui se voit proposer d'entraîner une équipe de gamins tous plus nuls les uns que les autres. Moins réussi que Rock Academy, Bad news Bears parvient à faire rire grâce aux mauvaises manières de Billy Bob Thornton, monstre de vulgarité et d'égoïsme. La fin édifiante sur le mode « tout le monde peut y arriver avec un peu d'effort, on est Américain, que diable » est évidemment décevante.
Fast food nation (2006)
L'une des promesses les plus démagogiques de Donald Trump est de renvoyer chez eux les Mexicains. Cela affole les états limitrophes (Colorado, Texas, Californie et Nevada) car ce sont les Mexicains, sans papiers et payés au lance pierre, qui sont derrière les fourneaux. Fast food nation parle, entre autres, de ces migrants illégaux qui cherchent du travail dans une compagnie de fast food. Leur boulot est harassant, leur condition précaire, ils sont là pour dépiauter les carcasses de viande qui seront servis dans les hamburgers. Parallèlement, un journaliste enquête sur cette multinationale où des matières fécales ont été découvertes dans la viande. Film choral aux nombreux personnages qui se croisent, Fast food nation se veut un pamphlet contre l'Amérique consumériste mais la charge, parfois efficace, est noyée dans des histoires d'amour plates.
A scanner darkly (2006)
Deuxième essai à la rotoscopie, cette fois réussi. A scanner darkly est d'abord un gros casting composé de stars jamais venue dans le cinéma de Richard Linklater : Keanu Reeves, Robert Downey Jr, Woody Harrelson, Winona Ryder. Le film présenté, tout comme Fast food nation, au Festival de Cannes 2006 a été un énorme bide commercial, ce qui n'empêche pas qu'il est une adaptation réussie du roman de Philip K. Dick. L'image rotoscopée donne une vision intéressante de l'effet d'une nouvelle drogue dure et développe le sujet de la surveillance de l'Etat sur le citoyen. Contrairement à Minority report de Steven Spielberg et Paycheck de John Woo, sortis juste avant A scanner darkly, Richard Linklater choisit de supprimer tous les effets spectaculaires des deux précédentes adaptations de Dick et de se concentrer sur la suggestion, sur les discussions paranoïaques du trio d'acteurs et sur le faux-semblant. Le récit est souvent un peu compliqué, embrouillé mais correspond à l'impression de flottement que subissent les protagonistes.
Me and Orson Welles (2008)
Zac Efron venait tout juste de finir son dernier High school musical pour Disney et il n'était pas encore engagé pour ses rôles récents où il ne doit porter comme tout costume qu'un pantalon (variante, un short ou un slip). Quelle aubaine pour lui de se confronter au monde du théâtre et à Orson Welles (incarné ici par Christian McKay). Zac Efron joue le nouvel assistant de Welles quand celui-ci était encore l'enfant chéri de l'Amérique mais pas encore cinéaste. Nouvel assistant, car Welles est montré comme un être tyrannique et son assistant est son souffre-douleur. Evidemment quand l'assistant écoute les conseils du Maître et qu'il couche avec sa maîtresse, Orson se met dans une colère noire et vire l'insolent avant de le rembaucher pour mieux l'humilier. Rare film de Richard Linklater à quitter le Texas pour New York, Me and Orson Welles élève la cabotinage et l'histrionisme au rang de grand art.
Bernie (2011)
Meilleur film de Richard Linklater, Bernie n'est pourtant jamais sorti en France. Jack Black est ce Bernie, bon gros célibataire qui officie comme croque-mort, avec un grand sourire et une belle abnégation, même quand les gens abusent de sa gentillesse. Quand il rencontre une vieille acariâtre, incarnée avec humour par Shirley McLaine, il devient son chien berger, puis son petit toutou toujours prompt à céder à tous ses caprices. Effets comiques garantis. Parce qu'elle est détestée de tous, personne ne s'inquiète vraiment de ne plus la voir. C'est que Bernie s'est débarrassée d'elle. Tout simplement. Le procureur du coin (retour de Matthew McConaughey chez Linklater) veut juger Bernie, mais aucune preuve de son meurtre n'est trouvée. Cette brillante comédie noire est scandée par des interviews des vrais habitants de la ville où s'est déroulé ce crime, donnant des points de vue contradictoires, certains soutiennent Bernie, certains l'accusent. Le vrai Bernie Tiede a passé dix ans en prison et vient d'être libéré.
Boyhood (2013)
Si Boyhood me touche tant, c'est sans doute parce qu'il me rappelle une émission de télé que je regardait ado (Que deviendront-ils ? Sur Antenne 2). Sur dix ans, des jeunes de mon âge étaient suivis. Boyhood est de cette veine, dix ans compressés sur 2h45. Au cinéma, cela n'avait jamais été fait, filmer trois acteurs (Ethan Hawke, le père, Patricia Arquette, la mère et Ellar Coltrane, le fils) pendant douze ans, avec des bribes de vie, sans avoir recours entre les séquences, comme autant d'années écoulées, à une annonce de calendrier. Boyhood c'est vraiment tout du rythme, du temps et de l'espace, un enfant qui grandit, des parents qui divorcent, qui se remarient, des événements en écho, de la musique, les premières amours, une partie de chasse et des trajets en voiture. La seule équivalence (mais en documentaire) est chez Michael Apted avec sa série Up débutée en 1963 et poursuivie jusqu'en 2012 où il filme la même famille tous les 7 ans. Mais pour moi, Boyhood se réfère plutôt à ces séries télé, les sitcoms surtout, où l'on suit la vie de ses personnages sur plusieurs saisons. Alyssa Milano avait mon âge au début de Madame est servie.
Everybody wants some (2016)
Dès que le le vois, j'en cause.

Pas vus : It's impossible to learn to plow by reading books (1988), SubUrbia (1997), Tape (2001)

mardi 1 mars 2016

Tonnerre sous les tropiques (Ben Stiller, 2008)

L'idée géniale qui ouvre Tonnerre sous les tropiques, ce sont ces bandes annonces et cette publicité qui permettent de présenter les quatre personnages principaux. La caricature est évidente, et jouissive, sur ces acteurs qui seront au centre du tournage chaotique, à la Apocalypse now, qui plonge le spectateur au cœur de la jungle vietnamienne. Alpa Chino (Brandon T. Jackson) est un rappeur entouré de filles en bikini vantant ses sponsors tandis qu'il chante aimer les chattes. Jeff Portnoy (Jack Black) est un acteur comique spécialiste du pet, entre Martin Lawrence (Big Mamma) et Eddie Murphy (La Famille Foldingue). Tugg Speedman (Ben Stiller) est la star du film d'action musclée, entre Steven Seagal et Gary Daniels. Kirk Lazarus (Robert Downey Jr.) est un acteur multi oscarisé, sorte de Daniel Day Lewis qui tourne des films exigeants, en l'occurrence Satan's alley où il joue un prêtre médiéval qui tombe amoureux d'un moine incarné par Tobey Maguire. Les bandes annonces sont hilarantes, très réussies (surtout Satan's alley) et crédibles.

Comme dans Zoolander, ce sont les médias, ici une émission people, qui mettent les points sur les I sur ces quatre acteurs et sur le tournage de Tropic thunder. Lors d'un reportage, la présentatrice évoque le tournage compliqué par la faute de Damien Cockburn (Steve Coogan), le réalisateur débutant et incompétent à gérer ses stars à l’ego surdimensionné. Jeff Portnoy a de gros soucis de comportement (le sujet de mes films, c'est pas le pet, c'est la famille) d'autant qu'il est accro à l'héroïne. Lazarus est un acteur qui s'immerge dans ses rôles, jusqu'à la démence. Pour son rôle de soldat noir, il s'est fait pigmenter la peau. C'est sur Tugg que le reportage s'acharne en affirmant qu'il est fini, que son dernier blockbuster a été un bide et que depuis sa tentative de faire un film sérieux, Simple Jack, jouant un personnage retardé, il est la risée de Hollywood. D'un côté, une image strictement marketée, celle des bandes annonces, de l'autre l'image tabloïd, prétendument réelle. Entre les deux, le tournage de ce film de guerre où une troisième image va se révéler.

Entre ces deux présentations complémentaires, Tonnerre sous les tropiques commence avec une séquence de bombardements, d'assaut et d'affrontements entre les soldats américains et les Viêt Cong, sans S au pluriel, comme le fait remarquer Kevin (Jay Baruchel) le cinquième soldat de l'escouade. Là encore les images sont différentes. Leur rôles cinématographiques sont déclinés. Tugg Speedman est le héros d'un roman écrit par un vétéran surnommé Four Leaf – le trèfle – et que joue, avec son regard ronchon, Nick Nolte. Les explosions se succèdent, les mitraillettes se déchargent et atteignent les mains du héros qui explosent. Des hélicoptères sont venus récupérer Four Leaf, le personnage, et Osiris, que joue Lazarus, se jette dans la bataille pour sauver le blessé. Au milieu des balles, ils se confessent et pleurent. Enfin, seul Lazarus parvient à chialer, Tugg tourne la tête vers le cinéaste qui crie « Coupez ». Nous voici de plein pied dans le tournage du roman Tropic Thunder.

La guerre n'est pas seulement dans le scénario que le cinéaste anglais tente de tourner. Elle se déploie dans les egos des quatre stars qui veulent tirer la couverture à eux. En coulisses, ce sont le producteur Les Grossman (Tom Cruise), son envoyé spécial, larbin lèche-cul (Bill Hader) et Rick Peck l'agent de Tugg (Matthew McConaughey) qui se mènent une bataille sans relâche. Il faut dire un mot sur leur patronyme. Grossman = l'homme vulgaire. Et effectivement, Tom Cruise habilement grimé comme un producteur de porno des années 1970, chemise ouverte sur un torse velu, le crâne à moitié chauve, une grosse chaîne et l'insulte à chaque phrase, est génial. Peck est surnommé Pecker = queutard. Sa seule ambition est que Tugg ait son TiVo (un magnétoscope numérique), son confort et qu'il reste en tête de l'affiche. D'un côté le confort de l'équipe dont les fêtes sont débridées, de l'autre une volonté de mater ses vedettes capricieuses. Lors d'une réunion salée, une idée surgit : mettre les cinq acteurs au milieu de la jungle, les lâcher dans la nature et filmer tout ça. Le réalisme, ça paiera bien un Oscar, se félicite déjà le réalisateur.

Le parcours du combattant à travers la jungle ne fait commencer. Chaque personnage révèle aux autres un pan de sa personnalité. Kevin, le jeune acteur, dont personne ne réussit à se rappeler le nom, est une bavard impénitent. Alpa Chino s'engueule avec Lazarus au sujet du langage « gangsta » dont ce dernier abuse, se prenant pour un Afro-américain. Jeff Portnoy, en manque de drogue, devient maboule. Tugg se prend de manière délirante pour son personnage et ne comprend pas qu'ils se sont perdus en pleine jungle. Les personnages, à moins que ne soient les personnages des personnages, parlent d'eux-mêmes, de leurs rôles, de leur place dans l'industrie du divertissement dans une mise en abyme vertigineuse où Simple Jack va devenir l'attraction des trafiquants de drogue qui le capturent, où Lazarus va se servir d'un ancien rôle pour libérer ses amis et où la cérémonie des Oscar consacre enfin Ben Stiller, dans un espoir de justice scénaristique, car le film en aurait mérité des Oscar, cette annus horribilis où l'atroce Slumdog milionaire a tout raflé.