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mardi 30 mars 2021

Index des films

Les cinémas n'ont pas ouverts depuis fin octobre, j'ai à peu épuisé tout mon stock de DVD (oui, je suis encore au DVD), alors je me repose un peu d'écrire. En attendant un jour meilleur, voici l'index des 2000 films que j'ai critiqués en cinq ans et demi.



et aussi mes textes sur mon ancien blog (terminé en été 2014) sur les cinémas d'Asie du sud est : AsieVision

Bonnes lectures.

lundi 21 décembre 2020

Adresse inconnue (Kim Ki-duk, 2001)

Quand la mort de Kim Ki-duk a été annoncée sur les réseaux sociaux avant que la presse n'en parle, je me suis rappelé à quel point j'avais aimé certains de ses films. Tout sortait dans le désordre, comme cela arrivait souvent quand un cinéaste venu de l'autre bout du monde est découvert, surtout avec un type aussi prolifique que Kim Ki-duk (c'était exactement la même chose avec Takashi Miike au début des années 2000). Je me souviens comment on regardait les films en DVD avant tout le monde, ceux de Kim comme de Miike, on se les projetait en douce à la Cinémathèque de Grenoble, le soir, tous assis sur les sièges du balcon. Il y a prescription depuis.

Dans ces mêmes réseaux sociaux, certains de mes contacts Facebook remarquaient que Kim Ki-duk était mort en Lettonie, bien loin de la Corée du sud, bien loin de chez lui, dans une quasi solitude. Enfin, on apprenait que Kim Ki-duk était un violeur. Certains de mes amis faisaient une visite des films avec ce point de vue, Kim Ki-duk filmait aussi dans ses films des viols avec une complaisance grandissante au fil des années. J'ai beaucoup aimé son cinéma, Printemps été automne hiver et printemps (le premier à être sorti en France), L'Île, The Coast guard, Locataires et Adresse inconnue. Petit à petit, la mode est tombée, son talent s'est estompé.

Revoir Adresse inconnue n'était pas forcément une bonne idée. Le film est un concentré de tout ce qu'aime Kim Ki-duk, d'abord une petite communauté fermée sur elle-même, cette idée de l'île, un précipité de personnages tous plus ou moins dingues. Le film est très symbolique. Le jeune fille Eun-wook (Park Ming-jung) est borgne, son œil droit a été abimé lors d'un jeu avec un de ses amis Ji-heum (Kim Young-min) amoureux transi d'elle. Elle subit pendant tout le film la domination masculine et sa brutalité. Les femmes sont des objets de convoitise, elle en particulier. Peu loquace, elle a un petit chien auquel elle est très attachée.

Dans ce même village à l'étrange topographie baignant dans un hiver grisâtre qui n'en finit jamais, Chang-kuk (Yang Dong-geun) n'est guère plus bavard. Le jeune homme est le fruit d'une liaison entre sa mère coréenne et un soldat Afro-américain. Il n'a jamais connu son père qui devait stationner dans la base militaire proche. Il est métisse mais aussi bâtard, logiquement il est traité comme un chien par tous y compris par son patron, un épouvantable bonhomme sans foi ni loi qui vole tous les chiens, les pend et les frappe avec un gourdin. Les chiens seront vendus aux villageois pour leur repas.

Le récit est irrigué par tout un catalogue de personnages plus sinistres les uns que les autres, la mère désespérée de Chang-kuk, une ancienne prostituée, elle vit dans un car désaffecté. Elle écrit régulièrement des lettres au père de son fils qui reviennent au bout d'un moment avec la mention « Address Unknown ». Deux petits loubards qui tourmentent Ji-heum, l'humilient chaque fois qu'ils le croisent. Quelques vieux villageois nostalgiques d'une époque révolue. Un soldat américain, Mitch qui propose à Eun-wook de faire soigner son œil à la base militaire si elle accepte de sortir avec lui. L'acteur américain joue terriblement mal.

Dans ce village isolé de tout, l'horizon est perturbé par les manœuvres des hélicoptères et des avions, par les exercices des soldats américains. En substance, Kim Ki-duk remarque que le schéma de domination se reproduit à l'identique quelle que soient les générations. Eun-wook et Chang-kuk sont des éternels victimes, le film d'ailleurs ne situe pas vraiment son film dans un temps précis. Mais contrairement à ma première vision du film il y a 15 ans, quand j'aimais beaucoup le cinéma de Kim Ki-duk, j'ai aujourd'hui trouvé tout excessivement lourd, démonstratif et somme toute peu sincère. J'ai probablement bien changé mes goûts depuis tout ce temps et j'aurais dû garder mes souvenirs d'alors. Ça arrive parfois.































lundi 30 novembre 2020

J'ai aussi regardé ces films en novembre



Un soupçon d'amour (Paul Vecchiali, 2020)
Inlassablement, Paul Vecchiali, désormais doyen des cinéastes français en activité, continue de sortir ses films comme une revanche des années de vache maigre (qui a duré près de 15 ans) où ses films ne sortaient pas en salle. Il n'a jamais arrêté de tourner cependant. Pas de traversée du désert, bien au contraire. Film aussi fauché que ses précédents, Un soupçon d'amour affirme sa théâtralité. On répète Andromaque et on parle avec une absence de naturel qui confine souvent à la préciosité, moins que dans Nuits blanches sur la jetée (2015) mais plus que dans Le Cancre (2016). Deux revenantes, Marianne Basler et Fabienne Babe se disputent le même homme tout en travaillant ensemble au théâtre. Voilà pour la partie romantique où les sentiments sont toujours abrupts. Elles se battent, devant Paul Vecchiali venu faire une figuration, par le chant et la danse, souvenir de Femmes femmes – le film est dédié à sa sœur Sonia Saviange – avant de laisser la place à du hip-hop. Le film parle du deuil, mais dans le plus grand secret. Il faut aller jusqu'à la dernière minute pour le comprendre. 

L'Ordre moral (Mário Barosso, 2020)
Le cinéma portugais n'existe pratiquement plus depuis la grosse crise économique qui l'a touché en 2014. Alors quand un film portugais sort, il faut aller le voir. Maria de Medeiros est rare également, elle est égale à elle-même légère et grave dans le même mouvement, elle porte sur ses frêles épaules tout le film en incarnant une femme Maria Adelaide qui lutte contre tous les pouvoirs patriarcaux dans le Portugal de 1918 (et les années qui suivent). D'abord le mari qui veut s'emparer de ses biens, soit un journal populaire. Elle prend un amant, son chauffeur par ailleurs homosexuel. Elle se voit interner dans un asile parce qu'elle va à contre-courant des mœurs bourgeoises. Ensuite, elle lutte contre l'église, l'Etat, la médecine, la justice. Par son habile construction, le film parvient à plonger dans une époque qu'on pensait révolue. Tout est décrit avec acuité, le mépris de classe, la haine de la liberté des femmes, la haine des homosexuels, l'avortement clandestin (la scène choc du film) et avec distance en évitant les plans édifiants et putassiers. Evidemment, le film est passé inaperçu lors de sa sortie. 

Philippe Clair, 1930-2020
J'ai probablement dû voir des films de Philippe Clair quand ils passaient sur feue La 5, la chaîne de Berlusconi que personne ne regrette. Il fait partie des réalisateurs français adeptes de l'humour franchouillard qui tache, comme ses pairs Max Pécas (On se calme et on boit frais à Saint-Tropez), Robert Thomas (Mon curé chez les nudistes), Michel Gérard (T'es folle ou quoi), le seul encore vivant. Aujourd'hui, c'est impossible de les voir pourtant les titres à rallonge font envie, Le Führer en folie, Rodriguez au pays des merguez, Par où t'es rentré on t'a pas vu sortir, Plus beau que moi tu meurs, Tais-toi quand tu parles. On admire le sens de l'oxymore. Philippe Clair avait une très haute opinion de lui-même, il suffit de l'entendre parler sur les vidéos youtube, son titre de gloire est d'avoir engagé Jerry Lewis dans Par où t'es rentré on t'a pas vu sortir où il lui donner la réplique. Jean Benguigui a un jour raconté que Jerry Lewis avait accepté de jouer là-dedans en pensant qu'il s'agissait de René Clair, cinéaste plus prestigieux. Ça paraît peu crédible, de toute façon Jerry Lewis était dans sa longue traversée du désert, il aurait joué dans n'importe quel film français. Il paraît que certains de ses films ont eu du succès, bref il a inventé l'humour pied-noir (Rodriguez au pays des merguez est une parodie du Cid version pied-noir). On trouve dans ses films toute la fine fleur du cinéma nanar, Jackie Sardou, Philippe Castelli, Aldo Maccione, Michel Galabru, Gérard Hernandez, Alice Sapritch, Pierre Doris, Sim, Micheline Dax. Bizarrement, Robert Castel n'a jamais joué dans ses films. Son héritage le plus connu est son fils le chanteur acteur Esteban, vu dans les deux films d'Antonin Peretjatko, entre autres. J'espère un hommage sur Arte.

mercredi 4 novembre 2020

A la poursuite d'Octobre Rouge (John McTiernan, 1990)


Le dernier film de Sean Connery que j'ai vu était Zardoz au printemps. Sur les réseaux sociaux, surtout Facebook, j'ai vu souvent la même photo du film, Sean Connery en slip rouge, bardé de lanières, queue de cheval. Le tout avec une ironie certaine. Zardoz, comme je m'en suis rendu compte, n'est pas un nanar loin de là. Mais c'est plus rigolo de croire que Zardoz est seulement kitsch.

Je n'ai jamais été un grand fan de Sean Connery. Je n'aime pas les James Bond mais deux films me plaisent beaucoup, LesIncorruptibles de Brian De Palma et surtout Indiana Jones etla dernière croisade, père absent mais extrêmement encombrant. C'est l'un des rares films que j'ai choisi d'aller voir au cinéma à une époque où je ne voyais que très peu de films en salle. Et aussi A la poursuite d'Octobre Rouge.

Ce sont les yeux de Sean Connery qui ouvrent le film, un regard paysage qui exprime que son point de vue prime sur tout, alors même que John McTienrnan engage là une aventure de Jack Ryan qu'incarne un Alec Baldwin alors très svèlte. Sean Connery, une fois que la caméra recule et dévoile l'arrière champ, est un capitaine de sous-marin soviétique, lituanien précisément, Marko Ramius, multi médaillé.

Lors des divers hommages donnés à l'acteur le jour de sa mort, on a appris que pour jouer ses James Bond il porte un toupet car il était déjà bien dégarni. On a les anecdotes qu'on mérite. Dans A la poursuite d'Octobre Rouge, sa perruque est massive, cheveux gris comme sa barbe, ce qui indique évidemment qu'il a du rodage, derrière lui, son second Vassili Borodine (Sam Neill) qui observe la mer pour l'instant très calme.

On l'entend, Sean Connery comme Sam Neill parlent russe. Pas commode pour le public américain qui déteste les sous-titres, mais il faut bien que ces spectateurs comprennent qu'ils sont soviétiques. Simple procédé pour passer du russe à l'anglais, un zoom avant sur les lèvres de Poutine (Peter Firth), le commissaire politique qui parle russe, puis un zoom arrière où il parle anglais. La méthode sera répétée par le cinéaste dans Le 13ème guerrier.

Le scénario : Raimus, Borodine et les autres officiers veulent passer à l'ouest. 1984, Tchernienko est encore au pouvoir, Gorbatchev pas encore. Le sous-marin que dirige Raimus est un énorme engin nouvelle génération. Ce jour-là, il est lancé pour la première fois dans la Russie du nord. Parallèlement, un sous-marin américain espionne. Son capitaine est Mancuso (Scott Glenn). Problème, le sous-marin soviétique est super silencieux.

Au-delà de l'enjeu de la langue, il est remarquable de noter que les personnages américains sont joués par des Américains (en plus d'Alec Baldwin et Scott Glenn, sur terre James Earl Jones est un stratège militaire) mais les Soviétiques sont tous soit britanniques (Sean Connery, Tim Curry le médecin de bord), soit néo-zélandais (Sam Neill) soit suédois (Stellan Skarsgard, capitaine d'un autre sous-marin qui suit les deux autres).

Or l'une des questions qui se pose avec la différence de langue pour provoquer et prolonger le suspense est de savoir comment communiquer entre les deux sous-marins. Impossible d'utiliser les radios sous risque d'être repéré, c'est alors le morse qui s'impose d'un engin à l'autre grâce aux périscopes. Le capitaine Mancuso délivre un message écrit par Jack Ryan au capitaine Ramius.

Plus que le suspense pur qui consiste à une course-poursuite sous la mer, John McTiernan prend un grand plaisir à filmer tous ses personnages dans des recoins les plus exiguës possibles avec une caméra très mobile qui passe d'un visage à un autre, d'une discussion à une autre, d'un sous-marin à l'autre, des bas fonds à l'extérieur. Le cinéaste s'amuse aussi avec les codes couleurs, bleu chez les Soviétiques et rouge chez les Américains.

Deux jeux s'opposent. Celui d'Alec Baldwin est dans le mouvement constant. Pendant les deux ou trois jours, il ne dort jamais, c'est même une sorte de comique de répétition avec les gens qu'il croise. Mais surtout, il est balancé d'un lieu à un autre pendant tout le film, de son poste en Angleterre, à Washington, trajets en avion, en hélicoptère, saut dans la mer glaciale et arrivée dans le sous-marin.

Sean Connery est au contraire d'un flegme olympien. Parole sobre, il bouge peu et quand il bouge agit vite et dans le calme (par exemple quand il tue Poutine), il se déplace dans ces lieux exiguës avec la certitude d'arriver à accomplir son but de passer à l'ouest, à condition de ne « pas tomber sur un cow-boy ». Ce rôle, ce film, c'est presque l'anti film d'action par excellence, j'exagère un peu, certes, mais à peine.